Cadeau pour La HalfelineTitre : Remembrance
Auteur : Latitefraisedesbois
Pairing : Fredo/Olivier (Volo)
Rating : G
Mot de l’auteur :
Pour toi, Grande Halfeline, à tes pieds je dépose un petit cadeau en forme de ficlette... J'espère qu'il te plaira, j'ai fait du mieux que j'ai pu pour honorer ton talent littéraire!Remembrance
Fredo était juché sur un tabouret haut, accoudé au bar de sa cuisine américaine et il feuilletait distraitement « Le principe de raison » de Heidegger.
Il soupira.
« Qu’est-ce que tu fous ? » cria-t-il en direction de la chambre.
Pas de réponse. Il se replongea dans sa pseudo-lecture, essayant de saisir le pourquoi du comment.
Olivier lisait toujours des trucs beaucoup trop compliqués !
Il aimait bien ce livre, pourtant. Son frère avait dû l’étudier en deuxième année de philo, pour son examen oral de juin. Il s’était pointé à deux heures du matin chez lui, complètement paniqué, et l’avait supplié de l’aider à réviser. À cette époque, il habitait avec une fille nommée Julienne, qui l’avait foutu dehors, ulcérée par son angoisse pré-examensielle.
Fred, en pyjama à rayures et à moitié endormi, avait dû mettre son petit frère « en condition ». C’est-à-dire jouer au professeur sadique et blasé.
Oh, ça ne lui avait pas demandé trop d’efforts, il adorait jouer la comédie, surtout devant son frère, son meilleur public ! Mais là, Olivier pinaillait sur la performance :
« T’es pas assez sévère, Fred, là je récite dans le vide… Tiens, note des trucs sur un carnet, ils font toujours ça… Hoche la tête d’un air dubitatif, de temps en temps… Et surtout, hausse les sourcils ! Super haut ! Comme si tu voulais toucher le plafond avec ! Ils font toujours ça !
- T’es sûr qu’ils sont aussi vaches ?
- Ouiiii ! Allez, on recommence ! Toussote, ou je sais pas moi… Tapote tes doigts sur la table pour me déconcentrer ! »
Et ce jusqu’à six heures du matin quand Frédéric, exténué, avait enfin pu s’écrouler dans son lit douillet.
Quand, le lendemain de l’examen, Fredo lui avait téléphoné pour savoir comment ça s’était déroulé, un peu inquiet malgré lui, Olivier lui avait simplement lancé : « Hyper bien, le prof’ était très sympa… Mais j’te rappelle, y a Julienne qui veut fêter ma réussite… »
Il était comme ça, Olivier.
Fredo abandonna Heidegger – c’était sans espoir. Lui, son genre de bouquin c’était plutôt Terry Pratchett, Desproges ou encore Sempé. La philosophie avait tendance à lui donner mal à la tête.
« Oliii !
- M’appelle pas “Oli”, c’est affreux ! On dirait le nom d’un type d’une quelconque mauvaise série télé, répondit celui-ci en sortant de la chambre.
- Qu’est-ce que tu… »
Fredo se tut, interloqué. Il glissa de son tabouret et, une seconde plus tard, il frappait le sol de ses poings, plié en quatre de rire.
Olivier portait un atroce costume, smoking et baskets argentées. Il ne manquait plus que la perruque et les lunettes de soleil pour le faire paraître complètement dément.
Celui-ci s’arrêta, vexé par l’hilarité de son frère.
« Mais… Qu’est-ce que c’est que ça ? parvint à articuler Fredéric entre deux hoquets de rire.
- Mon nouveau costume de scène ! »
Olivier croisa les bras, visiblement outré par l’attitude désinvolte de son frère.
« - Ça ? Un costume de scène ?
- Ben oui ! On a toujours les mêmes vieux vêtements, je me suis dit que ça pouvait être sympa de changer !
- Heu…Oui, mais enfin, nos costumes nous ressemblent ! Ils sont simples, pas prise de tête…
- Ils sont ennuyeux !
- Mais enfin, Olivier, crois-moi ! Je fais de la scène depuis super longtemps, ça passera jamais pour le public… Ils vont croire qu’on se fout d’eux !
- Oh, ça je sais bien, t’as plus d’expérience que moi, tu me le rappelles assez souvent, merci !
- Hé c’est pas ma faute si…
- Je m’en fous, tu décides toujours tout ! Je suis quoi, moi, au juste dans Volo ?
- Tu es aussi important que moi, c’est juste que…
- Que sans toi, le groupe est rien puisque c’est toi la star ! »
Olivier crispa ses poings et Fredo eut une vision fugitive du petit garçon hypersensible qu’il était. Il se mettait souvent en colère et des larmes de rage débordaient vite de ses jolis yeux parce que son frère avait eu un plus gros croissant que lui ou parce qu’il avait refusé de jouer aux cow-boys.
« - Dès que je prends une initiative, tu trouves que c’est nul…
- Pas du tout ! Mais enfin, en l’occurrence…
- C’est bon, j’ai compris ! »
Olivier s’assit sur le canapé, bras croisés, boudeur. Fred ne savait pas très bien dans quelle mesure c’était grave. Parfois, Olivier râlait pendant des jours pour des broutilles, parfois il parlait d’autre chose au bout de cinq minutes.
