Cadeau pour KatSou
Titre: Une petite étincelle
Auteur: Mailine
Pairing: Original
Rating: G
Mot de l'auteur: Pour les soirées d'été, de décembre, de printemps et d'octobre. Pour les rencontres et la tendresse.
Une petite étincelle
On raconte un tas de choses sur la tendresse, un tas d’histoires sur les rencontres. On raconte les feuilles en octobre et les bisous dans le cou, le vent de décembre, les mains qui se nouent. On raconte les biscuits sablés et les fleurs de printemps, le soleil d’été et les après-midi à la mer.
« La Muette » vendait des fleurs, il y a bien longtemps, au temps où elle parlait encore beaucoup. Enormément, même. Elle s’égosillait sans cesse. Le soir et le matin, avec les oiseaux qui s’envolent. La matinée, avec le facteur, à midi, avec la patronne, l’après-midi, avec les clients. En soirée, elle parlait de tout et de rien avec n’importe qui, dans n’importe quel sens. Elle ne faisait pas attention, elle parlait de choses et d’autres, des épis de maïs jusqu’aux rivières du Canada. Des chercheurs d’or et des marins. Puis, quand venait la nuit, elle parlait seule. De rencontres et de tendresse. Parce que c’était mieux que tout. Parce qu’à en parler seule et profondément, elle s’en nourrissait. Elle tanguait, elle roulait, c’était comme un tourbillon, du nombril jusqu’au bout du nez.
Alors, à force, ça l’obsédait. C’était un besoin virulent, un désir continu. Pire et mieux que le soleil d’été, le vent de décembre, les fleurs de printemps et les feuilles d’octobre.
Pendant des mois, elle parla de tendresse et de rencontres. Avec les mouettes, les clients et la patronne.
Puis un matin, sa voix est partie avec un envol d’oiseaux. Elle n’est jamais revenue. Tout simplement.
« La Muette » s’appelait Catherine.
Depuis, les gens ne parlent plus vraiment de rencontres et de tendresse. Ils ont peur de finir comme la Catherine, avec la voix qui s’envole. Ils ne parlent plus de grand-chose, au fond.
Catherine, elle, elle s’en fout. Si Catherine ne parle plus, elle pense trop. Elle compense. La tendresse et les rencontres n’ont jamais fait le voyage jusqu’à elle. De toute façon, l’un ne va pas sans l’autre. Pour Catherine, la tendresse c’était comme une aiguille. Ca, « La Muette » n’avait jamais eu le temps de le dire. Ni de l’expliquer. Parce que son aiguille, on la cherche dans sa botte de foin, sans jamais la trouver. On cherche, on s’amuse. Après tout, le foin ça pique et c’est drôle. On fait passer le temps. Mais si on veut vraiment l’attraper, il faut y mettre le feu, il faut l’allumette. Et l’étincelle.
Catherine, elle ne s’inquiétait pas pour l’étincelle. Elle cherchait l’allumette. Son allumette. Elle voulait sa rencontre. Le reste, ça se ferait tout seul.
Charlotte était fatiguée. Le reste, elle ne savait plus. Elle était épuisée, harassée. Elle n’en pouvait plus des cris, du bruit, des piaillements. Elle voulait la paix. Plus jeune, elle rêvait de ses instants où sa mère faisait d’elle un gâteau sucré. Elle lui racontait des histoires, elle la remplissait d’amour et de tendresse. Il y avait toujours des rebondissements surprenants qui la secouait toute entière. Enfin, quand elle était en ébullition, prête à tout pour entendre la fin, sa mère la lui soufflait à l’oreille, d’une voix douce et posée. Elle lui soufflait un baiser sur le front, pour sucrer le gâteau, pour lui donner cet éclat particulier. C’était une vieille recette de famille.
Avec le temps, Charlotte a réalisé que les gâteaux ne poussaient pas dans les flaques et sur les trottoirs. Que les gens ne partageaient pas leurs vieilles recettes de famille et qu’ils restaient chez eux à râler en silence. A crier leur colère, ou à pleurer leur tristesse. C’est chacun sa spécialité.
Alors, Charlotte elle aussi avait décidé de faire de la cuisine. Sa cuisine. Elle faisait de beaux biscuits sablés, mais ce qu’elle préférait dans ses biscuits, c’était les miettes qui s’éparpillaient. Tout ce qu’elle ne pouvait pas attraper, toutes ces étoiles sucrées répandues ici et là. Les miettes, c’était le plaisir. C’était ce qu’on léchait du bout des doigts, avec envie. C’était le plus important, c’était la tendresse.
Un jour, Catherine décida d’aller trouver son allumette et planta un bouton d’or, une petite fleur, sous un arbre. Catherine faisait ça bien. Catherine allait chercher son étincelle. Elle y allait seule, sans oiseaux, sans patronne et sans clients.
Charlotte était fatiguée de ramasser les miettes, elle avait décidé de faire une pause. Alors, elle s’était assise, tout simplement.
Le lendemain, quand Catherine est revenue, l’allumette avait sous un arbre. Elle était apparue là, sans mot dire. Mais elle était si belle qu’il fallait encore en prendre soin, l’arroser, la caresser. Elle était belle, l’allumette. Elle était belle, sa Charlotte.
Charlotte, elle, ne se souvenait plus trop pourquoi et comment. Elle n’avait jamais ramassé toutes les miettes et elle avait mal aux oreilles. Elle s’était réfugiée là pour se reposer, pour reprendre courage. Elle n’en pouvait plus... C’était trop.
Alors, forcément, quand les miettes sont apparues, quand elle les a enfin rencontrées…
On peut parler de rencontres et de tendresse comme on veut, mais finalement, on attend tous l’allumette. On ramasse tous les miettes, les deux genoux par terre.
Catherine s’assit à côté de Charlotte pendant plusieurs jours, sans bruit, sans rien. Juste la tendresse et la rencontre. L’allumette et les miettes sur le bout des doigts. Pour attendre l’étincelle.
Alors, quand vint enfin la troisième nuit, ce fut un peu comme les histoires de la mère de Charlotte. Comme un grand gâteau sucré. Les miettes se répandirent sur leurs deux bouches et l’allumette décida d’être de la partie et y mit le feu. C’était un brasier de miettes qui s’entremêlaient à n’en plus finir, qui se caressaient et qui s’embrassaient. C’étaient des langues de feu qui doraient des biscuits sablés. Plus de foin, plus de miettes perdues. C’était une grande aiguille qui transperçait le cœur. C’était les piaillements de Catherine et la musique assourdissante de Charlotte.
C’était juste une petite étincelle.
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Les requêtes de KatSou étaient:
LOTR : Un petit Frodon avec qui vous voudrez, de préférence un peu espiègle, planté dans un décors printannier qui sent bon la violette.
Vargas : Tibère/Valence? Encore.
Original : Je penche pour un petit yuri, histoire de changer un peu la tendance. Un petit texte tendre. ^^