La lanterne fringante
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 Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses

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La Halfeline
Prophète de Lilith
La Halfeline


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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyDim 4 Oct - 18:34

Foyer, doux foyer

Partie 2


Theodore sirotait une coupe de champagne avec quelques discrets claquements de papilles concupiscents en observant la salle. Un large pan de la mode masculine grouillait là : génies, cuistres, mirliflores, représentants de grandes enseignes, amateurs, apollons de tous poils et égéries qui pétaient plus haut que leur petit cul. Il se demandait parfois comment diable il était arrivé jusque là. Ce monde était aux antipodes de tout ce qu’il avait connu et pratiqué dans sa vie. Quand il avait fallu réfléchir à un métier dans lequel se lancer, à 40 piges et sans le moindre diplôme, l’horizon avait été plutôt sombre pour Bagwell. Abruzzi avait balayé le problème en disant qu’il pouvait lui fournir un emploi fictif fort bien payé, et peut-être à la maison, ce qui lui permettrait du même coup de s’occuper des mômes, mais l’Alabamien avait rétorqué qu’il préfèrerait crever plutôt que d’être entretenu comme la dernière des bonnes femmes. John avait grogné qu’il attendait de voir combien de temps T-bag tiendrait comme caissier au Prisunic du coin et qu’il ne fallait pas s’imaginer qu’on pouvait gagner son pain en restant assis à peloter des petits enfants, si ce n’était peut-être une fois l’an à l’occasion de Noël. Il avait ajouté que, pour sa part, il préférait largement se remettre à fréquenter les boîtes de strip-tease en bas de l’estrade avec des enveloppes pécuniaires bien proprettes, mais que Bagwell pouvait tout à fait proposer au Bleu de reprendre du service s’ils n’en avaient pas marre d’avoir de l’oseille plein le calebar. Cette tirade avait donné à Theodore une sacrée idée et, dès le lendemain, il s’était rendu dans cette rase campagne de la lointaine périphérie où s’étaient établis les deux frangins miraculés ainsi que le cher rejeton, et leur avait annoncé la nouvelle. Il allait enfin réaliser le seul boulot honnête pour lequel il était fait : mener à lui tout seul la révolution du comportement vestimentaire adolescent. S’il le désirait, LJ pouvait avoir la chance d’être le premier dépositaire des œuvres qui jailliraient de sa créativité débordante, et il se gagnerait du même coup un peu d’argent de poche, en attendant la notoriété. Tout d’abord, Burrows lui avait mis son poing dans la gueule. Pourtant Junior, en bon jeunot en pleine révolte contre la figure paternelle qui avait détruit sa vie, n’avait pas tardé à venir sonner à sa porte, se réjouissant à l’idée d’être payé pour emmerder son daron. Et la petite entreprise avait été mise en branle, avec le gracieux investissement d’Abruzzi qui prenait la chose avec le sérieux d’une mère de famille qui achète un joujou coûteux à son gamin en se persuadant que cela l’occupera à autre chose que traîner les rues en blouson noir et faire des graffitis sur les murs municipaux. Ah ! Ca avait pris un peu de temps, mais il avait fini par lui en mettre plein la vue ! Le jour où le budget était passé aux bénéfices, il avait jubilé sans retenue, mais de là à imaginer qu’il se retrouverait un jour en train de partager les ergoteries salonnardes du « monde », en smoking et chapeau classieux… Il fallait croire qu’il était bel et bien fait pour ça, et ses garçons également… Il leur devait sans doute une petite partie de son succès. Il avait trouvé Jeremy sur un marché au puces… enfin, il l’y avait repéré en tant que badaud, bien sûr, alors qu’ils se trouvaient à un stand de couteaux, qui pour dénicher un canif pratique, qui pour trouver de quoi dépecer les petits lapins et autres louveteaux en culottes courtes. A sa vue, il s’était figé un instant, puis s’était précipité sur Caligula, qui chahutait avec ses frères non loin des jupes de John, et l’avait prélevé dans ses bras sans autre forme de procès afin d’aller filer sa carte au beau brin de jeune homme en ayant l’air le plus éloigné possible d’un vieux pervers sociopathe. Morten avait été le seul à avoir le culot de venir se présenter de lui-même.

Avec un peu d’entraînement, eux aussi savaient à présent très bien ce qu’ils faisaient, et ils avaient rencontré un succès tout à fait honnête ce soir. Il les aperçut, à présent en train de se faire courtiser par d’autres gens du métier. Jeremy avait choisi de rester assez classique, scolaire en fait, veste, chemise blanche et casquette à la française. Seule sa cravate, fine, rouge et lâche sur sa poitrine, donnait un peu de fantaisie à sa tenue. Morten, pourtant moins coloré encore, détonnait déjà plus. Son tee-shirt à manches longues noir, épais et près du corps, était divisé en quatre de chaque côté par une croix de boutons-pressions blancs irisés qui se prolongeait devant sur le pantalon et dont la branche horizontale faisait le tour de son torse. Il l’avait autorisé à garder à l’oreille une petite croix de Néron. Le petit gars avait adoré cet ensemble et il n’était pas étonnant qu’il ait décidé de garder celui-là pour la soirée. T-bag crut bon de venir superviser un peu les mondanités.
- Oui, je sais que je pourrai faire un choix bientôt mais je pense que c’est important que je continue mes études. Sinon, qu’est-ce que je vais devenir quand j’aurai votre âge, voyez ? expliquait l’aîné à une quadra tirée à quatre épingles dont le sourire fut légèrement ironique.
- C’est vrai, et en attendant, tu n’as pas encore droit à l’alcool, intervint Theodore en lui soulevant sa coupe.
- Oh Teddy, c’est qu’un peu de champagne ! Les boutonneux de mon lycée se cuitent au ratafia presque toutes les semaines ! protesta Jeremy en essayant de la récupérer.
- C’est ça, et tu voudrais finir rougeaud et boursoufflé comme eux, à clopiner cahin-caha en vomissant ta connerie sur le bas-côté ?
- Oh, tu dramatises… lança avec désinvolture un autre couturier aux courts cheveux bouclés.
- Je sais bien que ça t’arrangerait de saouler cet enfant afin de le persuader de venir grossir tes rangs dans un an ou deux, mais ça ne se passera pas comme ça, répliqua-t-il.
L’intéressé eut un sourire jovial.
- Je m’incline, j’avoue que ce que tu fais lui correspond probablement mieux que ma tonalité personnelle.
- Je pense surtout qu’il aurait comme tendance à flotter dedans, glissa Morten, narquois.
- Oh ça va hein, je te verrais mal faire de la pub pour un gel douche de ton côté…
- C’est le problème avec les ados, déclara la nénette qui détonait au milieu de cette omniprésence masculine. On ne sait jamais comment leur couper quelque chose de parfait. Il y a toujours un bout qui manque ou qui part de travers question proportions. C’est pour ça que j’ai arrêté.
- Ah oui mais… c’est là que réside tout le défi du métier, ma chère ! Il n’y a pas deux formes adolescentes pareilles, et il faut pourtant trouver ce qui va les rassembler dans une sorte d’adéquation spécifique, songea Bagwell.
- Comme c’est poétique, sourit-elle, un peu condescendante, avant de se tourner vers Morten. Tout de même, vous n’êtes pas bien grand. Heureusement que Rory et Luke ont amené un exemple de ce qu’ils font pour les 15-16 ans mais même comme ça… Ca ne vous complexe pas de vous trouver là, d’égal à égal avec tous ces hommes bien développés ?
T-bag réprima un sourire en décelant la vexation dans l’étonnement dégagé que le petit emo manqué affecta.
- Non…
- Tu baiseras probablement des hommes avant que ce garçon soit complexé, ma pauvre Loren, c’est cette inconscience qui le rend crédible. Il ne se rend même pas compte qu’il devrait surjouer pour arriver à la même présence, l’animal, et c’est pour ça que ça marche, affirma Theodore, venant à son secours.
- Teddy, superbe mouture, mon gars ! s’exclama soudain un trentenaire à longue queue de cheval en les rejoignant.
Il portait lui aussi un costume et avait l’oreille percée d’une petite bille semblable à un œil. Le sudiste l’accueillit d’un sourire radieux. On ne gardait pas les vaches ensemble, dans ce milieu, mais ce mec-là lui était plutôt sympathique. Il ne lui fut pas difficile de flagorner en retour.
- Merci Connor, j’ai moi-même beaucoup apprécié ce que t’avais en magasin… encore que je n’aventurerais pas mes bonbons dans cette chose parfaitement indescriptible que portait ton frisé vers la fin. Cela dit tes vestes avaient beaucoup de classe, surtout les boutons de manchette, comme d’habitude…
- Que veux-tu, c’est devenu ma marque de fabrique, maintenant il faut que je m’y tienne… En tout cas tu prends soin des gamins. Intéressant concept d’étudiant, vous êtes fait pour porter des casquettes, jeune homme, affirma-t-il à Jeremy.
- Merci.
- Oh eh puis j’ai adoré le pantalon ! ajouta-t-il en étudiant la fermeture qui, en fait d’être coupée en braguette, se prolongeait entre les jambes jusqu’au bord opposé. Mais où Diable es-tu allé dégoté cette merveilleuse idée ?
- Ah, la tragédie des futals… Ne me dis pas que tu n’as jamais rencontré ce genre de problème ! Imagine : tu viens rendre visite à ton petit au… à la fac, disons, histoire de le dépraver un bon coup au milieu de sa dure journée de labeur, narra T-bag. C’est la pause, vous devez faire ça à la sauvette et vous prenez le premier placard à balais venu pour vous entredévorer. Il te presse, gémit déjà un peu quand tu dégrafes son pantalon d’écolier, et se retrouve contre un rebord quelconque. Et là, vous vous débattez tellement avec cette satanée pourriture de futal, toi tirant comme un cheval de laboure, lui se contorsionnant comme un ver, qu’au moment où tu as enfin fait passer les souliers la porte s’ouvre, exposant vos petites affaires aux regards bouffis de la femme de ménage portoricaine, et faisant dramatiquement retomber le soufflé sans espoir de retour.
- Dramatique, répéta l’autre couturier dans un frémissement.
- Il est temps que les fabricants de vêtements prennent conscience de ça : il faut prolonger les braguettes pour pouvoir démantibuler les pantalons dans l’urgence, il en va de la santé sexuelle des populations !
- Amen !
Jeremy, qui avait appris à ne plus être gêné par grand-chose, regardait tout ça avec un sarcasme amusé ; il s’attendait presque à voir les deux artistes s’attraper les avant-bras et sauter de concert sur place.
- Excusez-moi, puis-je savoir votre nom ?
Le jeunot tourna la tête et ne put s’empêcher d’ouvrir de grands yeux à la vue de celui qui l’avait abordé. Little faisait partie des hautes pointures ; c’était un couturier qui ne faisait pas tellement dans l’originalité, mais dont les productions avaient beaucoup de cachet. Ce n’était pas forcément son style de prédilection mais il avait toujours beaucoup admiré leur élégance. Il se ressaisit aussitôt.
- Oui, Jeremy Downs, dit-il en lui serrant la main.
- Eh bien que diriez-vous de discuter un peu de votre avenir, Mr Downs, si cela vous intéresse ?
- Bien sûr.
Little salua Theodore d’un signe de tête, auquel celui-ci répondit, et Jeremy fut presque surpris en voyant qu’il les laissait filer sans faire montre d’un quelconque besoin de s’immiscer dans le débat. Il s’empara d’une nouvelle coupe de champagne, pour la contenance.


John reposa sa tasse de déca dans un grand éclat de rire. Il avait invité un ami de son club de tir à venir se faire une bouffe à la maison. Simon était l’archétype du vieux célibataire affairé qui marchait aux surgelés, excepté lors des quelques occasions où il emmenait une poule de passage au resto. L’Italien avait senti qu’il était de son devoir de lui changer un peu son vendredi soir, pour une fois qu’il ne risquait pas de le passer à patauger dans le stupre avec un Alabamien sociopathe. Après avoir débarrassé leur assiette, les mômes étaient partis se laver les dents et se mettre en pyjama, et les deux hommes en étaient au moment où ils refaisaient le monde en s’attaquant à quelques points clés du déclin de la civilisation. Finalement, Simon acheva à son tour de vider sa tasse et déclara :
- Bon, je vais peut-être pas tarder à y aller. Merci pour l’invitation, John, ça m’a fait plaisir de rencontrer tes gamins. On voit qu’ils ont de qui tenir !
- He he… Faut pas que je m’attire tout le mérite pour ça… mais merci quand même !
- La prochaine fois vous viendrez à la maison, et t’amèneras ton… ton… comment vous vous désignez exactement ?
- Le déchet blanc avec qui je couche, indiqua le mafioso.
- D’accord, acquiesça Simon, amusé. Par contre, je vous préviens, je vous ferai des pâtes… non, du riz, j’aurais honte de te faire des pâtes, à toi.
- Ca fait partie des choses que les gosses préfèrent, de toute façon. Tu verras, si un jour t’en fais.
- Oh j’ai bien peur qu’il soit un peu tard pour ça. Si Dieu n’a pas voulu que j’en aie, c’est qu’il y a sans doute une bonne raison…
- …
- Je disais pas ça pour toi, John ! s’empressa-t-il de préciser. Tu sais que je suis pas un fanatique ni rien…
- Je sais. Mais te donne pas Dieu comme excuse tout le temps ; j’ai eu trop tendance à faire ça à une époque, et voilà ce que ça m’a rapporté, dit Abruzzi en massant pensivement la grosse cicatrice sur son cou.
Simon fronça les sourcils et aspira douloureusement entre ses dents.
- Qui c’est qui t’as fait ça, mec ? demanda-t-il.
- Oh, une longue histoire… Si je te le disais, tu ne me croirais pas. Enfin… en tout cas, sache que j’étais pas plus jeune que toi quand j’ai eu ces crapules-là. Souviens t’en !
L’intéressé se contenta de sourire et les deux hommes se levèrent pour gagner l’entrée. Les garçons se joignirent aux salutations, puis John les mit au pieu avec une petite histoire. Après qu’il leur ait dit bonne nuit en caressant leurs petites têtes de ses grandes pognes de gangster, il s’apprêta à reprendre sa propre lecture de Machiavel. C’était là une activité de dernier recours qu’il avait fort peu l’occasion de concrétiser le soir, Theodore ne semblant pas souffrir sa présence éveillée dans son lit autrement qu’en tant que cible de sa perverse libido. Alors qu’il avait à peine achevé une double-page, cependant, son téléphone portable se manifesta.
- Oui ?
- John, c’est Matt.
- Salut. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je voulais juste t’informer à l’avance d’un détail : demain, on aura sans doute un petit quelque chose à régler, mais rien qui te concerne.
- Le paquet, c’est pour quelqu’un que je connais ?
- Seulement de vue, c’est pour ça qu’on va s’arranger nous-mêmes pour une expédition discrète. Je voulais juste te mettre au parfum.
- Entendu, mais essayez de faire vite, les gars, je pensais que demain on était censés prendre du bon temps.
- Et c’est ce qu’on va faire, t’inquiète pas !
- Bien. Bonsoir, Matteo.
- Bonne soirée, John.
Abruzzi raccrocha avec un léger soupir. Parfois, il enviait le métier que s’était trouvé Bagwell. Enfin… il aurait été lui-même bien incapable de dessiner des frusques. Néanmoins, quand on avait le tour de main, ce devait être un boulot autrement plus confortable que travailler sous le manteau comme il le faisait…


A peine avaient-ils passé le seuil de leur chambre d’hôtel que Jeremy bondit littéralement sur l’Alabamien en clamant :
- TEDDY, DANS MES BRAS !
Surpris, le sociopathe le réceptionna à la hâte contre sa hanche en titubant sur le côté, avant d’être déséquilibré par le sommier du lit.
- Si c’est là la réaction que ça devait engendrer, je te félicite pour ton stoïcisme exemplaire en public, se contenta-t-il de déclarer avec le peu d’air que le poids du jeune homme avait laissé dans ses poumons en atterrissant dessus.
Lorsqu’il était revenu de son petit entretien et que T-bag lui avait demandé discrètement si tout allait bien, il avait répondu très, voire trop posément « à merveille », avant d’aller se servir un autre champagne, lequel aidait probablement un peu la présente excitation que le garçon déversait en bloc.
- Si tout va bien, l’an prochain, je fais partie de son nouveau projet ! annonça-t-il en se redressant, le poing levé.
- Dis m’en plus, Jeremy-boy, dis m’en plus… comme disait l’autre, l’encouragea Bagwell qui, ayant récupérer ses capacités respiratoires, venait de réaliser qu’un adolescent était plus ou moins assis sur sa personne.
- Little a dit qu’une partie de ce qu’il avait en préparation m’irait comme un gant, qu’il avait cherché une tranche plus jeune pour ça mais que peu de modèles de cet âge étaient vraiment convaincants. Paraît-il en particulier qu’il faut absolument que je porte ses akubras !
- Des akubras ? Pour qui y te prend, un genre d’aventurier australien à la mords-moi-l’nœud ? Et dire qu’après il faut te courtiser pour te faire porter un bon vieux Stetson…
- J’ai peur de ce que les Stetson produisent dans les circonvolutions tortueuses de ton cerveau malade, figure-toi, répliqua Jeremy, les bras croisés, laissant retomber sur lui un regard accusateur – et légèrement embrumé.
- Dit le môme présentement en train de me chevaucher, glissa T-bag en regardant ailleurs.
- Et alors, quoi d’autre ? les interrompit Morten, assis en tailleur près d’eux.
- Ah, il m’a aussi dit que je donnais une sorte de « fraîcheur authentique » au classique, et c’est pour ça que je devais te remercier, Teddy ! C’est en partie grâce à toi si Little m’a proposé de bosser sur ce projet. Tu te rends comptes ? Depuis le temps que j’admire ce qu’il fait !
- Oui, au moins quelques mois, sourit Bjørksen.
- Eh bien ça fait plaisir de voir que tu ne minimalises pas mon rôle dans ton existence… persiffla Theodore, juste avant de se fondre entièrement en ronrons intérieurs comme Jeremy le gratifiait d’un câlin sincère et assoupli par la griserie.
Il y répondit en caressant le dos de l’éphèbe là où il lui semblait opportun. Lorsque ce dernier finit par se redresser, il sembla un instant à Bagwell que son regard était voilé par une sorte de langueur… puis il réalisa bien vite qu’il la devait encore au champagne lorsque le jeunot s’exclama :
- Oh merde, faut que je dise ça à ma mère !!

Aussitôt, Jeremy fila sans autre forme de procès pour se mettre en quête de son téléphone.
- Il est trois heures du matin, mon garçon ! tenta le meurtrier sans succès.
Il soupira.
- Bon… J’imagine que tu n’as pas besoin d’un Teddy à câliner, de ton côté ? demanda-t-il à Morten.
- Pas vraiment, en tout cas pas maintenant… Je garde la proposition en tête au cas où.
- Je suis vraiment considéré comme un homme-objet dans cette compagnie.
- Dis, comment ça se fait que tu n’es pas allé voir ce qui se tramait avec Little comme tu l’as fait avec les autres ? interrogea le benjamin.
- Qu’est-ce que tu voulais que je fasse contre un type comme ça ? J’ai rien à lui reprocher… Jeremy le méritait. Les autres n’étaient tout simplement pas assez bien pour vous, y compris ce pauvre Connor, aussi bon gars soit-il. Mais je suis pas en position de le dissuader de participer à ça, c’est la chance de son éphémère carrière. Qui sait, s’il se débrouille vraiment bien par la suite, peut-être qu’il accumulera suffisamment de blé pour pouvoir vivre tranquille le restant de ses jours !
- C’est chouette pour lui, approuva-t-il.
T-bag roula sur le côté et inclina la tête.
- Tu serais pas dépité que la même providence ne te soit pas tombé dessus, quand même ?
Morten haussa les épaules.
- Un peu… c’est normal. Ca m’empêche pas d’être ravi pour lui, hein !
- Aw, ma puce, mais à quoi tu t’attendais ? Tu as voulu venir à cet événement, et en plus tu as fomenté un complot avec notre ami pour qu’il soit également de la partie, mais ces gens-là ils ne bossent pas avec les jouvenceaux. Jeremy peut déjà s’estimer heureux, et il te doit une fière chandelle sur ce coup-là…
- Ouaip’, t’as raison. Faudra que je m’en serve à l’avenir !
- Et moi aussi par la même occasion, ajouta Bagwell en se redressant en position assise.
Morten se mit à rire.
- Le pauvre, on va vraiment lui faire payer !
- Que ça te fasse réfléchir à deux fois le jour où tu voudras aller jouer dans la cour des grands. En attendant, je te garde tout à moi, laisse-moi au moins ce plaisir, lança le couturier en l’attirant à lui pour lui ébouriffer les cheveux. Allez, il est temps de se pieuter, on a de la route à faire demain.
- J’ai réveillé ma mère mais elle était super contente, déclara Jeremy en revenant de la salle de bain tout en achevant de défaire sa fine cravate lâche.
- Ouais ben fais pas le fier trop vite, Teddy et moi étions en train de nous mettre d’accord sur le fait qu’il serait juste que tu sois notre esclave personnel pour la fin du week-end afin de nous revaloir ça, répliqua Morten.
- Ah ! Tu ne saurais même pas quoi faire de tout ça, railla l’aîné en enlevant fièrement sa chemise pour passer son énorme tee-shirt de baseball informe.
- Faire les sandwichs et me masser les pieds sur la banquette arrière pendant le trajet me paraît un bon début, dit le préado sans se laisser impressionner.
- En ce qui me concerne…
- Toi, je ne veux pas savoir, coupa Jeremy alors qu’il achevait de se débarrasser de son pantalon. Allez, bonne nuit les gars !
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyDim 4 Oct - 18:37

John était plongé dans un état de parfaite béatitude sous les mains expertes de Kasuko. Il avait l’impression qu’on lui remettait petit à petit en place tous les os et les muscles du dos. Ralphi était allongé à-côté, mais ils avaient tous deux cessé de tailler la bavette depuis un moment, trop occupés à savourer l’intime jubilation que procurait un bon massage. Le grand Joe, qui assurait la sécurité, montait la garde à la porte. Les autres étaient répartis dans les pièces alentours. Il lâcha un profond soupir, pleinement détendu. Cette petite chinetoque avait le coup de main ; chaque pression sonnait dans sa chair comme une réponse à une démangeaison inconsciente. Rien ne semblait pouvoir troubler la sérénité dans laquelle il baignait.