Il attrapa « Le principe de raison » qui était posé sur le tabouret haut. Son but était de rappeler à son frère les services qu’ils s’étaient rendus mutuellement et l’amour qui les unissait.
« - Tu te souviens ? lui dit-il en lui tendant le bouquin.
- De quoi ? »
De toute évidence, Olivier comptait conserver sa mauvaise humeur.
« -Ton examen ! T’es venu ici, enfin non, dans mon ancien appart’, à deux heures du mat’, je t’ai fait réciter ! »
Olivier leva des yeux étonnés sur son frère.
« - Qu’est-ce que tu racontes ? C’était pas Heidegger, c’était Nietzsche.
- Hein ? »
Fredo resta là, les bras ballants. Il était pourtant persuadé que c’était de Heidegger qu’il s’agissait ! Il l’aurait su, si ç’avait été Nietzsche le sujet de cet examen ! Il avait écouté Olivier délirer dessus pendant quatre bonnes heures...
Il était tellement drôle, avec son air ahuri et dépité, qu’Olivier ne put contenir son rire. Ce qui signifiait qu’il avait oublié sa rancœur… Les éclats de rire d’Olivier avaient déjà effacé bien des petites disputes !
« - Hé, c’est pas grave, c’est un détail…
- Mais…Mais enfin… Je l’ai acheté, moi, ce foutu « Principe de raison » ! ça fait des années que j’essaie de le lire, parce que ce que tu en avais dit m’avait intéressé… Et puis pour le souvenir, aussi… Et maintenant tu me dis que tu m’as parlé de Nietzsche et pas de Heidegger ?
- Ah, c’est sûr, c’est pas la même chose, » rigola Olivier.
Fredo s’assit, déconfit.
« - Mais comment j’ai pu confondre les deux ?
- T’inquiète, le frère, je t’offrirai un bouquin de Nietzsche pour la Noël. Et puis je te ferai un résumé du « Principe de raison », tant qu’on y est ! J’avais prévu Kundera, mais… »
Fredo restait silencieux. Durant toutes ces années, il s’était souvenu avec précision d’Olivier lui parlant de ce livre. Il pouvait tout se remémorer : la chaleur qu’il faisait dans son appart’ situé au dernier étage d’un immeuble, les cernes qui dévoraient les yeux d’Olivier, le reste de poulet froid qu’ils avaient dévoré entre deux questions sur le bouquin,…
Et il s’était trompé dans le sujet qu’Olivier étudiait !
Pourquoi avoir remplacé Nietzsche par Heidegger ? C’était un de ces mystères irrésolubles du cerveau humain.
Il regarda le livre, l’ouvrit, en caressa le papier. Il avait lu vingt fois, trente fois les premières pages.
« Hé, Fred… »
Olivier passa son bras autour des épaules de son frère. Le costume de scène foireux était définitivement oublié.
Fredo se laissa aller doucement…
Le « Principe de raison » avait été pour lui le symbole secret de sa complicité avec Olivier. Qu’importe de savoir si le souvenir auquel il se rapportait était erroné ? L’important était que ce livre lui rappelait qu’il aimait son frère, qu’il aimait l’aider, le soutenir, quoiqu’il arrive. Même s’il avait des habits pour le moins étranges…
« Tu sais Olivier, c’est ok pour le costume. C’est vrai que je veux toujours tout contrôler et…
- Non, t’as raison, c’est pas une si bonne idée que ça, on gardera nos bons vieux habits. »
Fred sourit, silencieux. Il se serait disputé avec Olivier rien que pour leurs réconciliations.
Il était bien, contre l’épaule de son frère, à respirer ses cheveux.
Mais celui-ci dut bientôt s’en aller. Un rendez-vous avec Isabelle…
En partant, il embrassa Fred.
« Ciao, Oli !
- Ciao – arrête avec ce Oli ! Ou je t’appelle Freddy ! »
Fredo, resté seul, se rassit sur son tabouret haut. Il était bien, là. Il était grand, il maîtrisait la situation.
Puis il se leva, attrapa le livre de Heidegger et l’ouvrit.
Il n’y pouvait rien, c’était plus fort que lui. Il avait développé une véritable fixation à partir d’un faux souvenir.
Il finirait de le lire avant la Noël. Avant que Olivier ne lui offre du Nietzsche !
Il soupira.
À l’intérieur de la couverture, il avait marqué ceci : « Souvenir d’une soirée avec Olivier – veille de son examen de philo. »
Il était comme ça, Fredo.
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Les requêtes de La Halfeline étaient :
- Un Merry/Pippin, avec un cadre de jeunesse, lors d'une fête de la fin de l'année. On y trouvera une boule qui dégringole du sapin, un rougissement préoccupant, des habits de fête, un premier baiser.
- Un Fredo/Olivier, en contexte plutôt comédie. J'y voudrai un nouveau costume de scène, "Le principe de raison" de Heidegger, une fixation, un tabouret haut.
- Un T-bag/Michael, où on nous donnera une petite vision de Noël en prison. Il y faudra pêle-mêle de la mauvaise humeur, un rhume, quelque chose de chaud, une violente bagarre dans la neige.