Excepté peut-être un coup de feu. Ce coup de feu qui retentit juste à-côté et les fit tous sursauter vivement. En cas de meurtre prémédité, les gars n’étaient pas idiots et se munissaient de silencieux ! Abruzzi se redressa brusquement. Quelque chose avait foiré. Il vit
le Grand Joe ouvrir la porte, puis ouvrir le feu dans le couloir. Et le pauvre ne fit pas long feu. Une balle l’étala bientôt au travers du seuil de la porte entrouverte, sous les cris terrorisés des masseuses.
- Oh bordel de merde ! jura laborieusement l’ex-parrain en allant se jeter dans l’embrasure pour récupérer le flingue aussi vivement que possible.
C’était ça ou finir crevés comme des rats dans cette pièce, mais les fouteurs de merde ne le ratèrent pas. Il sentit un coup de feu siffler tout contre son oreille et lui vriller le tympan, puis une sensation de brûlure aigüe éclater dans la même région pour envahir tout le côté droit de sa tête. Du sang gicla sur le linoléum ; il poussa un cri largement relayé à l’intérieur par l’affolement des trois autres personnes présentes. Dans le feu de l’action, il se replia pourtant derrière la porte, puis à l’abri contre le mur. En dépit de sa nudité totale et parfaitement ridicule en pareille situation, Abruzzi avait beaucoup moins l’impression d’être à poil à présent qu’il tenait lui-même un Beretta M92. A croupetons dans son coin, il mit son arme en joue et abattit le premier larron qui pénétra dans la salle, hélas sans l’empêcher de faire sauter la cervelle à l’une des masseuses. Ralphi, lui, avait eu le réflexe de se planquer derrière le pied de la table.
- Venez derrière moi, Miss ! aboya-t-il à Kasuko, paralysée par la peur.
La petite Asiatique se précipita dans son coin, juste à temps pour éviter une deuxième balle, et John descendit un autre gangster. Rien ne bougea pendant quelques secondes. Les coups de feu avaient paru cesser. Il attendit quelques instants de plus… Puis une main se profila derrière la porte entrouverte, tenant le canon d’un revolver braqué sur eux. Abruzzi tira immédiatement avant de se jeter sur le côté, entraînant la jeune fille avec lui. Le tir leur frôla l’échine mais manqua sa cible ; hélas l’impact de sa propre balle se contenta également d’atteindre le bois de la porte tout près du poignet. Le mec eut tout de même le réflexe de retirer sa main un instant, et c’est à ce moment-là que le bruissement sec d’un silencieux se fit entendre tout près, la chute du corps annonçant qu’il venait de se faire prendre à bout portant.
- John ! Oh, Dieu merci… dit un mafieux grassouillet en serviette tout en se signant à la vue de l’ex-parrain apparemment sain et sauf.
Abruzzi, le cœur battant encore à tout rompre, tempêta :
- QU’EST-CE QUE C’ETAIT QUE TOUT CE BORDEL ?!
- Il faut croire que l’doulos avait flairé quelque chose… Quelle merde… dit l’autre en poussant tristement le cadavre du Grand Joe du bout du pied. Enfin on les a eu, mais ils nous auront pris trois porte-flingues, ces cons. Sans parler de Peter qui est blessé à la cuisse.
- Je suis vivant, si ça intéresse quelqu’un ! signala Ralphi en se relevant péniblement sur des jambes flageolantes.

La petite Chinetoque éclata en sanglots nerveux. Le mafioso poussa lui-même un soupir éprouvé et l’entoura presque machinalement d’un bras rassurant.
- Merci infiniment pour ce merveilleux moment, Matteo, grinça-t-il en levant un regard glacial vers l’autre truand.
- Je suis vraiment désolé, John, répondit celui-ci sincèrement.
Les pleurs de la jeune fille s’étranglèrent un peu plus dans sa gorge lorsqu’elle aperçut avec horreur ce qu’il restait du visage de sa consœur.
- Allez allez, c’est fini maintenant… tenta Abruzzi en posant sa tête aux beaux cheveux noirs dans le creux de son épaule et en lui tapotant le dos.
- Hé mais tu saignes ! T’es sûr que ça va ? demanda Matteo, inquiet.
- J’en sais rien, à toi de me dire…
Le mafieux se pencha du mieux que le permettait ses tissus adipeux pour l’examiner.
- Merda, je crois qu’ils t’auront aussi emporté un bout d’oreille.
- Oh, splendide…
- Pas grand chose, un tout petit bout sur le bord… mais t’as eu de la chance ! Jésus veille sur toi, y a pas à dire.
- Oui, je me suis déjà fait la même réflexion… soupira John.
- Faut y aller, maintenant, les poulets vont pas tarder à se pointer.
Abruzzi acquiesça vivement et aida la petite masseuse chancelante à se relever aussi courtoisement que le permettait la situation.
- Ca va aller, maintenant, ne restez pas là… Les secours ne vont pas tarder, lui dit-il en l’empêchant de regarder à nouveau le cadavre de sa copine.
Matt reparut avec leurs effets personnels et ils se rhabillèrent en hâte avant de filer par derrière avec le reste de l’équipe, se sentant un peu coupable de laisser la pauvre demoiselle à elle-même au milieu de ce charnier. Une fois dans l’une des voitures, alors qu’un de ses compères lui offrait son mouchoir en tissu pour stopper l’hémorragie, il ne put réprimer une grimace anxieuse en songeant qu’il aurait aisément pu gésir à la place de cet employée, une balle dans la tête, refroidi pour le compte. Ca n’avait tenu qu’à quelques centimètres et la douleur avait à présent tout le loisir de cogner dans sa tête pour le lui rappeler. Il imaginait Matteo se rendre à la maison pour annoncer la nouvelle à Francesca, l’incompréhension des gamins face à ses petits contes maternels pour tenter de leur faire avaler le fait qu’il ne reviendrait pas, le coup de téléphone à Theodore dont ils se fendraient pour l’occasion. Comment réagirait-il ? Refuserait-il de comprendre, lui aussi ? Se pourrait-il qu’il sache pleurer autre chose que des larmes de crocodile ? John n’avait jamais rien vu de la sorte et n’en était pas convaincu. Est-ce qu’il vitupérerait contre sa stupidité d’être resté dans le milieu ? … Finalement, le plus probable était qu’il se mette à traquer les responsables pour les prendre au piège chez eux, violer leurs enfants sous leurs yeux et les torturer eux avec toutes la finesse qu’il avait accumulée dans ce domaine depuis sa tendre enfance, avant de terminer le tout en boucherie générale. … Oui, ce serait probablement comme ça qu’il réagirait. Il n’était pas du genre à accepter les règles du jeu.

Il fut sorti de sa songerie un peu morbide par le claquement d’une portière. Comme il était convenu dans ces cas-là, on se dispersait le plus vite possible et chacun se dépêchait de rentrer chez soi, au cas où il prenne aux Fédéraux l’envie de venir fouiner. Abruzzi s’empara de son portable.
- Allô ?
- Francesca, tout va bien avec les gosses ?
- Oh, oui, on est dans le salon en train de jouer aux mimes… et il y a des biscuits en jeu, ça rigole pas, répondit l’Italienne.
- Bien, sourit le truand. Est-ce que tu pourrais me rendre un service et les garder dans le salon un moment ? Je serai rentré dans cinq minutes, mais je préférerais faire un tour par la salle de bain en arrivant, si tu vois ce que je veux dire.
- Tout va bien ? demanda la mère de famille, inquiète.
- Ca va… Je t’expliquerai.
- Entendu. A plus tard, alors.
Il raccrocha. Peu après, le chauffeur le déposait chez lui et Matteo lui présentait une fois de plus toutes ses excuses pour l’incident. John hocha la tête, résigné.
- Je te renvoie ta femme dans une petite heure.
- Quand tu veux, du moment que c’est avant demain matin ! répondit l’intéressé, goguenard.
Il ne daigna pas se forcer à sourire ; il n’était pas d’humeur. Matt était bien gentil mais il lui faudrait un certain temps pour lui pardonner cette bévue-là. Il se dirigea vers la maison et pénétra discrètement à l’intérieur. Une fois dans la salle de bain, il s’appuya sur le lavabo pour examiner son oreille, le sourcil froncé et une grimace au bord de la babine. Après l’avoir rincée à grande eau, elle faisait un peu moins peur à voir. Seul l’arrière du lobule avait été arraché, mais la plaie avait produit beaucoup de sang, qui n’avait pas tout à fait fini de coaguler. Le gros de l’hémorragie s’était cependant calmé. Il s’occupa de la blessure puis se mit torse nu pour faire un brin de toilette, afin de faire disparaître toute l’hémoglobine qui avait maculé son cou et ses cheveux. Ceci fait, il enfila une chemise propre et se rendit enfin dans le salon.

Les garçons étaient contents de le voir, comme à l’accoutumée. Ils le saluèrent en souriant puis l’attention générale se reporta sur Caligula, en train de mimer un personnage. Les deux aînés rugirent alors de concert :
- JULES CESAR !
- ADOLPH HITLER !
- Mais noooon, c’était l’pape quand il s’est montré pour la première fois !
- Oh… acquiescèrent Dino et Jimmy, déçus.
- Hé hé, j’avais deviné, gloussa Francesca. C’était très fidèle, bout d’chou, bravo.
Abruzzi ricana en se laissant tomber sur le canapé.
- Allez, venez faire un câlin à papa.
Dino se serra contre lui, Caligula lui grimpa sur les genoux et James Jr se hissa jusqu’à son épaule à l’aide du dossier.
- Qu’est-ce que tu t’es fait à l’oreille ? demanda-t-il en saisissant le lobe, curieux.
John grimaça et retira la patte du garçonnet.
- Touche pas, bonhomme, j’ai eu un petit accident cet après-midi.
- Qu’est-ce qui t’es arrivé ?
- C’est pour ça que t’es rentré si tôt ? demanda Dino.
- C’est pas grave, au moins ? s’enquit le benjamin.
- Nooon, rien de grave.
Aussi habitués qu’ils étaient à la vue du sang, les petits n’en auraient pas moins été perturbés de voir leur père rentrer mal en point…
- Vous en faites pas, reprit-il, je me laisse pas faire. C’est moi qui ai eu tous les méchants, aujourd’hui !
- C’est vrai ? Combien y en avait, Papa ? demanda Gugul.
- Oh ils étaient au moins trois contre moi, et ils m’ont pris en traître, les canailles. Je n’étais même pas armé quand ils m’ont attaqué !
- Alors qu’est-ce que t’as fait ? interrogea Jimmy.
- J’ai sauté sur le pistolet le plus proche et je les ai descendus un par un, mes cocos ! raconta John en croisant fièrement les bras sur sa poitrine.
- Hé hé, t’es le plus fort, déclara Dino, jovial, en lui donnant un coup de poing décidé sur la cuisse.
- Ouaip’, à trois contre un c’était bien joué, approuva le cadet.
- C’est pour ça que j’m’en suis tiré avec une égratignure mais, vraiment, pas de quoi fouetter un chat, si vous voulez mon avis… poursuivit John en entourant Dino et Caligula de ses bras.
- Et qu’est-ce qui pourrait faire fouetter un chat, par exemple ? demanda Junior, une étincelle de curiosité dans les yeux.
- Rien, Terreur, c’est une expression, s’empressa d’expliquer le malfrat. L’idée c’est qu’on ne fouette pas un chat si ça n’en vaut pas la peine.
- Ca en vaut toujours la peine, rétorqua innocemment le petit châtain.
- Non, seulement quand il met la patte dans le fromage, tu sais, comme dans la comptine, intervint Francesca.
- En tout cas bravo, Papa, le complimenta Gugul en se blottissant contre lui – il avait toujours été le plus câlin des trois, peut-être parce qu’il était arrivé en dernier…
- Ca me rappelle la foi où tu as arraché l’œil à ce gros-plein-de-soupe qui voulait prendre ta place en prison, et où tu as remis à leur place tous les idiots qui l’avaient suivi, juste à toi tout seul, se remémora Jimmy.
- Hé oui, il faut pas s’en prendre à votre père, c’est tout, conclut Abruzzi en attrapant Junior pour le faire basculer dans son giron et lui faire une bise sur le front.
Le marmot fronça un peu les sourcils mais sourit. Le gangster reposa les enfants sur le sofa pour se lever et lança :
- Allez, reprenez où vous en étiez, je vous rejoins tout de suite.
Il fit signe à Francesca et celle-ci le rejoignit près de la porte du salon.
- Comme t’as dû le comprendre tout ne s’est pas exactement passé comme Matt le prévoyait, aujourd’hui… Joe et deux autres gardes-du-corps y sont restés.
- Oh mon Dieu ! s’exclama la femme au foyer en portant une main à son poitrail.
- J’ai un coup de fil à passer. Ca ne te dérange pas de les surveiller encore un moment ?
- Oh nooon, tu parles, je les adore ! Tes garçons ont… beaucoup de caractère, sourit-elle gracieusement.
- Merci, je te retrouve dans un moment.
- J’ai fait du gâteau, avec un peu de chance tu arriveras juste à temps pour en goûter, lança-t-elle en repliant la main dans un petit geste complice.
Abruzzi hocha la tête avec un sourire un peu tendu et se replia dans sa chambre. Cela lui avait fait du bien d’aller vanter ses exploits à ses petits, ceux pour qui il resterait un vrai héros. Leur conter la mésaventure passablement enjolivée en les tenant près de lui était la meilleure façon de se rassurer… A présent, cependant, il était pris d’un besoin assez insistant d’entendre T-bag. Il ne savait pas bien s’il voulait entendre la voix charmeuse anticiper son retour, un silence inquiet lui remettre les pieds sur terre ou l’accent macho lui assurer que plus personne ne s’en prendrait à ses oreilles une fois qu’il serait de retour. C’était un peu comme si sa réaction était susceptible de remettre le coup de sang de cet après-midi en contexte et de le tasser dans le passé tel quel, en conjurant les réécritures de scénario éventuelles. C’était sans doute illusoire, mais il n’avait vraiment pas envie d’y réfléchir plus avant.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMar 13 Oct - 20:46

Ils venaient de passer les Appalaches et la camionnette filait à présent tout droit sur la route longiligne qui les ramenait chez eux. Une mélodie s’échappait de la vitre du passager entrouverte et la voix de Bagwell s’élevait, portant résolument les différentes intonations tout en coulant sur les mots avec la plaisante suavité qui faisait tout le charme des complaintes esclavagistes de l’ancien temps.
- All I neeeeed is an open road and some
Johnny Cash on the stereo…
And thangs ain't ‘s baaad as they seem…

Le sudiste tourna un sourire connivent vers Morten, alors à la place du mort, les yeux protégés du soleil qui battait la route par des lunettes noires et appréciant l’air qui lui cognait le front et ébouriffait ses cheveux brun-roux sombre. A l’arrière, Jeremy se remettait tout doucement des lacets de la montagne, le bas de sa chemise chic chiffonné entre ses doigts.
- 1970 Monte Carlo Chevrolet
I swear sometimes… you were my only friend…

Cette bonne vieille camionnette n’était peut-être pas à la hauteur du bolide dont la musique chantait les louanges mais, il n’y avait pas à tortiller, le tableau restait considérablement plus glamour que ses lointaines escapades dans le pick-up ruiné du paternel de son cousin, alors qu’il faisait cahoter l’engin de sa conduite toute virginale en poussant des jurons derrière le clopeau qu’il crapotait, sous les rires attendris de Jimmy qui, de fait, peinait à téter sa bière sans s’en mettre partout. … Ah, c’était sans doute le seul fragment de ses quatorze ans auquel il pouvait se référer comme étant « le bon temps »… Les grenouillages poisseux entre cousins que ce pick-up leur avait rendus encore plus aisés à sa sortie de la maison de correction était le seul abcès de chaleur qui avait sous-tendu son quotidien entre les pécores dégoûtées de son école et son père qu’il ne souffrait plus depuis qu’il s’était bâti une force nouvelle, un peu grâce aux hormones qui commençaient à faire leur office, beaucoup grâce à la vie en détention et à l’Alliance, qu’il venait de découvrir.
- Franchement, j’ai beaucoup de mal à comprendre toutes ses histoires d’amour entre des péquenots et leurs véhicules, déclara soudain Morten en le tirant de ses pensées. Je veux dire : tous ces pauvres gars, est-ce qu’ils subliment un manque en écrivant des odes country à leurs tas de ferraille ?
- Ah, si tu avais vécu là où j’ai vécu… tu saurais tout ce que signifie un tas de ferraille dans lequel tu peux te tirer, même pour un après-midi, et tout ce qu’il représente d’espoirs futurs… Enfin, comme disait un auteur français dont j’ai oublié le nom : tout le monde n’a pas eu la chance de naître orphelin.
T-bag discerna le regard torve et blessé du petit mannequin même derrière ses verres teintés.
- Crois-moi, petit, je ne me permettrais pas de citer cet adage si je n’en étais pas intimement convaincu…
Morten ne dit rien, et tourna simplement la tête vers la vitre. Dans le rétroviseur, Jeremy lui adressait un air plein de réprobation.
- Oh allez, je ne voulais pas te froisser, petit trésor, c’était plutôt le contraire, tenta le sociopathe en caressant furtivement sa joue du dos d’un doigt. C’est entendu, si tu ne comprends pas toutes les subtilités de la musique country, on met ce que tu veux.
Le préado poussa un soupir de reddition.
- … mais tu ne m’ôteras pas de l’idée que c’est de loin la meilleure musique à écouter sur la route…
- Très bien. Alors on met Mylène Farmer, décréta Morten en fouillant dans son sac.
- Qu’est-ce que c’est que cette merde ?
- Une frenchie qui a une trop belle voix et qui écrit des textes très ésotériques sur l’identité, expliqua-t-il patiemment en remplaçant le CD de country par le sien dans le mange-disque.
Theodore écouta les premiers vers puis déclara au bout d’un moment :
- En effet, ça ne peut qu’être sibyllin… et pourtant, mon garçon, je me targue de connaître un peu de français.
- J’en ai fait deux ans et comprends pas tout moi non-plus, avoua le jeunot, mais certains mots se retrouvent ; et puis ses clips sont si expressifs !
- Vraiment ? ponctua l’Alabamien, désintéressé.
- Oui. Si je te dis qu’elle y est toujours ou toute nue ou habillée en garçon, je pique ta curiosité ?
- C’est incroyable de voir le statut de pervers de service auquel vous me reléguez avec une désinvolture désarmante, se récria Bagwell.
- Oui eh ben LJ aurait eu du mal à se mordre l’arrière de la cuisse tout seul… fit remarquer Jeremy depuis la banquette.
- Ca c’est pas pareil, ce gamin est presque aussi débauché que je ne le suis. Les chiens se mangent entre eux. Il joue les prudes avec vous mais si vous saviez, mes enfants, si vous saviez…
- Ca a encore un rapport avec cette histoire de bar à stripteases à la frontière ?
- Je croyais que le marché pour que je t’emmène, c’était que tu ne mentionnes plus jamais cette histoire, jeune homme…
- J’ai rien dit, se reprit prestement l’ado aux cheveux longs.
- Bref, alors : si elle n’est pas partisane de l’amour automobile, qu’est-ce qu’elle exprime si bien, ta bouffeuse de grenouilles ? reprit-il en s’adressant à Morten.
- Oh, tu sais… Le paradoxe qui lie innocence et perversion, les attraits des rapports contre-nature, la misère humaine en général, la confusion des genres…
- Ca a l’air pas mal, admit T-bag. Ah la la, ces frenchies… toujours aussi confus, mais souvent avec style.
- Ouais ben pourquoi tu crois que Jean-Paul Gaultier cartonne sur la scène internationale ?
- Parce que ça fascine les ilotes congestionnées que sont les Non-français ?
- Ben voilà.
Le couturier s’autorisa à ricaner de bon cœur. C’est alors que son téléphone sonna.

Il baissa le son de l’autoradio jusqu’au minimum puis, ayant repéré l’appel, répondit jovialement :
- Hey ! Est-ce que mon mafioso préféré s’est bien fait peloter ?
Un instant après, il ajouta :
- On se rapproche, t’inquiète pas, on se rapproche… On va bientôt s’arrêter pour faire une nouvelle sieste ; cette nuit, si tout va bien, on la passera dans un motel bien loin de là, et demain lever aux aurores ! Toi, en revanche, tu pourras t’offrir une grasse matinée. Et c’est moi qui viendrai te tirer du lit comme la princesse que tu es.
Il y eut un bref silence, puis Bagwell répondit, dégagé :
- Ah oui, quoi donc ?
Son sourire auto-satisfait fondit progressivement au fur et à mesure qu’Abruzzi lui parlait.
- QUOI ? OU CA ?
Morten et Jeremy tournèrent soudain vers lui des mines inquiètes.
- QUOI ?! répéta le pédophile avec, cette fois, une note effarée et désemparée dans la voix. MAIS BON SANG DE MERDE, JOHN !
De sa main libre, T-bag donna un coup excédé sur le volant – c’était une chance que la route aille tout droit.
- Oui, merci, j’imagine ! Où est-ce que c’était, cette maison de passe ? … Rien à foutre, où est-ce que c’était ? … Qu’est-ce qui s’est passé ? …… Qui ça « ils », mais t’étais mêlé à ce micmac ? …… Oui, forcément, c’est du pareil au même… Et ces… ces porte-flingues dont tu me parlais ? …… Mais alors comment t’as fait, bon sang ?! … FOUTRE-DIEU MAIS JE VAIS LES TUER, LES SALOPERIES ! déclara-t-il, bien plus sérieusement qu’on ne le fait d’habitude.
Le temps pour son interlocuteur de faire une remarque, il poursuivait :
- Ouais, et si le reste de la bande cherche à se venger, justement ? C’est bien toujours monnaie courante, ou mes notions en matière de gérance n’ont plus cours ? …… Hm-hm… Dans ce cas leurs familles, leurs frères, leurs fils, je sais pas… … T’es sûr de ça ? Ils ont pas moyen de retrouver ? …… D’accord.
Theodore poussa un lourd soupir, les yeux péniblement fermés, une crispation lui traversant la babine.
- … Oui, je sais, oui… Bon, je veux pas te savoir hors de la baraque tant que je suis pas de retour, tu m’entends ? …… Ah ! Mais je vais te dire une bonne chose, John, si t’es pas content, c’est le même prix !
Bagwell haussa soudain le ton.
- Je m’en contrefous, bon sang, mais tu réalises que t’as failli y avoir droit ?!
Un long silence suivi.
- J’espère bien, finit par reprendre T-bag plus calmement, presque pudiquement. Oui, je sais que tu sembles peiner à imprimer l’information mais je n’ai ni du vin sacramentel ni du plomb dans les veines. …… Ca c’était différent, tu avais essayé de m’intimider ! Je n’ai fait que me défendre… Et puis raison de plus : je n’ai pas pu t’avoir à ce moment-là et l’idée que ces petites garces aient été à deux doigts… à deux doigts de gâcher ça… Ca me rend ma-lade. …… Eh bien moi je ne plaisante pas, c’est ça le pire ; ça touche aux limites de mon humour, là tout de suite.
Le sociopathe écouta un moment, les yeux fixés sur la route, les sourcils froncés.
- D’accord. …… Je te retrouve demain matin, alors. Et surveille tes arrières. …… Non, cette fois, je parle sérieusement ! Sincèrement, John, t’es quelqu’un qui… eh bien qui vaut le coup ; alors fais attention à ta viande, c’est la moindre des choses.
Au milieu de son air sombre, ses lèvres se tordirent un instant en un rictus un peu forcé
- Non, je t’assure, inutile d’en faire une habitude. Allez… tu bouges pas, hein.
Il referma le clapet de son téléphone et le reposa dans la niche près du levier de vitesse d’un geste résolu.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda Morten.
- Il se passe que le gars avec qui je couche s’est pris une balle cet après-midi. C’est pas le genre de chose que je tolère, déclara T-bag en appuyant légèrement sur l’accélérateur.
- Il s’est pris une balle ?! Mais comment ?! interrogea Jeremy en mettant le nez entre les deux sièges avant.
- A vrai dire il ne se l’est pas vraiment « prise » à proprement parler, mais elle lui suffisamment rasé le cuir pour qu’il soit blessé.
Les garçons ouvraient de grands yeux.
- Qu’est-ce qui est arrivé ?
- Un malentendu… répondit laconiquement le meurtrier.
- Mais il va bien ? Il est où, à l’hôpital ? voulut tout de même s’assurer Morten.
- Non. Aller à l’hosto quand on n’en a pas vraiment besoin n’est pas trop le genre de la maison… Il a rien de grave, vraiment… mais ça s’est joué à peu.
- Woah… lâcha le préado, déconcerté.
- Pauvre Teddy… compatit Jeremy en lui frottant gentiment le bras.
Bagwell ne dit plus rien, et les garçons ne surent pas quoi ajouter.

Leur mutisme dura un bon moment, jusqu’à ce qu’ils croisent un motel sur le bord de la route.
- Heu… Je croyais qu’on était censés s’arrêter au prochain pour faire une sieste, osa Morten.
- On continue, décréta simplement le couturier.
- Oh allez, on est tous fatigués, il faut qu’on s’arrête ! l’appuya Downs.
- Fais un somme sur la banquette arrière, la route va tout droit maintenant.
- Mais c’est surtout toi qui dois te reposer, ça fait trois heures depuis la dernière pause.
- Ca va, t’inquiète pas… dit Theodore sur un ton faussement léger.
- Oh mais Teddy, t’as oublié que Jeremy nous doit un massage de pieds ? Je veux le mien, affirma le cadet pour tenter de le convaincre.
L’Alabamien se contenta d’un sourire.
- Ecoute, tu peux pas conduire comme ça jusqu’à ce soir, insista l’aîné.
- J’ai dit « ça va » ! trancha T-bag sur un ton sans réplique.
- Eh ben moi ça me va pas ! Ecoute, j’imagine bien que tu dois te faire du souci, mais je tiens pas à me retrouver sous un camion ou dans un fossé pour autant ! Appelle-le le long du trajet si t’es pas tranquille.
- John va bien, Teddy… renchérit Morten sur un ton moins pressant. Ca sert à rien d’essayer de rentrer deux heures plus tôt en prenant des risques. Franchement, ça rimerait à quoi ?
- D’accord, d’accord ! grogna le sudiste. On fait une pause d’une heure au prochain.
- Merci, soupira Jeremy.
- Mais ôtez-moi cette musique vaginale pour le moment.
Ils garèrent la camionnette sur le parking du motel suivant – ils se ressemblaient tous dans le coin – et se rendirent à la réception pour réserver une chambre pour une heure. Assis sur l’un des sièges de l’entrée, un homme en costard attarda sur eux un regard discret mais insistant, et Jeremy ne trouva pas mieux que de lui offrir un sourire radieux en enfonçant nonchalamment la main dans la poche arrière de Theodore, qui se demanda un instant quelle mouche l’avait piqué. Les jeunots se mirent immédiatement à l’aise et tirèrent les rideaux avant de sauter sur le lit pour profiter au maximum de leur temps de sieste. Bagwell tourna en rond un moment. Il n’avait pas le moins du monde sommeil et, en dépit du caprice des deux jouvenceau, cette halte allait être parfaitement inutile. Tout ce qu’il voulait, c’était rentrer et vérifier qu’il ne franchirait pas la porte d’entrée pour trouver des cadavres éparpillés un peu partout. Il savait pertinemment que ce ne serait pas le cas… Au fond, ce qui venait d’arriver lui donnait surtout très très envie de rentrer posséder John Abruzzi pour s’assurer qu’il était bel et bien près de lui et ensuite jouer les chiens de garde tout autour. Il ne ressentait pas une nécessité de protection aussi impérative que dans le cas d’êtres aussi fragiles que ses codétenus, et pour cause, mais il était sûr d’une chose : si les deux rois de Fox River étaient ensemble, personne ne pouvait songer à les baiser.
- Allez, viens.
T-bag agrippa la main qui venait de saisir sa chemise et la plaqua brusquement contre le mur, par pur réflexe semblait-il.
- Oh ! protesta Morten derrière lui.
Jeremy, la poigne serrée autour de sa paume, parut complètement pris au dépourvu, les yeux interrogateurs et un peu effrayés.
- Jeez, je voulais juste que tu viennes te coucher, dit-il d’un ton incertain.
- Désolé… répondit le pédophile en lâchant prise. J’ai besoin de prendre un peu l’air.
- J’ai pas vu de chat errant dans le coin… glissa le plus jeune en baillant.
- Oh, eh puis au Diable tout ça ! se rendit-il en se laissant tomber à plat ventre sur le pucier. Je dormirai pas, mais je n’ai que ça à faire pour le moment, alors…
Jeremy s’y réinstalla à son tour sans mot dire, lui tournant le dos.
- Aw, excuse-moi, bonhomme. Je suis un peu tendu, c’est tout, expliqua Theodore en le cajolant avec quelques caresses.
- Pendant un instant tu faisais vraiment peur, tu sais… bouda l’adolescent.
- Ce n’était pas contre toi. Comment pourrais-je me rattraper ?
- Eh bien probablement pas en me tripotant le derrière, pour commencer.
- Tu viens de « tripoter » le mien…
- Oui mais moi je suis mineur.
- Ca signifie que tu peux abuser de moi de la manière la plus éhontée mais que je n’ai pas le droit de lever le petit doigt ?
- Précisément, alors tu ferais mieux de te tenir à carreau, le menaça Jeremy en se retournant, chassant par là-même la main qui s’était petit à petit enhardie sur l’arrière de son pantalon.
T-bag se contenta de lui rire au nez, avant de cesser brusquement.
- … Précisément, répéta Morten, un sourire machiavélique dans la voix. Et si tu te débats, on crie.
L’autre garçon éclata de rire.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMar 13 Oct - 20:48

Abruzzi haletait comme il courait de pièce en pièce, son flingue à la main. Il savait qu’ils étaient là pour lui. Il crut voir quelque chose bouger dans un coin, et fit un écart avant de tirer, sans succès. Il s’approcha très prudemment, et au moment de vérifier une présence éventuelle dans l’encoignure, il fut frappé et jeté à terre. Il sursauta vivement. Il vit un homme le mettre en joue et l’affolement le fit brusquement frissonner des pieds à la tête. Trop tard. Il n’eut même pas le temps de tendre la main vers son arme, le coup partait, résonnant sur les murs et l’envoyant dans un grand flou obscur.

Peu après, sans qu’il comprenne comment, il se réveilla dans un espace tout différent, sans horizon ni repère particulier. Il cligna des yeux et se releva, réalisant qu’il était à présent vêtu d’un costume blanc immaculé. Emu, il se demanda s’il avait finalement atteint le paradis.
- Heeey… Regardez qui voilà ! dit une voix juste à-côté de lui.
Il se retourna vivement. Assis sur une table, les jambes de son pantalon de cuir impudemment écartées, l’une gambillant sur le bord, l’autre repliée, un jeune homme fumait une cigarette en lui souriant avec nonchalance derrière la fumée. Ce fut sa coiffure qui rappela immédiatement à John de qui il s’agissait.
- T’étais le maytag de T-bag à Fox River, c’est ça ? Celui qui s’est fait planter et pour lequel il a fait tout un foin avec Scofield ?
- Eh oui ! lui répondit-il allègrement. Le Maytag, comme tu dis.
Alors non, songea l’Italien, je dois être en enfer…
- Je me demandais quand t’allais nous rejoindre, ajouta le jeune taulard en balançant toujours l’une de ses jambes terminée par une lourde botte de style un brin néonazi.
- « Vous » rejoindre ? interrogea le mafioso avant qu’une main ne le retourne brutalement et ne le pousse contre la table.
- Alors j’ai enfin l’honneur de rencontrer l’ordure qui a commandité l’assassinat de mon fils… postillonna un homme tout près de son visage.
Abuzzi le repoussa sèchement. Il était grand et maigre, mal rasé et aux cheveux longs comme lui. Ses vêtements de prolo étaient propres mais dégageaient malgré tout un air défraîchi. John ne l’avait jamais vu. L’enfant qu’il portait sous le bras, en revanche, lui disait quelque chose. Il devina sans plus tarder qu’il devait s’agir de James Bagwell.
- J’ai jamais fait ça ! Tout ce que je voulais c’était te mettre au frais pour quelques jours. C’est toi l’enfoiré qui a sorti ton arme et t’es servi de ton gamin comme putain de bouclier humain !
L’homme se mit à rire, d’un rire sec de hyène.
- Tout est de ta faute et on dirait que tu me fais des reproches… Parce que tu crois vraiment que Teddy réagirait autrement, lui ? Tu crois que si quelqu’un venait pointer un flingue sur vous il n’essaierait pas de s’en sortir à tout prix ? Tu crois que… James Junior Deuxième du nom n’y passerait pas, s’il le fallait ? railla-t-il en accentuant le dénominatif exact de Jimmy, après un coup d’œil complice à sa propre progéniture.
- Ta gueule, lui conseilla sérieusement le malfrat en envahissant à son tour ses frontières personnelles. Je t’interdis de dire ce genre de chose, et plus encore de prononcer le nom de mon fils.
- Eh ben crois ce que tu veux, lâcha-t-il, battant en retraite sa main libre levée. Mais tu sais comme moi que cette bonne vieille raclure est décidée à survivre à tout ! A ton avis, qu’est-ce qu’on fout tous là sans lui ?
- Oh la ferme, Jimmy ! lança soudain une voix aigrie derrière le vaurien.
En un éclair, une bouteille de bière frôla l’oreille du cousin de T-bag et vint s’éclater contre le mur, non loin de Maytag qui constata les dégâts sans bouger un cil. James se retira pour de bon dans un fauteuil à bascule, posant sa tête-blonde sur ses genoux. Abruzzi eut enfin le loisir de voir d’où venait ce soudain accès d’agacement. Assis sur un canapé, un type aussi efflanqué que Jimmy et encore plus mal rasé que lui décapsulait une nouvelle bibine, les manches de sa chemises retroussées aux coudes. Il avait de courts cheveux brun sombre et des traits particulièrement anguleux. Ses yeux faisaient penser à ceux d’un clébard maladif, désespéré et donc dangereux.
- Teddy est un gosse malin, mais pas assez pour attraper indéfiniment la mort par les couilles, déclara-t-il.
Oui, définitivement l’enfer, songea John en réalisant avec effroi de qui il s’agissait. Ca m’apprendra, je suppose…
- Vous… gronda-t-il en chopant l’homme par le colbac à deux mains pour le soulever de son canapé.
Il ne pesait pas plus lourd qu’un fétu de paille.
- Oooh ! Qu’est-ce qu’on veut, l’rital ? Y a une embrouille ?
- Je vais vous tuer, lui assura-t-il en le fixant tout près d’un air furibond.
Le sudiste rit à gorge déployée d’aigres effluves de mauvais alcool.
- Qu’est-ce que tu crois que je suis comme voilà, mon connard ?
La mafioso le manœuvra sans peine et vint lui fracasser le crâne contre la table de Maytag, qui le gratifia d’une ovation hilare tandis qu’il répétait les coups.
- C’est pour ce que j’ai fait à Theodore, c’est ça ? bafouilla l’homme qui avait à présent une plaie ouverte sur le front et le cuir chevelu.
Il se raccrocha péniblement à la table et Maytag écrasa vicieusement le talon de sa grosse botte aryenne sur ses longs doigts grêles. Le piteux individu cria et tira sur sa main pour la libérer avant de se recroqueviller au sol. Le jeune garçon eut un rire chatouillé, puis se mit à quatre pattes près du bord et, prenant sa cigarette entre ses doigts, lui cracha dessus sans remords apparent.
- Ce mec est un déchet, John. Quel dommage que tu ne puisses pas le finir… déplora-t-il.
- Oui, quel dommage… ajouta l’ex-parrain en vérifiant que son costume immaculé ne s’était pas taché de sang.
- C’est l’inconvénient du corps glorieux : d’ici quelques heures il sera revenu à la normal et on n’aura même pas le plaisir de voir sa gueule fendue en deux, expliqua Maytag en se rasseyant.
Abruzzi toisa l’homme défiguré qui gisait à terre. Tenant toujours sa main meurtrie, celui-ci émit un hoquet de dénigrement.
- Non mais tu penses vraiment que le fiston te laisserait le baiser à l’heure qu’il est si je ne lui avais pas fait sauter le loquet pour ses neuf ans ?
Le Sicilien se figea, horrifié, mais une nouvelle présence vint prendre le relais :
- Oh taisez-vous, Bagwell, vous êtes abject !
Etonnamment, il s’agissait d’une voix féminine, cette fois. Elle, il ne sut pas comment il la reconnut ; peut-être était-ce justement parce qu’elle était la seule femme au milieu de tous ces gars plus ou moins ravagés… Toujours est-il qu’au premier coup d’œil il s’exclama :
- Madame Hollander ? Mais qu’est-ce que vous faites ici ?
- Accident de bus… annonça-t-elle en haussant les épaules avec un petit sourire résigné. Ce n’était pas joli à voir… enfin, ça arrive.
- Non, je veux dire… vous ne pouvez pas être en enfer, vous aussi ! Vous n’avez jamais rien fait de mal ! s’exclama le mafieux en la prenant par les épaules.
Il entendit Maytag pouffer.
- L’enfer… Non mais vous l’entendez ?
Abruzzi se retourna.
- Ca n’existe pas, le paradis et l’enfer, mon pauvre John. C’est un conte pour empêcher les petits garçons de voler et les petites filles de se frotter contre les bras de fauteuil. En réalité on va tous finir au même endroit.
Comme pour illustrer son propos, il coinça sa cigarette entre ses lèvres et se pencha sous la table, d’où il ressortit une fillette d’une douzaine d’années habillée d’une jolie robe de velours rouge avec des chatons brodés dessus.
- Voilà la petite Annie, expliqua-t-il en l’installant sur ses genoux malgré la réluctance apeurée de la gamine. Celle-là elle s’est bien battue, y a pas à dire. Elle a donné des coups de pieds, elle a griffé, elle a même essayé de mordre !
La petite essaya de s’échapper mais Maytag l’agrippa fermement par la taille et le menton.
- Celle-là T a dû la négocier avant de se la faire, c’était trop risqué. Tu te rends compte qu’elle s’est battue bec et ongles pour conserver sa petite fleur, à tel point qu’il a fallu la tuer pour lui passer sur le corps, si j’ose dire, sourit l’ancien mignon. Alors que moi j’ai chouiné un peu au début et puis, au bout de quelques semaines à peine, je creusais le dos sous T-bag pour qu’il me prenne complètement…
Un ravissement irrésistible était monté aux yeux bleus du garçon ; la môme, elle, gigotait toujours et s’était mise à pleurer. Un malaise grandissant envahissait Abruzzi.
- Et pourtant on se retrouve exactement au même endroit ! conclut finalement le jeune taulard avec enthousiasme. C’est pas le pied ?
- Relâche-la, lui demanda le mafioso qui se sentait à présent très mal.
- Oh, bien sûr, obtempéra-t-il avec désinvolture en laissant la fillette retourner se terrer sous sa table.
- John, tu ne peux pas mourir comme ça, pense un peu aux enfants ! le rappela Madame Hollander. Les miens sont presque adultes, maintenant, mais les tiens… tu crois vraiment que Theodore saura s’en occuper ? Ce n’est peut-être pas de sa faute mais c’est un homme déséquilibré, John !
- C’est reparti… soupira l’ancien giton.
- Je ne doute pas qu’il soit plein de bonnes intentions, crois-moi ! poursuivit Susan en le fixant d’un air peiné. Mais c’est plus fort que lui : il a un problème avec les enfants. Comment voudrais-tu qu’il en élève de lui-même sans dérailler ?
- Theodore n’est pas aussi foncièrement tordu que ce mec, affirma John en donnant un coup de tête dans la direction de Bagwell père qui avait rampé jusqu’à son canapé. Jamais il n’a regardé ses gosses comme il regarde ceux des autres !
- Et donc tout va bien ? demanda-t-elle, choquée.
- Oooh mais ferme ton claque-merde, tu veux ? trancha Maytag. T’as raison sur un point : il faut qu’il y retourne. Mais laisse-les en paix. Ils se débrouillent très bien.
- N’empêche, John, faites attention à vous. C’est parce que vous êtes tous les deux que ça fonctionne, n’oubliez pas ça, le pria-t-elle.
Abruzzi hocha la tête et tourna les talons pour se retirer, comme on le lui disait.
- Merci, lança-t-il brièvement à Maytag au passage.
- Quand vous serez tous les deux morts… chacun pour soi, okay ?
- T’inquiète pas va, je suis sûr qu’il y en a bien assez pour nous deux.
- Eh attends, l’interpella-t-il en se laissant glisser de sa table pour atterrir à genoux. En attendant embrasse-le de ma part.
Sur ce, John entendit le zip de sa braguette qu’on abaissait et un sursaut le ramena brusquement dans son lit, en nage et haletant. Il avait envie de crier mais se réfréna. La chambre était bien insonorisée, Dieu merci, mais il ne savait pas quel genre de cri un rêve comme celui-là était susceptible de susciter. Il jeta de suite un œil à son réveil, comme pour s’assurer qu’il était bien revenu à lui : il était un peu plus de 6h du matin. Theodore devait être en train de se réveiller pour reprendre la route, et franchir les derniers kilomètres qui le séparaient encore de son mafioso. Abruzzi soupira. Il avait rarement fait pire cauchemar, si ce n’était peut-être justement celui où il voyait Jimmy Junior Premier du nom le regarder du fond de son cercueil. Quelle idée aussi, alors que tout était si simple, d’être tombé pour un sociopathe qui trimballait autant de merde dans ses bagages qu’il n’y avait de barreaux à Fox River ? John avait hâte qu’il soit là…


Il était à peu près 10h30 lorsque T-bag gara son véhicule de travail devant la maison. Il vit les petits en train de jouer dans le jardin et cela élargit encore le sourire qu’il avait depuis qu’il avait déposé Morten et Jeremy chez eux. En le voyant, ils accoururent pour l’accueillir.
- Salut les gars, lança-t-il en s’accroupissant pour être à hauteur des câlins, qu’il reçut à profusion.
- C’était bien, New-York, Papa ? interrogea Dino.
- Au poil. Pas très joli, mais on s’y est bien amusés.
- Et pour tes habits, c’est allé ? s’enquit Caligula.
- Mes habits… oh, oui, mes habits ont beaucoup plu. J’ai pris quelques contacts avec des magasins. Et j’ai vu de ces accoutrements, vous n’imagineriez même pas que ça existe !
- Ah oui, comme quoi ? demanda Jimmy.
- J’ai pris quelques photos, je vous en montrerai, promit-il en se relevant. Pour l’heure, est-ce que vous savez si votre père est debout ?
- Non. Il nous avait laissé notre petit dèj sur la table et il a demandé à ce qu’on ne le réveille pas, sauf raison de la plus haute importance, retransmit l’aîné.
- Par-fait, estima Theodore en se léchant la lippe.
Il prit sans plus attendre le chemin de la maison et ôta ses chaussures sur le pas de la porte pour s’introduire le plus furtivement possible dans la chambre. Ses yeux s’habituèrent rapidement à la clarté qui filtrait à travers les volets. Il esquissa un sourire à la fois attendri et un peu vicieux sur les bords en voyant John étalé en plein milieu du lit, ses robustes épaules nues annonçant qu’il ne s’était pas trop encombré de vêtements pour l’attendre. Il décida d’aller vérifier jusqu’à quel point. Sa langue crissant discrètement contre ses dents, et sans le quitter des yeux, il ôta sa veste et jeta vaguement sa cravate dans la direction du bureau ; puis il se glissa sous les couvertures et enfin, enfin il put le toucher. Pas de doute, il était bel et bien là... Abruzzi commença à donner des signes d’agitation et à lâcher quelques soupirs perturbés dans son sommeil. T-bag s’accorda un instant pour sourire fièrement ; pas de sous-vêtement… qu’aurait-il pu faire d’autre, franchement ? Il retourna consciencieusement à sa tâche. Il voulait entendre ces petits gémissements rugueux si mignons dans la gorge d’un parrain mafieux… Il adorait les lui soutirer comme autant d’aveux de faiblesse. Une esquisse s’exhala bientôt comme la bouche du truand s’ouvrait. Et puis soudain, un soupir plus intelligible que les autres :
- Mmmhh… Francesca…
Bagwell se glaça au beau milieu de son activité. Prestement, il releva la tête et surgit des couvertures… pour trouver Abruzzi en train de le dévisager, la figure mangée par ce sourire si horripilant qu’il déployait parfois.
- Hé hé… ricana-t-il du fond de la gorge avec la dernière mesquinerie.
- Oh l’enfoiré… lâcha T-bag à voix basse en guise de salutation. Non mais ça va pas ? Je vais te faire sentir la différence, moi, ça va pas traîner !!
Il se jeta sur le mafioso, qui se marra de plus belle, et entreprit de le retourner à plat ventre. Ce dernier résista un moment puis, la force du sudiste étant plus considérable qu’il ne le laissait supposer, suivit le mouvement plus vivement que prévu en accrochant Theodore au passage, si bien que ce fut lui qui se retrouva plaqué sur le matelas.
- Bonjour Teddy… ravi de te retrouver ! le cajola-t-il en s’appliquant à l’immobiliser de tout son poids.
- Va au Diable, John, se débattit le pédophile en lui claquant méchamment le derrière pour essayer de le déloger.
Le Sicilien sursauta légèrement et Bagwell le repoussa de toutes ses forces.
- Hé, ça fait mal !
- Oui eh bien pas autant que quand ma qu… commença T-bag avant d’être bâillonné par la grande paluche d’Abruzzi.
- Je te l’ai déjà dit : tu parles beaucoup trop… Et dans le cas présent tu ferais mieux d’arrêter, sinon c’est moi qui vais me mettre à parler et on sait tous que ça va te faire baisser ta culotte très vite.
Theodore pouffa de rire dans sa gorge, sardonique.
- Dit l’homme se trouvant complètement nu dans mon lit.
Sur ce, il s’attaqua férocement au cou de John et laissa sa main descendre le long de son flanc. Le malfrat ne put s’empêcher d’apprécier un moment les attentions, retirant à l’aveuglette la chemise de Bagwell de son pantalon. Mais lorsqu’il voulut s’attaquer à sa ceinture de manière un peu expéditive, l’Alabamien l’envoya balader.
- Tu peux y aller, je suis bien harnaché… J’ai un certain sens de la décence, moi.
Abruzzi reporta alors ses efforts un peu en-deçà. T-bag inspira un peu brusquement entre ses dents quand il sentit qu’on le caressait délicatement à travers son pantalon.
- Alors dans ce cas on va être un gentil Teddy et se laisser faire… lui susurra sa voix rauque légèrement étouffée. On va se laisser déshabiller et déshonorer bien sagement… Là… comme le petit Teddy sans défense qu’on est quand on sent ma main à cet endroit…
L’ancien leader aryen en aurait presque ronronné ; le creux bien chaud de la large paume l’épousait à merveille et le timbre rêche et profond de l’ex-parrain mafieux tout contre son oreille le faisait frémir d’une incoercible envie de se souiller jusqu’à la moelle. Et puis soudain, il réalisa que sa ceinture venait de disparaître.
- Hé, attends une m…
Le mafieux joignit alors brusquement ses poignets pour tenter de les lier avec la bande de cuir, mais Theodore se débattit à nouveau comme un beau diable.
- Jamais ! Aujourd’hui c’est moi qui commande ! décréta-t-il.
- Tu rigoles ? Tu m’as laissé les gosses pendant plusieurs jours pour aller batifoler à ce vaste rassemblement de pédés, le moins que tu puisses faire c’est m’offrir ça en rentrant.
- Moi qui avais prévu une jolie boule à neige avec les débris du World Trade Center, pour ça...
John éclata d’un rire franc – il ne serait jamais rassasié de l’humour foncièrement tordu du sociopathe – et Bagwell en profita pour lui mettre le nez dans le matelas.
- Le reste n’a rien à voir, affirma-t-il en s’empressant de le couvrir pour tenter de le maintenir dans sa position. Je veux que tu saches que je suis là, à présent, et que tu peux t’en remettre à moi et te laisser aller.
Le mafioso sourit, il aurait presque été tenté d’accepter… Même s’il était resté assez réservé à ce propos, il éprouvait un frisson inavouable à sentir Theodore sur lui, toujours allongé contre son dos, déracinant très consciencieusement tout ce qu’on lui avait inculqué sur les responsabilités depuis sa plus tendre enfance au profit de ses mots à lui, toujours trop prétentieux dans leur forme comme dans leur contenu… jusqu’à ce que John ne les réduisent en bouillie grondante et essoufflée. … Néanmoins, pour le moment, il avait tout simplement trop envie de culbuter du T-bag et de l’entendre se répandre. Bon sang, c’est qu’il n’était plus habitué à la chasteté que la détention imposait ! … Enfin, une fois de plus, tout était relatif… raison de plus : Bagwell avait moins de temps à rattraper.

Il profita de ce que ce dernier était en train d’ouvrir sa braguette pour se retourner sans prévenir et le faire tomber juste au bord du plumard.
- Aha ! Tu vois qu’être tout habillé n’est pas forcément un avantage, affirma-t-il en l’attirant par le poignet pour le ramener sous lui.
Le sudiste résista avec véhémence, préférant se jeter en bas du lit plutôt que de s’avouer vaincu. Abruzzi le suivit de près, se cramponnant à son pantalon puis à sa chemise pour remonter le long de son corps en quelques secousses résolues ; puis il saisit le visage de Theodore à deux mains et, sans sommation, le gratifia d’une galoche dans la plus pure tradition italienne. Le sociopathe tressaillit, moins du fait de la barbe du matin plus trois jours que de la soudaineté de la sensation, dont il était étonné que les gens ordinaires fassent si peu cas. Pris de court, il leva les mains pour éloigner l’attaque… Elles restèrent suspendues en l’air bêtement pendant quelques secondes, avant de retomber sur le dos nu du mafioso ou de se crisper dans ses cheveux. L’assaut de John avait descendu son pantalon sur ses cuisses, et seul un pauvre bout de tissu le protégeait désormais de ses hanches qui se pressaient implacablement contre les siennes. D’accord, il n’avait jamais trop donné dans les baisers, mais Abruzzi ne pouvait pas se frotter de force contre lui et lui grogner dans la bouche de la sorte sans qu’il ne réagisse… et vivement. Il tâcha de ne pas faire mentir la réputation de sa langue souple et incisive en retour, même si ce n’était pas là ce qu’il en faisait de mieux, et cambra les reins pour rendre le contact plus cru encore. Le truand en profita pour accrocher le caleçon et le baisser à son tour.
- Laisse-moi t’avoir, Teddy, lui ordonna-t-il en mordillant sa mâchoire, près de l’oreille.
Il dut se redresser un instant pour retirer définitivement le pantalon. Honorant sa théorie, Theodore saisit cette chance pour contrarier ses plans et lui sauter dessus pour tenter de le coincer contre le lit. L’ex-parrain, cependant, était à bout. Il se mit debout et saisit l’Alabamien par la chemise pour le manœuvrer de l’autre côté de la pièce. Ils heurtèrent la fenêtre et Bagwell rua brutalement pour se libérer ; Abruzzi n’eut qu’à allonger le bras : il l’attrapa par la nuque et l’envoya bouler la tête la première sur le bureau. T-bag s’y étala lamentablement et John n’attendit pas une seconde de plus. Il coinça son bassin et rassembla ses poignets qu’il plaqua durement sur le bois.
- Ca fait trois jours que j’attends de te baiser, j’ai fait la cuisine tout seul, je me suis fait tirer dessus, et j’ai dû expliquer aux mômes comment les filles survivaient sans pénis. Alors pour l’instant tu la fermes et tu payes la note, déclara-t-il solennellement en glissant deux doigts sous la chemise.
- Un sacré mystère, s’il en est… émit Theodore d’une voix un peu étouffée, essayant de garder son quant-à-soi. Et ne t’imagine pas que tu vas passer la journée sans en tâter. Moi aussi j’ai des besoin vitaux.
- Ah ! Tous tes besoins vitaux s’apprêtent à être comblés.
- Oh-haw… railla cruellement T-bag, les poings toujours entravés. Quelle suffisance éhontée ! …
Ses paupières se crispèrent presque spasmodiquement sous ses yeux marrons.
- … … Oh… Oh, JOHN !
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La Halfeline
Prophète de Lilith
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Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 Empty
MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMar 24 Nov - 15:34

Aléas illico

Abruzzi, qui avait eu son compte de sommeil, laissait T-bag rattraper la fatigue du voyage à-côté de lui. Après en avoir fait son affaire jusqu’au bout, il avait ramassé le sociopathe éreinté et bienheureux répandu sur le bureau, l’avait débarrassé de sa belle chemise à présent chiffonnée, et l’avait traîné jusqu’au lit pour l’y laisser tomber gentiment. A présent, Theodore s’était endormi en chien de fusil, et marmonnait de temps en temps quelques borborygmes grognons. L’ex-parrain ne le touchait que du bout des doigts, le long du crâne, comme quelqu’un qui hésite à caresser un animal ensommeillé. En dépit de leur rudesse habituelle, il s’était toujours montré délicat avec les cheveux de T-bag. Il préférait le saisir par le colbac ou par la nuque. Le panache qui triomphait sur son front aurait offert une bonne prise, mais Abruzzi avait eu l’occasion de constater qu’il était tout doux au point d’en être inattaquable. C’était là un attribut bien inattendu chez un ex-taulard pédophile et un peu nazi… Alors que le mafioso s’amusait pensivement à y chatouiller sa propre paume, cependant, un bruit suspect se fit entendre à l’extérieur, non loin de là… comme un bruit de chute ou de collision, suivi des protestations des enfants. Ce n’étaient pas des exclamations de gamins en train de gaminer. Il entendit des injonctions féroces et affolées en même temps. Aussitôt, il pensa à l’exécution de la veille et se leva sans plus attendre. Dans deux tiroirs différents, il s’empara à la hâte d’un caleçon et d’un révolver et sortit sur le champ.

Une fois dehors, il entendit à nouveau des cris mal étouffés et se précipita derrière la maison, l’arme au poing. Lorsqu’il tourna à l’angle de mur, son sang ne fit qu’un tour. Une femme assez forte, en costume, était accroupie sous leur fenêtre et se débattait pour maîtriser ses petits garçons. Elle avait les deux mains plaquées qui sur la bouche de Gugul, qui sur la bouche de Jimmy, et elle tentait tant bien que mal de neutraliser Dino en coinçant son visage contre sa poitrine à l’aide de son bras. Chacun tentait de se dégager avec une technique propre : le premier chouinait et bavait abondamment sur les doigts boudinés qui l’entravaient, le second essayait de saisir un petit bout de peau entre ses dents, mais se heurtait à la courbure experte de la paume, et le dernier donnait des coups de poing rageurs dans le ventre adipeux à sa portée. Dino était de loin celui qui s’en sortait le mieux, et parvenait à gigoter assez pour se mettre à appeler son père. Abruzzi se glaça et braqua immédiatement son flingue sur l’intruse en ordonnant :
- Lâche ces gosses ou je te colle deux balles dans la tête.
La brune en costard prit alors le parti de laisser filer les deux plus jeunes et de garder Dino contre elle. Elle dégaina à son tour un pistolet, qu’elle pointa sur le truand.
- A ta place je ne ferais pas ça, John. Agent Eve Gisolfi, FBI. J’ai simplement quelques questions à te poser.
- Je te préviens, si tu comptais sur la galanterie italienne, elle t’est passée sous le nez à l’instant où tu as touché à un cheveu de mon fils. Et tu pourrais être le putain de Pape en personne, pour le moment, tu ôtes tes sales pattes tout de suite, CAGNA ! réitéra le mafioso en haussant le ton.
- Je vais le faire, dès que tu auras baissé ton arme, lui assura calmement la robuste femme.
Abruzzi ne cilla pas. Il ne pouvait pas la laisser faire. Ce serait la fin de tout. James et Caligula s’étaient repliés derrière lui, effrayés malgré eux par les révolvers qu’ils savaient sans commune mesure avec leurs jouets. Leur père n’avait pas attendu que l’un d’eux essaie de lui voler son flingue pour les chapitrer très sévèrement là-dessus. Il fit cliqueter à nouveau le chien de son Beretta et maintint sa position, fermement.
- Papa… geignit Dino en essayant toujours de se libérer.
- Ne t’en fais pas, champion, Papa est là, fulmina John. Et si dans trois secondes elle ne t’a pas fichu la paix, Papa va réduire la cervelle de la méchante dame en pulpe.
- Voyons, Abruzzi, pourquoi voudrais-tu tout dramatiser comme ça ? Tout ce que je veux c’est te poser quelques questions, répéta l’agent.
- Ouais… et vous vous planquez souvent derrière la maison des gens avant de « leur poser quelques questions » ?
- On a ce qui s’appelle un protocole et ça consiste à sécuriser la zone.
- Sécuriser la zone, mon cul. Et s’en prendre à des gamins qui jouent dans leur jardin, ça en fait partie, c’est ça ?
- Ce sont eux qui m’ont sauté dessus…
- Tu aurais dû te méfier de ceux-là… Ils savaient très bien que tu n’avais rien à foutre ici. Maintenant lâche ce petit, t’as pas honte de le prendre en otage entre deux armes à feu ? Qu’est-ce que c’est que ces méthodes de merde, on vous apprend ça au FBI, maintenant ?
Jimmy et Caligula éclatèrent soudain en sanglots bruyants.
- Papaaaaah… chouina à nouveau Dino, entraîné par l’affolement de ses frères.
L’agent éleva une voix autoritaire pour couvrir les pleurs des enfants, jouant sur la tension qui devait grandir dans l’esprit du criminel.
- Rends-toi, Abruzzi, et on en reste l…

Un fulgurant coup de batte de baseball s’abattit sur elle par derrière et lui dégomma la tête, la coupant net et l’assommant pour le compte. La grosse dame s’affaissa sur le sol, libérant sa prise. Derrière elle se dressait T-bag, l’air furibond. Pour sa part, il n’avait pas pris la peine d’enfiler quoi que ce soit ; la batte lui était apparue comme le seul accessoire de première nécessité, en l’occurrence…
- C’est la dernière fois que tu touches à mon fils, vieille truie fédérale.
Sur ce, il l’attrapa péniblement par les aisselles et jeta un coup d’œil alentours.
- Allez, aide-moi, lança-t-il au mafieux qui le fixait avec des yeux ronds, son Beretta toujours inutilement braqué.
John s’empressa de venir saisir les jambes et ils ramenèrent prudemment leur gibier à l’intérieur, par la porte de derrière.
- Bien joué, les mômes, lança Bagwell à Gugul et à James, qui traînait la batte derrière lui.
Les deux cadets sourirent, fiers de leur rôle décisif dans la victoire finale contre l’intruse. Dino était encore tout retourné quand Abruzzi lui demanda :
- Tu peux amener une chaise à la salle de bain, s’il te plaît, mon bonhomme ?
C’est là qu’ils larguèrent et attachèrent leur chargement, sous les yeux intéressés des trois bambins. A présent débarrassé, l’Italien s’empressa de soulever son premier né dans ses bras pour le réconforter.
- Mon pauvre bouchon, t’as été très courageux, va. A ton âge, je ne m’étais encore jamais retrouvé au milieu d’une rixe. Tu peux être fier de toi. C’est fini maintenant, tu es en sécurité… Papa et Papa vont prendre les choses en mains et couper les orteils de la vilaine dame qui t’a fait du mal.
Le garçonnet, une moue tremblotante aux lèvres, hochait la tête contre le front de son père, qui lui lançait par en-dessous un regard rassurant. Légèrement penché vers l’arrière pour soutenir le petit contre lui, le Beretta toujours coincé à la hâte dans le calebard, il aurait, de l’avis de T-bag, mérité un tableau. Personne d’autre que cet enfoiré de mafieux n’aurait pu être le père de ses enfants, songea-t-il en se complaisant un instant dans la poésie de la scène. Puis il se retourna et déclara :
- Bon, il est temps de passer aux choses sérieuses !
Sur ce, il se mit à allonger des volées de claques de la dernière violence à l’agent du Bureau.
- Ca, les enfants… c’est ce qu’on appelle… la réanimation… de la victime, expliquait-il tout en enchaînant les allers-et-retours.
- Va passer un slip, quand même, lui suggéra Abruzzi avec une mimique insistante, le sourcil froncé.
Theodore jeta un œil à sa nudité, comme surpris.
- Oui, tu as sans doute raison…
Alors que le mafioso reposait Dino, le sudiste s’éclipsa, non sans passer une main lubrique sur son derrière, à laquelle le Sicilien n’eut pas le loisir de réagir à temps, ce qui le frustra au plus haut point.

Lorsqu’il revint, le costume L reprenait conscience petit à petit, la nuque encore inerte et l’œil vitreux.
- Alors maintenant tu vas remballer tes attrape-couillons et nous dire ce que tu fais ici, gronda John.
- Ne fais pas ça, Abruzzi… Ca ne peut que mal se terminer, balbutia l’intruse.
- LA FERME ! tonna soudain l’ex-parrain, faisant sursauter les mômes.
Il s’empara du badge dans la poche intérieure du costard.
- Gisolfi… C’est italien, ça, pas vrai ? Non mais qu’est-ce que tu fais, là, à t’en prendre aux tiens ? Tu crois pas qu’on a suffisamment été traînés dans la boue comme ça ?
- Vous n’êtes pas les miens, vous autres… C’est à cause de vous si tout le monde déteste les Italiens, dans ce pays ! grogna la grosse dame.
- C’est fou ce que tu peux débiter comme conneries à la minute… déclara le mafieux en lui jetant négligemment le badge à la tête, après l’avoir bien étudié.
- Vous… ? interrogea la brune, incrédule, lorsqu’elle remarqua la présence de Bagwell.
- Moi-même, répliqua fièrement l’intéressé.
Il assortit sa réponse d’une langue obscène sur le sourire d’amusement maniaque qu’il étira, avant de la faire disparaître entre ses dents.
- Pauv’ gamins… lâcha-t-elle sincèrement.
- Ca veut dire quoi, ça, boule de suif ? siffla un Theodore revêche en s’approchant.
- Bon, temps-mort : je veux savoir quel vent mauvais t’a amenée jusqu’ici aujourd’hui, les reprit Abruzzi.
- Je t’emmerde, répondit-elle calmement.
- Bien, femelle ou pas, j’ai aucune envie de perdre mon temps, je vais chercher les pinces.
- Je peux faire, Papa ? réclama aussitôt Jimmy en sautillant sur place, accroché au chambranle de la porte.
- Vaut mieux pas, mon p’tit gars, c’est un peu dur pour toi, expliqua le truand en lui tapotant les cheveux.
- Oh, s’il te plait !
- Laisse-le essayer, John, tu lui donneras un coup de main, suggéra le sociopathe avec un clin d’œil, se levant pour l’accompagner à la remise, non sans boucler la porte.
Le truand acquiesça d’un haussement d’épaules.


Après voir fouillé dans ses outils, il déclara en actionnant une paire de modestes cisailles :
- J’espère que ça va suffire, j’ai laissé la meilleure au boulot…
- Ca a intérêt ! Parce que je te préviens, il est hors de question que je viole un engin pareil… surtout de cet âge, décréta T-bag en tendant vers Abruzzi un doigt à la fois résolu et maniéré.
- Elle est plus jeune que je ne le suis, tu sais… fit observer le criminel, un peu gêné, faisant claquer les cisailles d’un geste assez évocateur de l’effet que venait de lui faire la remarque de Bagwell.
Le pédophile le considéra comme s’il venait de sortir une énormité.
- Quelles drôles d’inepties te passent par la tête, parfois, Johnny-boy. Toi tu es le charisme animal incarné !
Le naturel de cette affirmation fit pousser des ailes à l’ex-patron de la Cosa Nostra. Il adressa à son complice un lointain sourire connivent et le repoussa contre un établi.
- Toi, tu te trouves dans une remise et tu as envie que je te malmène à nouveau sur une table, c’est ça ?
Theodore soutint le sourire, par défi.
- Je n’ai pas spécialement apprécié de me faire cogner par tes ritals de sbires la dernière fois mais il est vrai que la suite aurait pu s’avérer très émoustillante, si je n’avais pas craint que ton petit accès de ferveur religieuse ne me coûte la vie.
- Si mes souvenirs sont bons, c’est pour moi que ça s’est mal fini, non ? marmonna Abruzzi, enfouissant le nez dans son cou et mordillant l’endroit où lui-même avait à présent une cicatrice.
- Mon pauvre Johnny-boy… Tu m’as fait du chantage, aussi, lui reprocha T-bag en écartant légèrement les pattes pour presser son bas-ventre contre le sien. Pourquoi… ne m’as-tu pas plaqué sur ladite table et monté à cru comme tout taulard respectable l’aurait fait ?
- Parce que toi, tu aurais été le seul taulard assez taré pour aimer ça, et qu’on n’aurait été pas plus avancés, répliqua le mafieux contre son bouc.
- … Tu as sans doute raison.
Une légère secousse poussa davantage l’Alabamien sur l’établi, le privant de l’appui du sol et lui faisant agripper rudement la chaînette d’Abruzzi.
- C’est vrai ? Tu aurais voulu que je profite de tes entraves pour te forcer sur cette table, Theodore ? Tes poings de gros aryen scotchés, tes bottes de méchant nazi derrière mes oreilles, et de la pure marchandise ritale entre tes reins de WASP profond ?
Bagwell ne se laissa pas faire ; il tira un peu sur sa prise pour se redresser davantage et passa un bras derrière les épaules de son confrère criminel pour l’attirer contre lui. Le respectable malfrat entendit dans sa voix le sourire et l’élasticité caractéristiques du relâchement concupiscent d’un T-bag prêt à la débauche.
- Oh, « forcer » est un bien grand mot… C’est souvent un bien grand mot… La Sicile aurait conquis des territoires hostiles, tout au plus. … Je me demande d’ailleurs ce que tu aurais dit à tes lieutenants quand ils t’auraient vu ressortir, la chemise pleine de f…
Le sociopathe s’interrompit soudain.
- Qu’est-ce qu’on est en train de faire, là ? interrogea-t-il, tout interdit.
- Et c’est à moi que tu demandes ça ?
- On n’avait pas un agent fédéral sur le feu ?
- Oui, et le poulet ne brûle que lors des ébats domestiques ridicules des traîne-patins.
- On ferait mieux d’y aller… conclut le pédophile.
- Hm, Theodore ?
- Quoi ?
- Va passer un futal, quand même, lui suggéra Abruzzi avec une mimique insistante.
- … … Non mais tu t’es vu ?
- Moi, avoir grandi dans le Milieu m’a pourvu de tout un bagage de souvenirs très efficaces pour faire retomber un soufflé en quelques secondes.
- Ah ! Je me gausse ! Si t’avais vu ce que j’ai fait à…
- Moi, ça ne m’excite pas, l’interrompit-il d’une voix forte.
En définitive, T-bag n’eut d’autre choix que de sortir en maugréant.


Quelques instants plus tard, Jimmy Junior se retrouvait à tenir à deux mains le manche d’une pince coupante, son gangster de papa assurant l’instrument derrière lui.
- Fais très attention, Jimmy, c’est très dangereux… N’essaie jamais de faire ça sans Papa.
Sans se laisser démonter, le gosse tenta de mordre vivement l’orteil de leur captive avec les lames, mais n’entailla que la chair, lui arrachant un frémissement.
- Ah non, bonhomme, non non, le reprit T-bag, assis à-côté du lavabo, à présent vêtu d’un lourd pantalon de toile. D’abord il faut que tu poses la question avant de torturer quelqu’un que tu veux faire parler.
- Qu’est-ce tu f’sais ici, sale peste ? interrogea le petit châtain en fixant l’otage sous ses sourcils butés.
- Vous allez quand même pas laisser un gamin…
La suite se perdit dans un hurlement, tandis que Jimmy avait sauté sur l’absence de bonne réponse pour réessayer aussitôt. Il n’était pas parvenu à couper tout à fait l’os, cela dit.

Dix minutes et trois orteils plus tard, Dino ayant fini par manifester à son tour son intérêt pour la mutilation de doigts de pied… ainsi que Caligula, qui s’y était essayé sur les genoux de son père en ne faisant guère que poser ses petites menottes potelées sur les deux parties du manche… Dix minutes et trois orteils plus tard, dis-je, ils s’étaient vus confirmer la funeste nouvelle : Eve Gisolfi était bel et bien venue chercher John… dont le FBI pensait avoir retrouvé la trace. Il ne s’agissait que d’une piste, et ils avaient envoyé cet agent pour de la simple reconnaissance. Néanmoins, ils étaient au courant de l’opération et, en conséquence de quoi, savaient parfaitement où était censée se trouver leur chienne de déterrage ce jour-là…
- Quand est-ce que tu étais censée faire ton rapport ? demanda gravement Abruzzi, qui n’avait plus le cœur à la plaisanterie.
La robuste brune ne répondit pas, le regard fixé sur le carrelage, où commençait à se former une marre de sang.
- Eve Gisolfi, quand est-ce que tu étais censée faire ton rapport ?
John savait donner le change, mais T-bag sentait bien la tension dans la raideur de son échine, l’affolement dans sa concentration sans relâche. Toutes ces charognes qui voulaient la peau de son mafioso commençaient à faire monter en lui une sourde colère. Lui-même avait conscience que quelque chose de dramatique était en train de se produire.
- Et si on lui brûlait les cils pour qu’elle parle, Papa ? suggéra gentiment Jimmy, trop jeune pour percevoir les conséquences de la situation.
Bagwell se leva et lui arracha sèchement des mains la boîte sur laquelle il tentait vainement de produire une étincelle.
- Junior, on t’a déjà dit de pas jouer avec les allumettes ! La dernière qui a fait ça a fini morte de froid dans la rue et profanée par les clochards. Et un jour tu vas foutre le feu à cette baraque ! prédit-il en réalisant tout en même temps que, non, il risquait en vérité de ne jamais en avoir l’occasion…
Jimmy se renfrogna, sa mine acrimonieuse typique vissée sur le visage. Theodore considéra l’allumette puis, dodelinant légèrement avec une brève contraction des lèvres, concéda :
- Bon, va chercher du vin dans le frigo, c’est toi qui le versera.
- Merci mon Papa ! bondit James Jr en entourant les jambes de son père avec une tendresse désarmante.
La voix de T-bag le poursuivit dans le couloir pour lui préciser :
- Et fais attention, hein ! Je ne veux pas que tu la casses et qu’on gâche le reste !
L’enfant fila à la cuisine.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMar 24 Nov - 15:52

Deux minutes plus tard, ils avaient appris, entre les hoquets de rire ensanglantés de leur captive, qu’Eve Gisolfi était censée faire son rapport… le soir même. Un silence pesant s’abattit sur la paire de meurtriers. Ils restèrent figés un moment, désemparés, tandis que le limier femelle continuait à se vider de son sang sur le sol de la salle de bain dans une sorte de délire pas bien joli à voir. Finalement, Bagwell se ressaisit devant l’urgence dramatique de la situation – il avait toujours été assez performant sur ce plan – et entraîna vivement Abruzzi à l’extérieur. Les enfants les regardèrent passer dans le couloir et rejoindre leur chambre sans un mot, curieux. Une fois la porte refermée, le sociopathe déclara :
- Il faut qu’tu tires d’ici.
- Toi aussi, je te signale. Imagine la gueule qu’ils vont faire quand ils vont te trouver. Tu peux me faire un rappel de ton casier ?
- Je crains qu’on n’ait pas le temps pour ça. Faut que t’aies quitté le pays d’ici ce soir.
- Et toi, alors ? Tu viens pas ? demanda le mafioso en fronçant les sourcils.
- Ouais, et qui va s’occuper des gosses ?
- … On pourrait peut-être les laisser à leur mère, et les faire venir après.
- C’est ça, parce que tu crois qu’elle nous laisserait faire ? Ca va déjà lui retourner les ovaires dans tous les sens quand je vais lui annoncer que le grand voyage se fera dans quelques jours… Et puis ça ferait peur aux mômes. Je ne veux pas qu’ils se croient abandonnés comme une portée de chiots sur le bord de la route.
- Tu as raison… Mais tu vas aller où, toi, pendant ce temps-là, avec les bambini ? Tu peux pas rester ici !
- T’inquiète pas, j’ai déjà ma petite idée là-dessus. Ce sera pour à peu près une semaine, pas beaucoup plus. Le temps pour moi de régler mes affaires et… de convaincre notre utérus chéri.
- J’ai aucune envie de te laisser là, avoua simplement un Abruzzi contrarié.
- Aw, allez, te fais pas de mauvais sang, ils n’ont aucune idée d’où je me trouve, au Bureau. En fait, s’ils se doutaient que certains d’entre nous sont restés si proches, ils en feraient probablement une jaunisse carabinée…
- Je veillerai à ce qu’on vous fasse venir, et qu’on vous file des papiers.
- Très bien.
Tout à coup, l’Italien saisit l’Alabamien et l’attira contre lui pour l’étreindre fortement.
- T’as pas intérêt à te faire choper, espèce de bon à rien de bouseux, le prévint-il, le nez dans ses cheveux.
T-bag se laissa faire. Entre une mère attardée, un père taré et les établissements de détention, on lui avait rarement fait des câlins, et il ne savait pas trop qu’en faire. Certes, ils étaient tout le temps les uns sur les autres dans l’Alliance – … au sens tactile du terme, seulement – mais ce n’était définitivement pas le même type de contact. Les étreintes qu’il permettait à Maytag ne devaient viser qu’au sensuel ou à la franche luxure… et les quelques autres fois avaient eu lieu alors qu’il était terrassé par la maladie… par la maladie ou le sommeil. Et puis merde, pas à brûle-pourpoint de la sorte, en tout cas.
- Va faire tes valises, Johnny-boy, je vais préparer Miss FBI, lui assura-t-il du ton grave et chevaleresque de l’homme de la situation.
- T’en fais pas pour ça, répliqua le mafieux en le relâchant pour s’emparer d’une chemise et d’un pantalon. Je crois qu’on peut se permettre d’employer les grands moyens, sur ce coup-là.
- Où tu vas ?
- Cabine, expliqua-t-il laconiquement. Laisse tomber le nettoyage, je vais faire venir des experts. Mets plutôt les gosses au parfum, et tâche de les rassurer, ça va être dur à comprendre pour eux.
Theodore passa un tee-shirt et s’en fut avec un veule simulacre à deux doigts de salut militaire.


Le malfrat composa un numéro et attendit un petit moment.
- Ouais ? décrocha une voix ferme et un brin vulgaire.
- Tony ? C’est John, à l’appareil. Je suis vraiment désolé de te demander ça mais est-ce que tu pourrais me rappeler d’une cabine, s’il te plait ? C’est en quelque sorte un cas de force majeur…
- John… John ? T’es à quel numéro ?
Abruzzi lut la série de chiffres indiquée sur le poste téléphonique.
- Bouge pas, y en a une juste en bas du Bing, j’arrive tout de suite.
Quelques instants plus tard, le combiné sonnait.
- Allô.
- John Abruzzi ? Ca f’sait un moment, qu’est-ce qui t’arrive ?
- Tony ! Ecoute, ça m’ennuie de te déranger, je sais ce que c’est de diriger une famille et le clan Soprano n’est pas des moindres… Crois-moi, je ne ferais pas appel à toi si je n’étais pas dans une situation d’urgence requérant ton aide personnelle…
- Qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce que j’peux faire pour toi ?
- Ca tient toujours, ta proposition pour Avellino ?
- Oui-oui, pourquoi, t’es dans le pétrin ? demanda le parrain des Soprano, inquiet.
- On peut dire ça comme ça. Matteo a commandité un abattage hier, qui a attiré l’attention du FBI. C’était un vrai bordel, y avait de la viande partout, et moi au milieu, bien évidemment… Bref, ils m’ont remis la main dessus. Je viens de choper un agent en reconnaissance sur ma propriété ce matin. Je dois vider les lieux et me casser de ce pays ce soir. Tu peux arranger ça ?
- Oh, merde ! Bien sûr, John, bien sûr, je vais me mettre sur le coup. On va remuer ciel et terre s’il le faut mais on va te trouver un putain d’avion, promit-il avec feu, pointant résolument le vide du doigt. Ta famille part avec toi ?
- Non, on peut pas faire le voyage sans la mère de mes enfants et là on pare au plus pressé. Je vais les éloigner de la maison et je les ferai venir dans quelques jours.
- Très bien, ça rendra la tâche plus facile. Et ce… ce gars avec qui tu vis, il vient aussi ?
- Il garde les gosses, il viendra avec eux.
- Oh, leur mère peut pas s’en occuper ? demanda Tony, ses petits yeux plissés par la confusion.
- C’est une étrangère pour eux, tu vois ? Enfin quoi qu’il en soit, je serai le seul du voyage, résuma Abruzzi sans attendre la réponse.
- Okay. Sylvio te conduira à l’aérodrome et veillera à ce que tout se passe bien. Qu’est-ce que t’en as fait, de cet agent ?
- Justement, si tu pouvais aussi nous filer un coup de main à ce sujet… Je l’ai gardée dans la salle de bain, y a plus qu’à la préparer. Mais c’est vraiment le boxon, là, des pros nous seraient vraiment utiles pour faire le boulot, si tu vois ce que je veux dire.
- « La » préparer ? Ils envoient des gonzesses, maintenant ?
- Voilà notre époque. Mon gars s’en charge, ça lui fait pas peur de se salir les mains, mais je manque vraiment de temps pour emballer le paquet.
- Ecoute-moi, John : j’ai deux gars en balade pas loin de ton secteur. Des lieutenants. Je décommande leur commission et je te les envoie tout de suite. Y a de la famille proche, dedans, ils sont tout indiqués pour le boulot.
- Je te remercierai jamais assez, Tony. Je sais à quel point tu dois être occupé, et de répondre présent comme ça quand ça merde pour ton vieux frère de Chicago… ça veut dire beaucoup pour moi. J’apprécie vraiment.
- John, tu es la personne qui a sans doute le moins chialé dans mes jupes ces vingt dernières années. Même quand ils t’ont envoyé en cabane, t’as pas donné, t’as pas mendié des faveurs auprès d’tout le monde, tu t’es pas répandu comme une lopette, glorifia la tête des Soprano en pesant ses mots presque hargneusement pour marquer les faits. T’es un mec comme on n’en fait plus depuis RICO, John. Je les laisserai pas t’avoir.
- Grazie, Tôny. Grazie…


Lorsqu’Abruzzi rentra, il trouva Bagwell et les mioches assemblés dans la chambre d’enfants. Etonnamment, Jimmy Jr et Caligula étaient assis qui sur un coffre à jouets, qui sur un cheval à bascule – alors immobile – et c’était l’ainé qui était niché dans les bras du sociopathe, en larmes. Ce dernier leva les yeux vers John avec un sourire ennuyé.
- Hey, qu’est-ce qu’il y a, Terreur ? s’enquit le Sicilien en venant s’accroupir à-côté d’eux. Tout va bien se passer, ce sera comme une grande aventure de hors-la-loi…
- Le petit gars veut pas laisser sa dulcinée, expliqua T-bag pour lui tandis que ses pleurs redoublaient. Allons, allons, tu te trouveras une autre copine, là-bas, beau comme t’es !
- J’en… j’en… j’en veux pas d’autre ! proclama le petit brun en hoquetant.
- Tu pourras lui écrire. Les filles adorent les jolies lettres qui viennent de l’autre côté de l’océan. Ca les met dans tous leurs états, tenta John.
- Et si tu ne t’es pas trouvé une autre amoureuse d’ici les prochaines vacances, tu pourras la faire venir. Imagine-toi : vous ferez des pâtés ensemble et des batailles de sable mouillé !
Le truand lui lança discrètement une œillade qui signifiait « cesse de fantasmer, Theodore » - à la plage, le pédophile était un véritable cauchemar ; Abruzzi y avait davantage peaufiné sa technique du plaquage de rugby que celle du beach volley… même s’il n’était pas exactement du genre à jouer au beach volley, du reste… Dino reniflait dans le tee-shirt de son papa. Les deux criminels échangèrent un regard désemparé. Ils n’avaient hélas pas le temps de s’occuper du désespoir amoureux bien réel de leur aîné. Comme mû d’une sagace intuition, Caligula descendit soudain de son cheval et s’accrocha à la taille de son grand frère pour prendre le relais du câlin.
- Moi non-p’us je reverrai jamais Morten, tu sais, déclara-t-il en jouant la voix de la raison, la joue mélancolique sur la fesse de son frangin.
Jimmy, les mains plantées entre ses jambes sur le coffre à jouets, le cou un peu tendu et la tête penchée, les considéraient avec curiosité. T-bag lui adressa une petite grimace du bout de la babine et l’enfant approcha.
- Allez, réconforte ton frérot, toi aussi, dit-il en lui faisant prendre tout de go la relève.
Junior plaça les bras autour de Dino et se mit à tapoter d’un geste quasi-médical, alors que le plus vieux semblait ne pas vraiment se soucier du changement de personne allouée à sa consolation.
Les deux compères sortirent et Abruzzi déclara :
- J’ai appelé Matt et on aura quatre mecs armés pour garder la maison d’une minute à l’autre. Ils amèneront deux camionnettes pour mettre les affaires en sûreté. Tony Soprano se charge de mon transfert pour ce soir, il me tient au courant. Il nous envoie gracieusement deux nettoyeurs mais si tu pouvais… tu vois… la négocier toi-même. Ces mecs-là sont assez mal à l’aise avec le fait de tuer une femme.
- Comme c’est sexiste !
- …
- Peut-être que ça remonterait le moral de Dino de regar…
- Theodore ? Non.
- Mais Joh…
- Attends au moins qu’ils aient du poil au cul.


Un imposant véhicule noir se gara dans l’allée et deux individus tirés à quatre épingles en sortirent. La maison se refléta dans les verres fumés du premier, qui finit par déclarer d’une voix traînante :
- Sylvio m’avait dit que John Abruzzi était devenu pédé et qu’il avait fondé une nouvelle famille… mais j’croyais qu’c’était du flan.
- J’complends pas comment un mec dé cette pointule a pu en alliver là… lâcha l’autre avec le dédain plein d’accent italien.
- Ouais, bon, on s’en fout, on fait l’boulot. J’suis quand même curieux de le rencontrer : ce mec, quand il était encore que giovane d’honore, il a braqué le camion du traiteur de la mairie d’Chicago avant une livraison pour un gala, et y s’est barré avec du jambon fumé et des coquilles Saint-Jacques pour trois cent personnes, relata le premier larron avec dans son ton une insistance qui montrait à quel point le haut fait forçait le respect à ses yeux.
Son acolyte à queue de cheval ne répondit pas. Ils sortirent des bidons de liquide de la voiture et avancèrent tous deux vers la maison, notant les tireurs embusqués çà et là sur la toiture ou derrière un pilier. On avait donné leur plaque d’immatriculation et leur signalement à ces derniers, heureusement. Ils sonnèrent à la porte et patientèrent en croisant les mains sur leurs bas-ventres. Quelqu’un les observa par le judas puis un homme aux longs cheveux plaqués sur le crâne leur ouvrit avec prudence.
- John Abruzzi ? demanda le jeune homme en relevant ses lunettes noires.
L’intéressé hocha la tête, toute majesté.
- J’suis Christopher, le neveu d’Tony, se présenta-t-il en hochant la tête.
- C’est un plaisir d’avoir de sa famille chez moi. Soyez les bienvenus.
On ne remerciait jamais les sous-fifres avant le boulot ; ceux-là étaient assez haut-placés pour recevoir sa gratitude après, mais c’était au boss qui les dépêchait qu’on était tenu de témoigner d’emblée sa reconnaissance, dans la position de John.
- Voilà Furio, tout droit débarqué d’Italie du Sud récemment.
Les deux hommes se saluèrent d’un hochement de tête policé et Abruzzi referma la porte derrière eux. Theodore débarqua à son tour de son habituelle démarche décontractée, probablement étudiée au vu des circonstances, en train de déchirer du chatterton avec les dents.
- Bonjour Messieurs, lança-t-il, serrant la main des nouveaux venus en leur demandant à peine leur avis. Appelez-moi Teddy. Notre amie est déjà dans la baignoire. Je l’ai mise la tête vers le bas pour qu’elle commence à se vider tranquillement et je pense qu’à l’heure qu’il est elle doit déjà être bien délestée. Donnez-moi une petite seconde, j’avais laissé son cœur battre pour pomper le sang à l’extérieur plus vite, donc techniquement elle n’est pas encore tout à fait occise…
Il ponctua par un discret rire embarrassé de maîtresse de maison qui doit aller ajouter la touche finale de dernière minute indispensable à son œuvre.
- … mais ce n’est que l’affaire d’un instant et elle est toute à vous ! annonça-t-il jovialement.
Les deux sbires du clan Soprano restèrent un moment pétrifiés, et on n’aurait su dire exactement lequel du laïus qu’ils venaient d’entendre ou du déhanché languide qui s’éloignait en était la cause majeure. John, pour sa part, décocha un regard de tueur au derrière fanfaron de Bagwell, assez vainement, il faut bien le dire.


- Salut, mon grand… dit tendrement Abruzzi en se penchant pour soulever Jimmy Junior dans ses bras.
Le garçonnet accrocha ses deux mains à ses cheveux, comme il aimait le faire.
- Au revoir, Papa. T’as pas oublié ton pistolet ?
Non loin de là, Christopher et Furio esquissèrent un sourire complaisant.
- J’en ai pas qu’un, si ça peut te rassurer, mon p’tit gars, répondit le gangster en exhibant l’intérieur gauche de sa veste.
- … Wouaaah ! admira spontanément l’enfant, bouche bée.
Son père ricana, attendri, et l’embrassa sur les deux joues.
- Allez, à bientôt mon Jimmy.
Dino se présenta, les yeux rougis et un air démoralisé de retour sur son visage, à présent que l’agitation des préparatifs était terminée et qu’il était temps de dire au revoir à son padre pour un bout de temps.
- Oh, Dino, ne fais pas cette tête de chien battu, mon garçon, tout va rentrer dans l’ordre plus vite que tu ne le penses, tu verras ! lui assura John en le faisant décoller à son tour.
- Tu crois ? demanda le marmot sur son épaule.
- Je le sais. Moi aussi, dans la vie, j’ai connu des moments pas toujours faciles. Quand j’ai dû faire mes preuves et me taper des sales boulots, petit, tapi pour vendre des poppers dans la rue, des gens de couleur m’accompagnant au Sig Sauer… Quand les portes du pénitencier se sont refermées derrière moi… Et puis, il y a aussi la fois où ton père m’a jeté en pleine figure qu’une fois qu’on aurait récupéré le trésor de DB Cooper, il s’achèterait une p…etite mexicaine jolie et facile à vivre. Ce sont ses propres mots !
- Hey ! C’était parce que toi tu voulais retourner en Sicile rejoindre ta f… ta foutue patrie de rital ! protesta vivement Theodore.
- Et alors, comment tu t’en es sorti ? voulut savoir le garçonnet.
- Dans le premier cas, j’ai fait preuve d’abnégation et d’opiniâtreté…
- Oh-hô, on dirait que mon contact commence à profiter à ta langue, Johnny-boy.
- ...Dans le second cas, le Seigneur m’a envoyé une Gueule-d’Ange providentielle. Et dans le troisième cas, j’ai fait cracher à ton père qu’il était fou de moi et…
- Oh !! Mais c’est un odieux mensonge !! s’étrangla Bagwell, outragé au plus haut point.
- … et j’ai avoué que j’avais pas bien envie de partir de mon côté…
- Je pourrais répéter tes mots exacts, mais je préfère garder les billes que tu as si courageusement mis sur la table ce jour-là bien au chaud dans ma poche.
- Et aujourd’hui, voilà ! Le don d’une des plus grandes familles du coin me rend service, je m’apprête à disparaître une fois de plus en pleine nature, et vous êtes là tous les trois, constata-t-il en souriant allègrement à la fratrie.
Le visage de Dino s’éclaira un peu. C’était qu’il disait vrai, le padre. Ses paroles lui firent reprendre un peu courage et il quitta ses bras en acceptant à nouveau l’improbable éventualité de jours meilleurs.
- Hééé, Bambino ! salua Abruzzi en soulevant sans effort le petit dernier. Tu seras sage, hein ? Pas de folie pendant mon absence.
Caligula secoua la tête, les doigts anxieusement enfoncés dans le bec.
- On va te rewoir, Papa ?
- Mais bien sûr que vous allez m’revoir, les crapules ! Dans un peu plus d’une semaine, à peine. Vous viendrez tous me retrouver en Italie, et on mangera des super pizzas et des super pâtes ensemble, ça te va, camarade ?
Caligula parut considérer, puis hocha la tête avec une moue décidée.
- Parfait. Ne t’inquiète pas, mon petit bonhomme, cette fois c’est à moi que tu parleras au téléphone, d’accord ? … D’accord.
L’ex-parrain frictionna son petit dos et posa son front contre ses mèches bouclées, avant de le reposer précautionneusement à terre. Il se tourna ensuite vers T-bag et tous deux se saisir la main dans une sorte de parodie de bras-de-fer avant de s’attirer l’un contre l’autre.
- Ah… Theodore… Qu’est-ce que je pourrais te dire, à toi ? Tu vas y arriver, tout seul ?
- Moi je sais ce que j’ai à te dire : tu t’es bien débrouillé.
- Hein ? A propos de… ?
Le sudiste se pencha tout près de son oreille.
- Il sera dit que je ne t’aurai pas coincé aujourd’hui, et que je ne risque pas de le faire avant un moment. T’es fier de toi ?
Le mafioso leva les yeux et un sourire rampa sur ses lèvres.
- En revanche, et j’aimerais que tu te le tiennes pour dit, John, quand j’arriverai dans ton pays de sauvages, la première chose que je ferai sera de te mettre le nez dans ta paillasse de sauvage et de t’empoigner comme ta bonne famille de sauvages catholiques ne l’imagine même pas.
L’époque où Abruzzi blêmissait face aux provocations un peu poussées de T-bag était révolue, Dieu merci. L’idée que Theodore le profane délicatement, avec sa bénédiction, pratiquement sous le nez de la gente italienne traditionnelle qui, contrairement à lui, ne pratiquait pas la religion à la carte pour autre chose que la clause du « tu ne tueras point », lui donnait cependant des sueurs.
Satisfait par son mutisme, Bagwell s’éloigna un peu, mais John durcit son poignet pour maintenir sa prise et le garder tout près de lui.
- Après une mise en garde pareille, t’as intérêt à réussir ton coup.
- Oh mais je compte bien réussir. Tu sais que je suis quelqu’un de très motivé, pas vrai ? Dis-moi franchement, tu croyais vraiment que j’en serais, de cette évasion ? Mieux : tu pensais qu’un jour tu te retrouverais à me rouler des galoches ? Quand j’ai très envie de quelque chose, John, je l’obtiens, et ce n’est pas pour rien que c’est à tes dépends que vous l’avez appris, parce que rien dans ce satané monde ne me motive autant que toi.
Abruzzi poussa lentement un lourd soupir. Puis il tourna la tête et trouva simplement la bouche du sociopathe pour lui rouler une galoche. Et comme à l’accoutumée, lors de ces occurrences rares, T-bag fut pris au dépourvu, à son propre jeu, et lutta contre le réflexe primaire de dégagement, aidé par le bras de fer qui n’avait pas fléchi entre leurs poitrines, avant de sentir ses jambes flageoler et son esprit tirer le rideau pour quelques secondes. Furio et Christopher détournèrent aussitôt les yeux de ce qui leur faisait l’effet d’une scène primitive. Jimmy, au contraire, croisa les bras et observa avec attention.
- Fais attention à toi, Theodore, l’avertit l’ancien patron de la mafia sur un ton qui était plus menaçant qu’autre chose. Fais très attention.
- Entendu, haleta-t-il en dévorant son expression de ses yeux marron sale. Tu perds rien pour attendre.
- J’espère bien. A bientôt.

Après trois quarts d’heure de route, lors desquels il s’était mis à pleuvoir, Bagwell se gara sur le parking de gravier d’une petite propriété isolée. Lorsque le jour se lèverait à nouveau le lendemain, il ramènerait la voiture au concessionnaire d’Abruzzi. On n’était jamais trop prudent. James et Dino sortirent et il détacha Caligula de son rehausseur. Naturellement, les gosses se hâtèrent vers l’entrée de la maison, mais leur père les arrêta.
- Restez encore quelques instants sous la pluie, les mômes.
- Pourquoi ? demanda l’aîné.
- Parce que ça se passera plus facilement si vous êtes bien trempés, répondit simplement T-bag.
Curieux mais obéissants, les bambini suivirent ses recommandations – Caligula n’ayant de toute façon pas le choix, puisqu’il était dans ses bras. Il conduisit ensuite la nichée jusqu’à l’entrée et laissa le benjamin appuyer sur la sonnette. Ils entendirent bientôt des pas approcher sur du parquet pour venir leur ouvrir.
- …… dit Michael Scofield en découvrant le spectacle sur le pas de sa porte.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyDim 24 Jan - 17:47

Entre évadés on se serre les poches

Lorsque Lincoln Burrows et Lincoln Burrows Junior rentrèrent de leur petite virée père-fils moto-pique-nique ce dimanche soir-là, ils eurent la surprise d’être accueillis par un petit bonhomme haut comme trois pommes dans sa salopette, qui se planta devant eux dans l’entrée et leva allègrement les bras pour les gratifier d’un « bonjour ! » enthousiaste. Lincoln Sr cligna des yeux quelque peu perplexes mais bon-enfant et le salua à son tour, avant de lancer d’une voix plus forte :
- Qu’est-ce qui se passe, Michael, tu m’as fait un enfant ?
A ces mots, un autre bambin passa la tête par la porte du salon. Il avait un air qui lui rappelait singulièrement quelque chose mais qui tout en même temps ne lui revenait pas du tout. Ho la… Un troisième se montra, lui faisant inexplicablement le même effet, mais d’une manière différente. Ho la la… Il avait à peine mis le doigt dessus que la dégaine émaciée et mielleuse de Bagwell apparaissait à son tour, le saluant tout naturellement d’un jovial :
- Hey, l’Déluge ! Ca fait une paye…
Un long silence interdit s’ensuivit. Les épaisses arcades sourcilières de Burrows étaient bloquées sur de gros yeux constipés de bête traquée, qui passaient fébrilement d’un nouveau venu à l’autre. Finalement, Michael les rejoignit, penaud, et son frère glissa entre ses dents, comme si cela avait eu le pouvoir de créer un aparté :
- Michael… Qu’est-ce… que c’est… que ça ?
Scofield poussa un soupir.
- Je vous conseille de venir vous asseoir et d’en discuter autour d’une tasse de thé…

Les deux Lincoln se posèrent sur le canapé en U très design dont s’enorgueillissait le séjour – Michael s’était bien évidemment chargé lui-même de toute la décoration de la maison. Junior paraissait plutôt prendre tout cela à la rigolade et observait les marmots l’un après l’autre avec une avide curiosité. Senior semblait pour sa part être le témoin d’un drame.
- J’ose à peine poser la question, déclara-t-il, un peu pâle.
- Moi je ne sais pas par laquelle commencer, gloussa LJ.
Scofield, lui, se contentait de verser le contenu d’une théière dans deux tasses assorties pour les Burrows, l’air passablement absorbé.
- Si ça ne vous ennuie pas, on causera des détails techniques quand les mômes seront couchés, hm ? requerra T-bag d’un ton dégagé, chopant Caligula à la racines des bretelles de sa salopette, pour le hisser sur le canapé avant que ses coups de pieds affolés pour y grimper n’atteignent le petit service à thé très moderne de la Gueule-d’Ange.
- C’est bien vrai, alors ? demanda finalement Lincoln d’un air démoralisé.
- Aussi vrai que nature, mon vieux ! Tiens, vise-moi ça…
Sur ce, il se saisit de James, qui jouait avec des gouttelettes de thé tombées sur le plateau, et le brandit fièrement sous le nez de Burrows.
- Ma descendance ! annonça-t-il avec une béatitude toute virile.
Tous deux observèrent le gosse avec un mélange d’intérêt et d’appréhension. Jimmy, pour sa part, considéra les traits butés de Lincoln avec perplexité, et gigota un peu pour qu’on le repose sur le sol, dont il n’était séparé que par quelques centimètres.
- Je n’ai jamais réussi à m’imaginer qu’un jour tu aies pu être petit et trognon mais ça me donne une idée, déclara LJ.
Jimmy lui sourit, de ce sourire qu’il esquissait toujours sans découvrir les dents.
- Je ne l’ai jamais été. J’étais une petite raclure maigrichonne, maussade et crasseuse. Tu me diras, celui-là n’est pas bien gros non-plus, mais il a la fringale de vivre. Quand il veut quelque chose, c’est une belle petite saloperie, pas vrai l’arsouille ? affirma-t-il en toute complaisance.
- Tu nous présentes ? demanda LJ.
- Voici Jimmy Junior, les gars, garanti 100% Bagwell !
- 50%, si je sais toujours comment ça fonctionne… marmotta Michael qui s’était rassit sur son canapé et contemplait son service d’un œil résigné.
- Jimmy, reprit T-bag en l’ignorant royalement, voici Le Déluge, un vieux compagnon de cabane et de cavale, qui a bien failli se faire griller les fesses par l’Etat. Et voici un Junior comme toi, Lincoln Junior, alias LJ. Un bien gentil garçon, s’il en est, sous ses dehors de sainte-nitouche.
Le jeune homme leva sur le pédophile un œil de léger reproche. Jimmy vint s’asseoir entre Michael et lui, se plongeant dans la contemplation du dessin sur l’épaule du blouson de cuir qu’LJ avait toujours sur le dos.
- Mon premier-né, enchaîna le meurtrier en leur présentant Dino.
Puis il ajouta comme s’ils se trouvaient à un concours canin :
- Il est beau, hein ?
- Sûr, acquiesça Lincoln en serrant vigoureusement la petite main dans l’une des énormes paluches qui faisaient fantasmer tant de monde. Comment tu t’appelles, l’ami ?
Dino se présenta poliment bien qu’un peu tristement, comme il l’avait déjà fait avec Michael. Tandis qu’il serrait la main à LJ, Burrows demanda :
- Donc celui-là…
- Yep, Mister Mafia. Il a voulu commencer en arguant qu’il avait plus d’expérience. Des queues de cerises ! Après avoir passé des mois cloîtré avec Maytag, donner le biberon, c’est du gâteau ! renâcla T-bag, railleur.
- Mh-hm, acquiesça à nouveau Lincoln sans chercher à comprendre.
- Et enfin le petit dernier, avec qui le mystère reste entier… Voilà Caligula, acheva-t-il en ébouriffant les mèches du bambin, qui agita une main derrière la timbale de lait qu’il était en train de boire précautionneusement.
- Je ne veux pas savoir comment vous vous êtes débrouillés, conclut le Déluge.
Une discrète crispation de la babine de T-bag lui fit recadrer la conversation.
- Eh ben c’était bien gentil de venir nous présenter tout ce beau monde, depuis le temps ! Une question me met quand même la puce à l’oreille… … Qu’est-ce que tu fous là ? acheva Burrows en laissant brusquement retomber son ton jovial de femme au foyer.

T-bag s’empara d’une tasse de thé en refermant ses doigts autour par le dessus, et relata à nouveau l’échauffourée où un pruneau avait éraflé John, puis l’incursion surprise du FBI dans leurs petites affaires. Pendant ce temps, Michael croisait les bras, bien enfoncé dans le canapé, et observait les réactions de son frère. LJ, la tasse à la main, avait suspendu son geste peu de temps après avoir entendu le début de leurs mésaventures et Jimmy Junior lui caressait à présent gentiment la veine du poignet, une attention dont l’intéressé n’aurait su dire s’il la trouvait mignonne ou un brin flippante. Dino et Caligula s’étaient mis à « faire les cakes » dans leur coin et étaient tombés du canapé sans que personne ne s’en aperçoive ni que ça ne semble les déranger dans leurs jeux.
- Donc voilà le marché, conclut finalement Theodore. Vous nous offrez l’asile politique à moi et mes chérubins pour une petite semaine et en échange je serai votre cuisinier, blanchisseur, gardien anti-colporteurs et masseur personnel… enfin sauf pour toi, le Déluge. Ca vaut le coup, non ?
Un épais silence s’étira quelques instants. Ce fut finalement LJ qui le brisa, quelque peu déçu :
- Mais alors… Comme voilà Abruzzi est parti de l’autre côté de la Terre et il n’a même pas pris la peine de nous dire au revoir ?
Un peu étonné, le sociopathe répondit :
- Ca s’est vraiment fait dans la dernière urgence, tu sais. C’est marrant, je ne pensais pas que tu y tiendrais de la sorte.
- Non, c’est juste que… on en a vécus, des trucs, quand on était tous planqués au Mexique… C’était quand même quelque chose… non ?
Un sourire jusqu’aux oreilles s’étira sur le visage chafouin de T-bag tandis qu’il considérait longuement le garçon.
-Oh ça oui…
- Si vous pouviez m’épargner la séquence-souvenirs dans un moment pareil, les pria Lincoln.
Lui-même se rappelait en particulier avoir littéralement repêché son fils de quinze ans par le pied alors que sa ronde de réveils matinaux avait conduit LJ à aventurer un peu plus que le museau dans la tente des deux meurtriers. « Tu n’entres pas là-dedans » avait tranché le Déluge en le traînant à nouveau près du feu de camp tandis que l’ado se débattait pour la forme : « c’que tu peux être néanderthalien, papou ! ». Là encore, Lincoln ne tenait aucunement à en savoir plus.
- Non, décida-t-il. Désolé mais on ne peut pas t’héberger sous notre toit, T-bag. Tes gosses sont très mignons mais c’est pas possible.
- Linc, leur maison va être investie, ils n’ont nulle part où aller, souleva alors Michael, enfin sorti de son mutisme.
- Nulle part où aller ? Avec le fric qu’ils se font, tu veux me faire croire qu’il peut pas se payer l’hôtel ?
- C’est toujours dangereux, les hôtels, glissa Bagwell. Avec trois mômes, comme ça, je passerai pas inaperçu… Imagine que ces argousins relèvent des empreintes et me retrouvent sur leurs maudits fichiers, ils n’ont qu’à diffuser mon signalement et je suis cuit.
Le sudiste rentra la lèvre inférieure d’un air ennuyé, considérant tour à tour les deux frères.
- Il s’agit pas que de moi… ajouta-t-il avec l’air de ne pas y toucher. Si je suis gaulé, les petits, c’est à l’orphelinat qu’ils finiront.
Dino et Caligula interrompirent leur simulacre de bagarre et James sa séance de petites caresses obsessives pour se mettre aux aguets, interdits.
- Comme Morten ? finit par demander Jimmy.
- Ne vous en faites pas, les gars, quoi qu’il arrive Papa sera là pour vous protéger, assura le sociopathe en quittant à peine les autres frangins des yeux, la langue intérieurement tordue.
- On ne peut pas les renvoyer, Lincoln, ce ne serait pas décent, décréta Scofield.
- Ouais, et ben on verra si tu parles toujours de décence quand tu te réveilleras un matin avec sa…
- LES ENFANTS, LINC ! s’empressa de le couper le cadet, catastrophé.
- Hm… Oui, pardon, marmonna un Burrows tout penaud. Enfin tu comprends l’idée…
- … Tu te sentirais menacé, le Déluge ? insinua perfidement T-bag.
- Bon sang, de quoi tu parles ?
- Tu sais qu’avec moi traînant dans les parages… le petit frère ne résisterait pas longtemps avant de s’abandonner à mes manières délicates et mon doigter chevronné… et ça remettrait en cause ta place. Tu ne peux pas laisser une chose pareille arriver, je comprends, tu sais, je comprends tout à fait ! lui assura-t-il sincèrement, les doigts cambrés dans sa direction comme pour déclarer d’avance inutile l’hypocrisie d’une objection.
- Non mais tu rêves tout éveillé ! s’étrangla Lincoln tandis que son fils se gaussait.
- C’est humain, on peut pas lui en vouloir, mon joli, déclara-t-il à l’adresse de Michael, qui répondit à ces enfantillages par un sourire ironique mais indulgent, sachant bien que son aîné n’était que trop facile à mener en bateau dès qu’il s’agissait de ses proches.
- Fous-moi le camp ! Je n’ai rien à prouver à quelqu’un comme toi ! vociféra Burrows dans un sursaut de discernement.
- Tiens donc, tu ne relèves pas le défi, Linc ? Tu mûris… constata Gueule-d’Ange.
Lincoln fixa vivement son frère d’un air contrarié et soupçonneux, tandis que Theodore ramassait ses gosses.
- Allez Junior, lâche Junior, son papa ne veut pas faire entrer le loup et ses louveteaux dans la bergerie, disait-il avec résignation.
Après de longs instants à se demander ce que Michael entendait par sa remarque, sans que le visage parfait de l’intéressé ne lui donne le moindre indice, le Déluge finit par rugir :
- … Ca va, CA VA ! … C’est d’accord, on te planquera quelques jours, mais pas plus ! Tu fais ce qu’on te dit, tu files doux, tu ne ramènes pas de cadavre sur le tapis, entier ou non, et tu fais ta putain de lessive à part. Il est hors de question que tu touches aux caleçons de mon fils.
- Papa ! s’offusqua le jeunot.
- Je le lui fabrique, son petit linge, gros malin… lui rappela Bagwell du coin des lèvres.
- Je vais vous montrer la chambre d’amis, enchaîna Scofield en se levant sans tarder, passant devant un Lincoln fulminant avec une caresse sur son épais crâne rasé.

Il conduisit la petite famille jusqu’à une jolie pièce feutrée pourvue d’un grand lit à deux places.
- C’est-y pas gentil, ici ? ronronna T-bag. Merci infiniment, Beauté, je vais aller chercher les affaires.
- Installez-vous, les enfants, ça devrait être largement assez grand pour vous, lança Gueule-d’Ange en réponse.
Les petits s’engouffrèrent dans la chambre et grimpèrent sur le vaste plumard moelleux à souhait, se vautrant dedans comme des petits cochons dans une mare de boue, sous les yeux légèrement déconfits de leur père. Ce dernier se redonna toutefois contenance comme Michael repartait dans le couloir.
- Ah, j’ai compris, pas folle la guêpe… On colle les enfants là-dedans et tu me gardes pour ton lit, c’est ça, mon joli… ? demanda-t-il en l’enlaçant par-derrière, enjôleur.
- BAS-LES-PATTES, LE PERVERS ! mugit brutalement Burrows en écrasant d’une seule main la tête du sociopathe contre le mur tout proche.
Scofield, une fois libéré, poursuivit son chemin comme si de rien n’était, comme rompu par l’habitude. Theodore le suivit, non sans darder sur Lincoln de petits yeux venimeux, la lèvre inférieure vindicativement rentrée, tandis que le grand frère maintenait la menace dans son regard furibond sur lequel étaient vissés ses puissants sourcils.
- Tu dormiras là, l’informa Michael.
La déception de l’Alabamien fut palpable lorsqu’il constata qu’ils étaient revenus au salon et que l’ingénieur lui désignait résolument le canapé design.
- Hhaw, allons, vous n’êtes pas sérieux ?
- Oh arrête de faire ta duchesse, on a tous dormi dans des fossés, ici, le morigéna Burrows.
- Ouais, et tu ne faisais pas autant de chichis quand on campait en pleine nature, avec les vaches qui menaçaient de brouter nos calecifs directement sur le fil à linge… rappela allègrement LJ.
- Il était lui-même trop occupé à brouter autre chose pour réaliser où il était…
T-bag considéra Gueule-d’Ange avec consternation.
- Beauté !
La petite famille lui rit au nez de bon cœur.
- Je te suggère d’aller chercher ton pyjama et ensuite de te mettre à la soupe, Sergent Sodomie. Y a un tablier à la cuisine ! lança Burrows en ôtant son blouson de moto pour se mettre à l’aise.
- Pendant ce temps je vais montrer à votre progéniture comment les grands jouent au LEGO, décréta Michael en entraînant la fratrie vers sa salle de modélisme.
- Et moi je vais prendre une bonne douche bien chaude, insista LJ avec un sourire aussi angélique que narquois.
Theodore considéra la pluie qui battait toujours les carreaux du salon. Il commençait à se demander si son plan s’avérerait aussi folichon qu’il l’avait escompté…


Dernière édition par La Halfeline le Dim 24 Jan - 19:31, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyDim 24 Jan - 17:48

- Y a de la bidoche et du poisson dans le frigo, indiqua obligeamment Lincoln, mais pour trois personnes seulement alors prends un peu de tout si y faut. Y doit y avoir un bout de laitue quelconque dans le bac à légumes, Michael insiste pour nous en faire bouffer de temps en temps, va savoir pourquoi… Y a des conserves et des féculents dans le placard… Les épices sont sur cette étagère… et on a aussi des surgelés, mais t’es pas là pour nous servir ça. C’est spécialement pour Michael et LJ quand ils sont livrés à eux-mêmes, étant donné qu’ils sont tous les deux infoutus d’accoucher de quoi que ce soit d’à peu près comestible quand tu les mets dans une cuisine. Ah, ça, Mike pourra te faire des desserts très artistiques mais…pour ce qui est du reste… Enfin, je te passe les détails. Je crois que tu as tout ce dont tu as besoin. Je vais vérifier que le petit frère s’en sort avec ce que vous nous avez pondu. S’il te manque un ustensile appelle-moi, je serai sûrement dans le salon.
- Une dernière chose, le Déluge…
- Hm ?
- Ce tablier, c’est quand même pas Gueule-d’Ange qui te l’a offert ?
- Si, pourquoi ?
- « Ne faites pas chier l’homme »… ? C’est d’un tel raffinement que j’ai du mal à l’imaginer, et en même temps on sent que ça vient de quelqu’un qui te connaît intimement.
Burrows quitta la pièce avec, chose exceptionnelle, un petit sourire connivent à l’adresse de T-bag, et rejoignit les autres pour voir si les rejetons des deux pires crapules de Fox River n’avaient pas déjà mis la salle de maquettisme de Michael à feu et à sang. Il les trouva au contraire en train de jouer bien sagement à équilibrer un édifice d’éléments plastiques qui, à première vue, ne pouvait tenir que par opération du Saint-Esprit, le tout sous les explications nourries mais savamment simplifiées de l’ingénieur.
- Tu as enfin trouvé quelqu’un qui s’intéresse à tes joujoux ? Tu dois plus en pouvoir ! lança Lincoln en constatant la chose.
- C’est ça, moque-toi… N’empêche que ces petits ont l’air plus matures qu’LJ et toi réunis, pour ce que ça vaut.
- J’en doute pas, répondit le plus vieux en les observant à nouveau curieusement. Ils ont dû grandir vite entre ces deux là…
- Oncle Micky ? demanda Dino qui, comme ses frères, avait pris l’habitude de désigner n’importe quel ami de la famille par la mention « oncle » suivie de son surnom si possible en « i ». C’est vrai que t’as fait évader nos papas grâce à une maquette du Tache Mâle ?
- Tout à fait, Dino, répondit fièrement Scofield avec une œillade à l’adresse de son frangin, comme pour lui rappeler par là que ses « joujoux » avaient contribué à lui sauver la vie. Cette maquette était en quelque sorte pour moi la clé du bureau du directeur… et du toit de la prison, par la même occasion…
- Tu peux nous raconter comment t’as fait et nous apprendre à faire la même chose ?
- Oh, je suis sûre que vos chers papas vous ont déjà raconté l’histoire des dizaines de fois…
- De leur côté, oui… mais eux y savent pas bien ce que tu fabriquais pendant tout ce temps, en fait. Peut-être que tu pourrais nous raconter ton côté de l’histoire et ce serait comme un puzzle ! expliqua l’aîné qui, comme les enfants en ont la chance, retrouvait un regain d’enthousiasme dans la nouveauté de la situation, après les funestes chamboulements de la journée.
- Allez, te fais pas prier, Mike… mais gare aux discordances de versions ! Les enfants, il faudra vous faire à l’idée qu’un même événement peut être interprété différemment. Le passage où vos papas souhaitent l’un après l’autre à Michael la bienvenue au pénitencier, par exemple, eh bien Oncle Micky vous racontera que le premier lui a cassé la gueule et que le deuxième a essayé de… de l’embrasser de force !
- Linc…
- Tu veux dire quand ils ont voulu faire connaissance, Papa Teddy et Oncle Micky, et que Papa Johnny les en a empêchés parce qu’il était vert de jalousie, même s’il voulait pas encore l’admettre ? demanda Jimmy.
- Hé, c’est pas ça, l’histoire ! s’indigna Gugul.
- Oui, c’était un plan très élaboré pour manipuler Michael, l’appuya Dino.
- C’est pas ce que j’ai entendu, rétorqua James en secouant la tête avec l’air entendu de ceux qui en savent plus.
Les autres frérots assistaient à tout cela, abasourdis, jusqu’à ce que Caligula ne réclame :
- Dis-nous ce qui s’est vraiment passé, Oncle Micky !
Il fut approuvé à grand bruit par les deux autres et Scofield chevrota un peu d’embarras avant d’être poussé à s’asseoir en tailleur par six petites menottes pendues à ses vêtements.
- Bon, je te laisse, amuse-toi bien… s’esquicha lâchement Lincoln en refermant la porte sur un Michael dont les genoux étaient pris d’assaut par Dino et Caligula.
Il alla s’installer sur le canapé du salon pour végéter devant un match de base-ball. Quelques minutes plus tard, une petite tête se montra dans l’encadrement de la porte. Lincoln émergea momentanément à la vue de Jimmy et demanda gentiment :
- Hey p’tit pote, tu as besoin de quelque chose ?
L’enfant secoua la tête avec un bref sourire en guise de remerciement.
- Ca t’a gonflé, tous ces bibelots de geeks, hein ? Si t’aimes le base-ball tu peux rester regarder avec moi, sinon ton papa est en train de faire la cuisine, si tu veux être près de lui.
Junior acquiesça et se retira aussi furtivement qu’il était venu, tandis que Lincoln s’était replongé dans son match.


LJ, pour sa part, était monté à l’étage pour prendre une douche, afin de se décrasser après cette journée passée le cul dans l’herbe ou les mains dans le cambouis avec papa. Il avait abandonné son blouson de cuir et son jean taché de vert et de brun dans un coin de la salle de bain et délassait son corps blanc sous le jet d’eau vaporeuse. La chaleur qui coulait dans son dos lui faisait du bien tandis qu’il se savonnait doucement. Il se retourna et cligna des yeux sous les gouttelettes en constatant que son tas de vêtements semblait avoir grandi de quelques centimètres derrière le rideau de douche translucide. Son sang ne fit qu’un tour et il tira prestement l’écran trouble de tissu pour constater que Jimmy Jr s’était acheminé jusqu’ici et s’était assis tranquillement sur le carrelage pour tripoter son cuir et détailler de près les coutures qui y formaient des dessins sur le dos et les épaules. Le bruissement sec des anneaux fit sursauter vivement le môme, qui se retourna pour rencontrer sans comprendre l’air parfaitement hagard qu’LJ arborait chaque fois qu’il lui arrivait quelque chose de plus ou moins épouvantable. Le regard du garçonnet retomba sans tarder sur la nudité qu’il avait soudainement devant lui. Il n’était pas du genre tatillon sur le sujet. Il avait déjà vu ses papas à poils, par chance dans des conditions moins traumatisantes que Dino, et lui-même avait été sifflé fermement un dimanche matin par Papa Teddy sur le pas de la porte alors qu’il était allé jouer dans le jardin. « Avec un slip ce serait pas mieux ? » avait-il lancé d’un air blasé en tenant un petit short au bout de son doigt. « Je vous jure, vous les gosses… vous êtes pas croyables » avait-il encore maugréé en refermant la porte d’entrée. En un mot ce n’était pas le genre de détail auquel le bambino avait porté beaucoup d’attention jusqu’ici… mais LJ se dressait brusquement là, diaphane, ruisselant de la tête aux pieds, les yeux braqués sur sa personne, un film oléagineux à moitié rincé dégoulinant de sa poitrine bourgeonnée par le froid pour couler sur ses cuisses… et la bouche de Jimmy s’entrouvrit toute seule tandis qu’il relevait sur LJ des yeux de petit garçon perdu qui trahissaient sa forte impression. Lincoln Junior prit une puissante inspiration.

« T-BAAAG !!! » fut le hurlement furibond qui retentit dans toute la maison. L’intéressé sursauta alors qu’il était en train de faire sauter un poisson dans une poêle. Il coupa aussitôt la plaque et se précipita dans l’escalier, suivi de près par Michael qui s’exclamait :
- NON, T-BAG, TU N’AS PAS LE DROIT D’ENTRER LA-DEDANS !
Lincoln, lui-même alerté par l’injonction de son cadet, se lança à son tour à leur poursuite.
- ON T’A DIT DE REVENIR ICI, PERVERS DE MES DEUX !
Theodore déboula ventre-à-terre dans la salle de bain de Junior, pour le trouver les hanches emberlificotées dans le rideau de douche comme un jeune patricien des temps modernes, selon Michael, et comme un bonbon acidulé à moitié déballé selon lui-même.
- Bon Dieu mais qu’est-ce qui se passe, ici ? demanda-t-il, aux abois.
- T-bag, sors de là, je m’en charge ! ordonna Michael en n’hésitant pas à le saisir manu militari pour tenter de le déloger.
- NE CRAINS RIEN, LJ, PAPA EST LA ! rugit pour finir Burrows en se ruant littéralement dans l’entrée, projetant du même coup Bagwell à plat ventre sur la descente de douche et Scofield avec, ses bras le ceinturant toujours.
Jimmy Jr regarda avec curiosité les adultes s’entasser brusquement sous son nez.
- Nous voilà dans une position bien compromettante, commenta T-bag en fronçant un sourcil dubitatif.
- LJ, qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit anxieusement Michael avant même de songer à libérer le sudiste.
Toujours drapé dans sa toge de plastique, l’air intransigeant et le doigt tendu comme un petit empereur romain, le jouvenceau articula :
- T-bag… prends ton môme… et tire-toi !
Les regards convergèrent alors vers Jimmy Jr qui sourit innocemment à l’assemblée, toujours assis près de son tas de vêtements.
- Aaaaaww, c’est pour ça que tu sonnes un tel tocsin, mon garçon ? Pour un petit bout qui s’est fourré au mauvais endroit ? s’attendrit Theodore.
Sur lui, Michael cilla puis s’empressa de se relever.
- Ecoute, j’ai plus quinze ans, soit, mais là ça me perturbe ! répliqua LJ.
- Pauvre Jimmy-boy, tu excitais sa curiosité, c’est tout… cajola Bagwell en soulevant son gamin dans ses bras pour lui faire un bisou esquimau. Tu devrais être flatté !
- Débarrassez-moi tous le plancher ! les pressa le jeune homme.
Les deux frères se replièrent rapidement, entraînant T-bag derrière eux.
- Allez, on laisse Junior tranquille… Tu viens pétrir la pâte avec Papa ? mignotait-il encore en quittant la salle de bain, non sans se rincer l’œil une dernière fois dans du LJ tout mouillé.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyDim 24 Jan - 19:24

Ils avaient tous bien mangé grâce aux bons soins de l’Alabamien, qui était à présent au chevet de sa marmaille. Les trois galopins étaient bien installés dans le grand lit moelleux que la sollicitude de Michael leur avait alloué ; Caligula était au milieu, la présence de ses grands frères le rassurant dans la situation précaire et anxiogène où ils se trouvaient. Pour conforter leur sentiment de sécurité, Theodore leur racontait un conte de fées classique qu’ils avaient déjà entendu plusieurs fois.
- « Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge, et la mangea », conclut-il en accélérant brusquement sa diction élastique et en pinçant subrepticement les flancs des bambins.
Ces derniers sursautèrent d’une surprise attendue et se trémoussèrent douillettement sous leur édredon, leurs doux visages illuminés par la jubilation d’une histoire qui se termine comme prévu.
- « Moralité », reprit leur père d’un ton docte et en faisant couler toutes les syllabes sur sa langue veloutée, « on voit ici que de jeunes enfants, surtout de jeunes filles, belles, bien faites, et gentilles, font très mal d’écouter toute sorte de gens, et que ce n’est pas chose étrange, s’il en est tant que le Loup mange. Je dis le Loup, car tous les Loups ne sont pas de la même sorte ; il en est d’une humeur accorte, sans bruit, sans fiel et sans courroux, qui privés, complaisants et doux, suivent les jeunes Demoiselles jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ; mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux, de tous les Loups sont les plus dangereux… »
Le pédophile tapota les fronts de ses rejetons avec un sourire espiègle, puis il éteignit la petite lampe de chevet design et se leva. Alors qu’il allait partir, Caligula lui demanda :
- Papa se fera pas manger par le loup avant d’arriver en Italie, hein Papa ?
- Naaan, lui assura-t-il aussitôt. Le loup, lui, ça lui fait pas peur, crois-moi.
- Bon, acquiesça le benjamin, la conscience tranquille.

Pendant le reste de la soirée, T-bag expliqua plus en détails à la famille ce qu’il en était de leur affaire. A voix basse, il leur expliqua tout sur les inséminations illégales, dont ils avaient vaguement entendu parler quand elles avaient porté leurs fruits, sur la génitrice que Theodore devrait aller voir dès le lendemain pour la convaincre de partir en catastrophe avec eux. Ce ne serait pas une mince affaire, vu son caractère, mais il espérait y parvenir en lui promettant qu’elle serait libre de repartir aussitôt le voyage accompli. Il se désola enfin de la perspective de fermer boutique, alors même que son entreprise commençait à prendre de la renommée, qui plus est. LJ compatissait ; pas trop de regrets, en ce qui le concernait, car il commençait à devenir peu ou prou un peu grand pour la tranche d’âge dans laquelle le couturier officiait, mais il savait que ses camarades risquaient d’être davantage déçus.
- Pour ce qui est de ton succès naissant, t’as pas à t’en faire. Y a pas de raison que ta réputation pâtisse d’une migration en Europe, au contraire, tu sais que c’est le continent des arts et du raffinement libertin, ça risque de t’inspirer, le réconforta-t-il avec un sourire mi-complice mi-affligé.
Une crispation spasmodique traversa le visage ennuyé de Bagwell, lui faisant claquer la langue.
- Sans doute, mais il va falloir que je me retrouve des égéries parfaitement adéquates, c’est moins facile que ça en a l’air… Tu es bien placé pour le savoir : ça a mis du temps avant que les autres ne te rejoignent au compte-goutte.
- Ca te laissera le temps de te retourner, remarqua LJ en haussant les épaules.
Michael prit à son tour la parole :
- J’imagine que John a un plan pour assurer vos arrières quand vous arriverez…
- J’imagine, on n’a pas vraiment encore eu le temps d’en discuter. Mais rassure-toi, mon joli : quand on n’est pas coupé de ses contacts, là-bas, pas besoin de se donner en spectacle de manière lucrative, si tu vois ce que je veux dire, répondit T-bag en lui adressant un clin d’œil égrillard.
- Comme si ça t’effarouchait, espèce de malade… marmonna amèrement Lincoln.
- Je vais pas cracher dans la soupe : j’en ai pas mal tiré profit, à vrai dire… songea tout haut Theodore, d’abord en adressant à Gueule-d’Ange un sourire de prédateur assorti d’une caresse de la langue sur la lippe, puis en laissant son regard dériver plus lointainement tandis que ladite langue se tordait inconsciemment.
Le Grand Frère fulmina en silence tandis qu’LJ et Michael posaient d’autres questions sur l’endroit où ils vivraient et l’école où pourraient aller leurs petits anges anglophones, ce à quoi Bagwell était pour le moment bien en peine de répondre. Puis, alors que le silence s’était installé mais assez brusquement au milieu de cette ambiance nonchalante, Burrows se leva et déclara :
- Bon, ben j’espère que tu t’en sortiras avec tout ce bazar, en tout cas. Je vais me coucher, moi, on attaque la semaine demain… Tu viens, Mike ?
- Heu, oui… répondit l’intéressé, un peu confus. C’est vrai qu’il se fait tard. LJ, tu voudras bien lui prêter ton sac de couchage ?
- Sans problème !
- Bon… bonne nuit, alors.
- Bonne nuit, Oncle Mike !
- Fais de beaux rêves, Beauté.
- Oui, c’est ça, c’est ça, bonne nuit.
Les deux frères regagnèrent leur chambre et un sourire badin se glissa sur les lèvres d’LJ.
- Je crois que Papa a assez mal vécu certains moments de votre cavale…
- Lui, il crache dans la soupe, assura T-bag en tendant un doigt veule vers LJ pour appuyer ses dires. C’est un peu grâce à moi si je les ai retrouvés un soir à se vautrer dans le tabou de l’inceste à même l’herbe tendre.
Le jeune homme rit et se leva du canapé :
- Allez, viens, je vais te filer ton sac de couchage, comme au bon vieux temps !

Ils montèrent tous deux à l’étage et Junior se rendit dans sa chambre pour aller fouiller en haut de son placard.
- C’est un sacré grand lit, que tu as… fit remarquer Theodore.
- C’est pour mieux y dormir, mon enfant, répliqua LJ sans se détourner de sa tâche.
Il avait lui aussi entendu des bribes de la petite histoire du soir.
- Besoin d’un coup de main avec ça, mon biquet ? proposa-t-il en lorgnant la cambrure pâle qui dépassait légèrement du tee-shirt tendu du garçon.
- Ne me la joue pas, on peut pas dire que tu sois vraiment plus grand que moi, maintenant, railla le jeunot en farfouillant toujours vainement, juste avant de se sentir brusquement soulevé du sol.
- Peut-être mais je peux toujours me rendre utile.
Le sociopathe levait vers lui un sourire auto-satisfait, les bras fermement serrés autour de ses cuisses. Passée la surprise, LJ eut enfin tout le loisir de débusquer son sac de couchage au fond de l’étagère du haut. Néanmoins, il se glaça alors qu’il avait à peine saisi ce qu’il cherchait.
- T-bag, mais qu’est-ce que tu fous ?
L’Alabamien était en train de lécher amoureusement le creux de son dos, juste sur la colonne vertébrale, sans se gêner le moins du monde.
- Lâche-moi, protesta le jouvenceau en remuant.
Bagwell le laissa s’échapper en souriant à pleines dents de sa taquinerie.
- Tiens, prends ça et coucouche-canapé ! lui intima LJ en lui jetant le paquet à la figure.
- Merci tout plein, mon ange… répondit-il en attrapant vivement le sac avec un bruit de ballon qui éclate.
Puis il quitta la chambre après avoir souhaité bonne nuit. LJ le regarda descendre nonchalamment les escaliers en cassant la hanche, assez surpris, si ce n’est un brin vexé, de la docilité avec laquelle il s’était laissé mettre dehors…


De leur côté, Michael et Lincoln ne s’en tenaient guère à la courtoisie, puisque l’aîné avait plaqué son cadet contre le mur de la chambre et, perdu dans son cou, aventurait hardiment de larges paumes sous sa chemise.
- Linc… soupira sourdement Scofield en s’agrippant à ses larges épaules et sa nuque rasée.
Le frangin se contenta de le serrer un peu plus étroitement avec le poids de son corps. L’ingénieur sourit.
- Du calme, Linc, je ne vais pas m’envoler.
- Oh on ne sait jamais, avec toi… Le temps qu’on se retourne, Dieu sait par où tu as pu filer.
- Où que je file, ça ne peut être qu’avec toi, tu le sais bien… lui rappela Gueule-d’Ange à travers ses cils.
Lincoln l’étreignit, reconnaissant et possessif à la fois, plus que jamais conscient de sa chance unique d’avoir un frère pareil.
- Si c’est la présence de T-bag qui te rend aussi affamé, je ne peux que me féliciter de son séjour parmi nous, plaisanta Michael alors que son compère dégrafait avidement sa chemise.
- C’est pour ça que tu l’as fait rester, hein Myke ? Tu savais qu’il allait te tourner autour comme une saleté de chacal et qu’il allait me mettre les nerfs en pelote…
- Si peu… ironisa l’intéressé en se laissant voluptueusement dévêtir.
- Vicieux, va, grommela Burrows avec connivence.
- Si je n’avais pas un petit penchant pour ce côté « je te jette sur mon épaule et je te ramène à ma caverne », on serait en train de boire un verre entre frangins en parlant de nos prêts épargne logement, à l’heure qu’il est, admit Michael en lui retirant son tee-shirt.
- Je t’avertis tout de suite : c’est pas une raison valable pour laisser le pédophile te tripoter, l’avertit Lincoln en lui tendant sous le nez un doigt sévère de grand frère.
- Ce n’est pas comme s’il ne l’avait jamais fait… glissa le cadet en s’attachant à déboucler la ceinture du Déluge, n’obtenant en réponse qu’un grognement irrité.
Il ajouta :
- Tu te souviens de la fois où… ?
Mais il n’eut pas le loisir d’en dire plus, Lincoln ayant à nouveau plaqué son torse nu contre ses tatouages et ses lèvres sur les siennes.


Arrivé dans son salon, T-bag commença par consulter son téléphone cellulaire, qu’il avait pour une fois rangé soigneusement dans un endroit à portée. Ses connaissances plus que limitées en technologie électronique lui apprirent que personne n’avait essayé de le contacter, et il déroula platement son sac de couchage sur le canapé après en avoir balancé les coussins sur le sol. Il s’allongea pour réfléchir un peu aux évènements de la journée. Il savait qu’il ne s’endormirait pas avant de recevoir le coup de fil que le mafioso était censé lui passer pour lui confirmer qu’il était dans un avion. Il n’avait pas le sommeil particulièrement facile, aussi lui fallait-il au moins avoir la conscience tranquille – ce qui d’ordinaire n’était pas un problème malgré sa condition de tueur pédophile aryen, nécrophile-et-bisexuel-de-surcroit. Au bout de quelques minutes de songeries, cependant, il commença à percevoir un bruit sourd discret mais répétitif ; il crut d’abord qu’il s’agissait du vibreur de ce maudit appareil, puis il réalisa que cela venait de la pièce derrière lui. Il fronça les sourcils et se redressa pour coller son oreille contre le mur. Son sang ne fit qu’un tour et il écarquilla les yeux d’incrédulité en percevant assez nettement un « oh, Michael… » abandonné.
- C’est pas vrai… lâcha-t-il tout haut, pour lui même par la force des choses.
Il se laissa retomber contre le mur, dépité et un peu outragé. Il soupçonnait cette enclume de Burrows d’en rajouter exprès pour l’emmerder… A vrai dire, en d’autres circonstances, cela l’aurait davantage émoustillé qu’autre chose, mais pour l’heure il n’était tout simplement pas en conditions ; il faisait face à un drame existentiel, lui, nom de Dieu ! Tout à sa consternation, il sursauta lorsque le vibreur grésilla pour de bon sur son ventre. Il s’empressa de décrocher.
- John ?
- Teddy.
- Alors ? Ca s’est passé sans encombre ? s’enquit-il nerveusement.
- Comme une lettre à la poste, mon vieux. Je suis dans un petit jet privé bien cosy… fauteuil en cuir, minibar, hôtesse privée… une merveille, lui assura Abruzzi avec un sourire béat dans la voix.
- Enfoiré de veinard, lâcha T-bag.
- Et de ton côté, alors, les frangins ont marché ?
- Ils sont surtout en train de baiser à perdre haleine à moins d’un mètre, comme je te parle.
- … Vraiment ?
- Ouais, je suis sûr que si je collais cet engin de malheur contre le mur tu pourrais les entendre…
- Ca va aller, déclina le mafieux. Où sont les petits ? Ils ne sont pas exposés à toutes ces cochonneries, au moins ?
- Si on peut seulement qualifier leurs privautés de cochonneries… T’as vu comme moi à quoi ça ressemblait : un vrai documentaire animalier sur les mamans gorilles et leurs petits.
- Theodore…
- D’accord, la Beauté est plus jolie à regarder qu’un bébé singe… surtout quand elle prend son pied, ajouta-t-il la gorge serrée de dépit. Pour ce qui est des mômes, Dieu les préserve des échos compromettants, ces messieurs ont une très belle chambre rien que pour eux à l’autre bout du couloir, très classe et tout…
- Bien.
- …
- … Pauvre Teddy.
- Tout ça c’est ta faute !
- MA faute ? Pourquoi ça ?
- Je me suis retenu tout le temps où j’ai été à New-York, et Dieu sait que j’étais soumis à une grande promiscuité avec des ados de genre masculin qui bandent toutes les cinq minutes…
- Te fais pas d’illusion, c’est surtout eux qui t’auraient retenu, cow-boy…
- … et pendant ce temps toi tu nous rejouais OK Corral avec ta bande de guignols siciliens ! Et après quand je suis rentré il a fallu que tu fasses ta mijaurée et à cause de toi ça va faire cinq jours que ma queue est sans feu ni lieu ! vitupéra Bagwell.
- Et ce que j’avais sur les doigts, ce matin, c’était du petit-lait ? railla Abruzzi.
- C’est pas pareil… grognonna le maniaque sexuel, boudeur à présent qu’il avait comme laissé libre cours à la tension qui s’était insidieusement accumulée en lui depuis le départ du truand.
De son côté, John soupira, les lèvres serrées. Il jeta un coup d’œil hésitant à l’hôtesse qui se tenait toujours non-loin de là, en train de lui préparer un rafraîchissement. Elle lui sourit aimablement. Le gangster remua légèrement dans son costume, mal à l’aise.
- Bon, attends, grogna-t-il en se levant pour se replier dans les toilettes de l’appareil.
Ca restait des commodités d’avion, mais c’était tout de même beaucoup moins sordide que les goguenots de charters habituels. Au moins avait-il la place de se retourner. Il claqua la porte.
- Maintenant tu vas arrêter de me les briser, Teddy. On sait tous quelle plaie tu peux être quand tu es frustré, alors cesse de geindre et débarrasse-toi de… ce que tu as sur le cul, pour ce que j’en ai à foutre, avant d’aller violer le gamin Burrows dans son sommeil, ordonna-t-il sèchement.
T-bag se contenta de râler, sur un ton capricieux qu’il découvrit se rapprocher presque de celui de ce petit gros-plein-de-soupe impayable dans le cartoon de prédilection des gamins, qu’il regardait parfois avec eux en grignotant et en ricanant de bon cœur, les rares fois où il ne travaillait pas après l’heure de sortie des écoles.
- Mais JooOOHN… Je suis sur le canapé du Déluge et de la Gueule-d’Ange, je ne vais quand même pas…
- Ferme-la et baisse ton pantalon, T-bag.
- Mais si jamais…
- CUL NU TOUT DE SUITE, BORDEL DE DIEU ! aboya brutalement Abruzzi dans le récepteur.
Le sociopathe s’attela à la tâche sans demander son reste, un frisson d’excitation lui remontant le long de l’échine.

Le mafioso finit par émerger des lieux d’aisance, pas si à l’aise que ça. Il avait un sourire suffisant et niais répandu sur le visage, mais aussi une présence encombrante dans le futal. Il n’allait quand même pas mendier la pareille juste après avoir lubriquement savouré le fait d’avoir réduit Theodore à l’état de loque humaine moite et essoufflée ! Ce dernier devait rester persuadé qu’il savait se contrôler au besoin, lui…
- S’il vous plait ! appela-t-il poliment.
L’hôtesse toute menue s’approcha avec un sourire prude dont sa petite toque de traviole faisait mentir la droiture. Elle était très jeune et très proprette dans son uniforme strict, avec ses courts cheveux crantés et son grain de beauté au coin d’un sourcil mutin. Il se contenterait de batifoler, il l’aurait probablement brisée en mille morceaux avec les habitudes que son Alabamien ruant et jurant lui avaient données, et qui n’avaient fait que le conforter dans son idée que la plupart des femmes étaient des poupées à manier avec la plus extrême circonspection.
- Miss euh… Audrey, dit-il après avoir jeté un œil à son badge, j’aurais besoin d’un petit coup de main, si ça ne vous ennuie pas.
Les yeux bleus de la jeune fille se teintèrent d’espièglerie. Dieu bénisse la Cosa Nostra !
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyLun 1 Fév - 20:26

Du fil à retordre pour nos tordus

Partie 1


Le lendemain, tout le monde se retrouva autour de la table du petit-déjeuner. Les garçons mangeaient de bon cœur après avoir appris leur père ne s’était pas fait choper par le loup, ni par un quelconque chien de douane. Les deux frangins, soulagés eux aussi pour leur ancien compagnon de route, se laissaient aller à quelques discrets mamours matinaux, sous l’œil rancunier de T-bag qui beurrait ses tartines avec un peu plus de fermeté que de coutume. Il ne fit néanmoins pas de commentaire, étant donné qu’il avait un service à demander.
- Je dois rendre la voiture au concessionnaire, amener les mômes à l’école et aller voir la connaissance dont je vous ai parlé, expliqua-t-il. Est-ce que quelqu’un peu m’accompagner et me reconduire ?
- LJ doit aller en cours, précisa d’emblée Lincoln. Et même si Michael bosse à la maison, on voudrait pas le mettre en retard, n’est-ce pas ? Moi je dois aller faire des courses, de toute façon, alors je t’embarquerai. Tu pourras m’aider à les trimballer, comme ça…
- Merci bien, répondit-il sur un ton où la sincérité et le sarcasme étaient impossibles à distinguer.


Burrows les suivit donc chez Tony Calieri, avec lequel Theodore resta aussi discret que possible, en dépit de la sollicitude envahissante de l’Italien à l’égard de leurs affaires. Ils déposèrent ensuite les gamins devant la primaire et la maternelle et Lincoln ne put retenir un commentaire nostalgique sur le première fois où il avait emmené Junior à l’école.
- Dire qu’il s’est passé des mois avant que j’apprenne que tu avais un fiston, et par hasard encore ! se remémora Bagwell.
- Ouais, ben qu’est-ce que t’aurais voulu que je fasse ? Que je te glisse entre la poire et le fromage pendant qu’on creusait « au fait, T-bag, là qu’on va bientôt sortir, je t’annonce que je suis l’heureux père d’un magnifique garçon de quinze ans, des fois que ça t’intéresse » ?
Le pédophile ricana de bonne grâce.
- C’est assez pertinent…
Les deux hommes remontèrent dans la voiture de la famille Burrows-Scofield et le sudiste s’étira sur le siège du passager, inclinant la tête pour faire craquer sa nuque.
- C’est vrai, cela dit. Tu as un fils magnifique, Grand Frère.
- Les tiens deviendront probablement de sacrés petits mecs aussi, biaisa Lincoln pour détourner le sujet. Tu verras, t’auras pas le temps de les voir grandir… enfin, sans doute plus que moi, cela dit…
T-bag tapota mollement une main réconfortante sur la large épaule.
- Sans rancune, le Déluge, tu l’as peut-être pas vu grandir mais pour sûr tu lui auras permis de voir sa majorité. C’est que’que chose, non ?
- J’suppose… concéda Burrows, le regard soudain mélancolique sous ses lourdes arcades sourcilières. Enfin, en définitive j’aurais rien pu faire sans Michael…
- Oui, c’est une perle, cette Beauté… soupira Bagwell en repliant une jambe contre la boîte à gants. Tu es un homme chanceux, Grand Frère… d’autant plus que, Dieu merci, Junior marche davantage dans ses traces que dans les tiennes, pour ce qui est des études comme du charme.
- Hé, va te faire foutre, T-bag, t’as pas non-plus de quoi pavoiser question diplômes… et puis, j’ai du charme, affirma Lincoln que la chamaillerie avait détendu.
Le sociopathe se contenta de glousser l’un de ces hoquets perfides qui ne passaient pas la barrière de son larynx, la tête tournée vers la vitre.
- … Michael, en tout cas, il me trouve beaucoup de charme… ajouta Burrows par provocation.
- T’en as certainement pas autant que ton fils à l’intérieur d’un cerceau…
- … Enfoiré de malade.


Burrows déposa ensuite Theodore devant la belle maison de leur couveuse.
- J’en ai pour trois quart d’heure-une heure… Ca ira ?
- Espérons… se contenta-t-il de répondre avant de refermer la portière.
Lincoln repartit tandis qu’il prenait le petit chemin de gravillon.
- … Salut, minette ! lança-t-il avec un sourire aussi faux qu’enjoué lorsque la maîtresse des lieux lui ouvrit la porte.
- Ah, c’est toi, constata-t-elle. Qu’est-ce que tu veux ?
- Tu me fais entrer ? la pria-t-il en enlevant son chapeau.
- Qu’eest-ce qui se passe, encore ? râla-t-elle pour la forme en se retirant pour lui laisser passer le seuil.
Pour tenter de l’amadouer, T-bag la considéra un peu par en-dessous et conserva un ton inhabituellement sérieux pour dire :
- Il nous est arrivé une crasse… Et j’ai vraiment, vraiment besoin de ta coopération, même si ça ne va pas te plaire.
- John va bien ? demanda Italienne, étonnée de ne pas le voir à ses côtés et soudain inquiète.
- Eh bien… pour tout dire, il a connu des jours meilleurs. En fait, il s’est fait tirer dessus… commença à dessein le sociopathe.
- Non ! se catastropha la plantureuse brune.
Aussitôt, elle le prit par le bras et l’entraîna au salon.
- Que s’est-il passé ? Ernesto ! appela-t-elle soudain d’une voix impérieuse en claquant des doigts.
Un homme à l’agréable plastique accourut, vêtu d’un tablier blanc – beaucoup moins original que celui du Déluge – et de gants en caoutchouc bleu encore mousseux, assortis aux patins qu’il avait aux pieds.
- De l’eau au miel pour cette pauvre créature !
Le latino hocha la tête et tourna aussitôt les talons, révélant également un short bleu sous le nœud blanc de son tablier. Bagwell leva un sourcil.
- Tu dois pas t’ennuyer, ma…
Il se reprit en se rappelant qu’il devait adopter l’attitude du chiot repentant s’il voulait avoir la moindre chance de la faire fléchir.
- … ma chère.
- Alors, John ? le pressa son hôte.

Alors, pour la seconde fois, Theodore raconta tout, en accentuant le côté tragique et en tenant volontairement son interlocutrice en haleine lors de l’intrusion de l’agent fédéral. Pour ne pas l’effrayer – non par crainte qu’elle soit impressionnable mais plutôt qu’elle ne veuille pas se mouiller dans l’affaire – il enjoliva en revanche d’autres éléments, comme le sort d’Eve Gisolfi, pour lequel il lui fit le bon vieux coup de la séquestration temporaire dans un van. Ca, il en aurait retenu quelques unes, de son commerce avec John… Quand il fut parvenu à la conclusion de son récit, la maîtresse de maison commença par se récrier en ouvrant de grands yeux absinthe :
- Je ne ferai rien de la sorte !
- On n’a pas le choix…
- Jusqu’à preuve du contraire, ça dépend encore de moi !
T-bag la fixa à nouveau par-dessous, mais cette fois en dardant discrètement une langue sournoise, sans rien répondre. C’était là une manière de lui faire comprendre tacitement que, non, s’ils en étaient réduits à employer les grands moyens, ça ne dépendrait plus d’elle, mais qu’il répugnait à le mentionner et plus encore à l’envisager sérieusement. Ce serait tellement sordide… Il ne sut pas exactement si l’Italienne l’avait pressenti, car il comptait sur elle pour sauver les apparences à la perfection afin de s’arroger une position de force.
- Mais vous ne vous rendez pas compte ! Je ne peux pas m’exiler comme ça, en quelques jours ! Mes proches, mon travail, ma maison… ! énuméra-t-elle avec force tourniquets de ses amples manches de soie plissée.
- Mais enfin, mon cœur, tu ne travailles même pas : tu es rentière !
- Oui, eh bien, c’est beaucoup à gérer, grognonna l’intéressée avec une moue récalcitrante.
- Mais tu peux le faire de n’importe où. En plus, là-bas, John a pas mal de relations qui s’y connaissent en matière de finances, peut-être même que ça pourrait te donner un coup de pouce ! … Et quant à tes « proches », tu pourras refaire toutes les mondanités que tu voudras sur place…
- Ha ! Tu parles comme si tous mes amis étaient parfaitement interchangeables.
- Ecoute, soyons honnêtes entre nous, tout ce qui t’intéresse c’est de briller dans ta petite société d’aristos européens, on sait tous les deux que tu as un cœur de pierre. C’est d’ailleurs pour ça qu’on t’a choisie… outre le fait que tu aies un bagage génétique splendide, tenta Theodore avec un sourire charmeur.
- C’est absolument faux. J’ai des sentiments, moi aussi, rétorqua péremptoirement la maîtresse de maison en s’emparant d’une tasse d’eau au miel.
L’Alabamien se renfonça dans son fauteuil, les jambes écartées, goguenard.
- Allons ! Quelle greluche normalement constituée aurait pu voir les yeux de Dino sans faire sa garce pour le garder en pleurnichant qu’après tout il était sorti de sa ch… hm, de ses « entrailles » ?
- Il avait des yeux adorables, soit, concéda-t-elle avec un petit mouvement de la main qui n’était pas sans rappeler les manières de T-bag lui-même. Mais pour ce qui est du reste, tu sais, ça ne restait qu’un nourrisson boursouflé… un nourrisson boursouflé qui a mis ma divine poitrine au supplice, d’ailleurs.
Les babines de Bagwell découvrirent ses dents pour un sourire amusé et grivois. Après quelques instants, il se pencha à nouveau en avant, les coudes déployés sur les genoux, un doigt vaguement tendu vers son interlocutrice, et reprit son sérieux.
- Voilà ce qu’on a décidé : étant donné l’urgence extrême de la situation, on te réexpédiera quelques semaines plus tard en espérant que personne ne pose de question. Si un quelconque fouille-merde commence à s’intéresser à ton cas, en revanche, il faudra que tu reviennes, pour la sécurité des gosses et surtout la tienne. Qu’est-ce que t’en dis ?
La femme aux longues boucles brunes avait l’air froissée… froissée comme une chatte vaniteuse qu’on caresse dans le sens inverse du poil. Elle se leva pour faire quelques pas dans son séjour en tripotant à deux mains son élégant pendentif de style grec avec un air songeur.
- … Je pourrai rentrer après quelques semaines… vraiment ?
- Je t’en donne ma parole, pour ce que ça vaut, mais tu as aussi celle de Johnny-boy, si ça peut avoir plus de poids, répondit-il avant de boire cul-sec sa propre tasse et de froncer les narines sous l’effet des effluves un peu trop douceâtres.
- Combien de semaines ? demanda-t-elle en fixant sur lui des prunelles glaciales – elle n’était pas née de la dernière pluie…
T-bag fit la grimace et roula de ses deux épaules indépendamment, tâchant d’accoucher d’une estimation honnête tout en persuadant son hôte qu’elle ne représentait pratiquement rien.
- Pas plus de quatre.
- Et si par malheur je devais revenir ultérieurement, j’aurais une villa ?
- Certainement.
La maîtresse des lieux se remit à arpenter son salon, sa longue robe traînant légèrement à ses pieds. Theodore la suivait des yeux depuis sa place, les sourcils levés dans l’attente de son verdict, la langue se tortillant nerveusement entre les dents. Au bout d’une minute, il crut bon d’ajouter.
- Mon cœur, tout ce que tu auras à faire, c’est mettre tes affaires en suspens. Et puis ton monde, là, il pourra aller se rhabiller. Je parie que tu seras la seule à avoir jamais vraiment baigné dans le berceau de la Renaissance.
La génitrice sillonna encore un moment son mobilier puis finit par lui accorder à nouveau son attention.
- Bien, j’imagine que je peux bien m’offrir des vacances au pays… déclara-t-elle avec une soudaine désinvolture, très probablement affectée au vu de toutes les manières qu’elle avait faites précédemment.
Le pédophile relâcha la tension de son échine, soulagé.
- Fêtons cela ! décréta l’Italienne, soudain enthousiasmée. Ernesto ! Apporte-nous du vin, avec du pain et du fromage !
Elle se laissa retomber sur son sofa, savourant tout simplement son confort avec un sourire content. Brusquement, la tendance s’inversa, et se fut au tour de T-bag de se crisper légèrement dans son fauteuil.
- Une dernière chose, mon cœur : je sais que les Ritals ont une vision très confuse des bornes de la famille, et quelque part ça tombe bien, mais le temps du voyage les gamins s’adresseront à toi avec le doux préfixe de « tante »… point-barre. C’est clair ?
- Dieu merci oui !


Plus tard, les trois ex-taulards partagèrent le déjeuner, évidemment préparé par Bagwell, qui avait aussi aidé Lincoln à ranger les monceaux de courses dans leur garde-manger. Puis Michael s’en retourna à ses ordinateurs, sur lesquels il était en train de concevoir Dieu sait quoi grâce à de sombres logiciels de construction. Burrows, quant à lui, sortit faire des travaux de jardinage, mais le pédophile refusa de l’accompagner, arguant que ça ne faisait pas parti de leur accord. Lincoln avait raillé qu’il aurait probablement tué toutes les plantes, de toute façon. Par la fenêtre, T-bag le regarda tailler un buisson en forme de cocotte en papier, un canotier protégeant son crâne massif et rasé ; il secoua la tête et se remit à siroter sa tasse de café. Quelques temps après, un ronronnement grave au-dehors annonça le retour de Junior ; Theodore l’accueillit chaleureusement, mais le jeunot annonça qu’il avait des choses à étudier.
- Je pourrais peut-être te donner un coup de main ? proposa le criminel, toujours prompt à aider les enfants des autres à faire leurs devoirs.
- Tu t’y connais en droit ? demanda LJ, ironique.
- Oh ! Je m’y connais certainement plus que beaucoup de personnes. Tu n’imagines pas le nombre de chefs d’accusation pour lesquels je suis tombé, et dans bien des tribunaux…
Le jeune homme fronça les sourcils et esquissa un sourire troublé.
- Et tu veux qu’on s’amuse à les chercher ensemble dans le Code Pénal ?
- Pourquoi pas.
- Aussi divertissant que ça en a l’air… je dois surtout commencer à rassembler des idées pour un devoir sur la controverse morale associée à une loi, récita LJ en commençant à gravir les escaliers qui menaient à sa chambre avec son sac-à-dos.
- Tu pourrais traiter du statut des rapports sexuels avec personnes non-vivantes, ça ferait un bon sujet.
- Tu veux dire, la nécrophilie ? demanda l’étudiant en s’arrêtant un instant sur une marche.
- Oui, mais dit comme ça, ça fait déterreur de cadavres dégoûtant, frissonna pudiquement Bagwell, les bras croisés sur la rampe.
LJ reprit son ascension sans faire de commentaire.
- Hé, petit ! le poursuivit T-bag en montant à son tour des escaliers quatre à quatre. Je peux compter sur toi pour me véhiculer à la Cahute, tout à l’heure ?
« la Cahute » était le nom qu’il avait donné à son lieu de travail. Outre le petit côté terroir du mot que le sudiste affectionnait, une telle dénomination était assez peu justifiée pour ce vaste bâtiment à deux étages pourvu depuis peu d’un petit parc privé, sis dans la banlieue immédiate de la ville.
- Pas de problème, lui assura LJ sur le seuil de sa chambre.
- Merci. … Un petit câlin avant la dure besogne ?
- J’ignorais que tu étais devenu câlin. C’est la paternité qui t’amollit ? le taquina le jeune Burrows.
- Eh bien, tu sais… commença le sociopathe avec son élasticité habituelle, dangereusement appuyé au chambranle. Si… « câlin » implique que je sente ta peau douce contre moi… et que je croque dans ce cou d’albâtre pendant que mes mains se fourreront lentement dans…
LJ s’enfuit en claquant la porte derrière lui et Theodore l’entendit se précipiter à la fenêtre pour crier :
- PAPA ! T-BAG ME DIT DES VILAINES CHOSES ALORS QUE J’ESSAIE DE TRAVAILLER !
Il entendit très lointainement un « fous-le camp, sale pervers ! » intransigeant et reprit l’escalier, sachant qu’il ne tarderait pas à entendre Le Déluge débouler dans la baraque pour le traîner en bas par la peau des fesses, quitte à lui faire cogner la tête sur chaque marche. LJ, quant à lui, se laissa tomber sur son siège de bureau. Oh, génial… Pourquoi ce genre de situations en privé devait-il toujours lui occasionner des érections inopinées, alors qu’il n’avait plus l’excuse d’être un ado impressionnable ?

Une heure et demi plus tard, c’est LJ qui se vengea un peu en sortant sa petite cylindrée orange vif du garage.
- Tu montes, mon joli ? lança-t-il avec un sourire moqueur en faisant vrombir ostensiblement le moteur.
T-bag acheva d’enfiler avec les dents le deuxième gant de cuir qu’il lui avait prêté et s’approcha, jouant le jeu de bonne grâce, quoiqu’avec un soupçon d’ironie.
- Tu sais bien que ça a toujours été mon rêve tout mouillé de midinette, déclara-t-il en grimpant sur le repose-pied pour enfourcher l’engin derrière lui.
Lincoln Jr lui tendit un casque.
- Il le faut vraiment ? Ca va aplatir ma houppe, je vais avoir l’air d’un beau con après… geignit Bagwell.
- Une vraie gonzesse… persiffla LJ en enfilant le sien. Je t’emmène pas sans casque. Si tu veux en arrivant je te brosserai les cheveux, et tu seras beau comme un camion.
L’Alabamien leva brièvement les yeux au ciel puis obéit, se vengeant en glissant lubriquement ses bras autour du garçon.
- Je te conseille de te tenir d’une main à l’arrière, sinon tu vas être tassé vers l’avant quand je vais freiner.
- Ca me dérange pas… lui assura-t-il avant de fermer sa visière, mettant fin à la discussion.
Le jeunot replia la béquille et laissa doucement descendre la moto jusqu’au portail, avant de la lancer rapidement sur la petite route de campagne qui menait à leur maison isolée. Theodore était moins à son aise qu’il n’aurait certainement voulu l’admettre. Il n’était pas monté sur ce genre d’engin depuis sa jeunesse, et encore, les bécanes antédiluviennes des petits va-nu-pieds de son coin paumé ne souffraient guère la comparaison. Pour commencer, ils avaient souvent la manie de s’entasser à deux ou trois sur ces tas de ferraille souffreteux, ce qui faisait qu’on les poussait tout au plus à des pointes de 50 à l’heure. Pensant apprivoiser à nouveau les sensations, cependant, T-bag profita d’un ralentissement alors qu’ils traversaient un lotissement pour s’autoriser à pétrir insidieusement la cuisse d’LJ à travers les importunes épaisseurs de jean et de cuir, lequel répliqua par un écart calculé, un petit écart de rien du tout, parfaitement maîtrisé par l’habitude, mais assez impressionnant pour qui n’avait pas l’habitude de la moto. En un clin d’œil, la main aventureuse du sociopathe s’était repliée autour de lui, cramponnée à sa taille comme la petite vérole au bas-clergé et, en complète panique l’espace d’un instant, il avait vociféré hargneusement à l’intention de son jeune chauffeur :
- TU REFAIS CA ET JE TE TUE !
Mais sa menace avait été parfaitement vaine sous son casque et le bruit du moteur… ce qui, en définitive, était probablement mieux pour sa fierté.
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Du fil à retordre pour nos tordus

Partie 2

Il y avait un moment que Theodore était cloîtré dans son bureau, à faire un premier inventaire grossier de ce qu’il finirait avant de partir et des projets qui devraient être mis en suspens pour une durée indéterminée. Il soupirait amèrement en feuilletant quelques croquis et autres griffonnages de tenues qu’il aurait voulu avoir le temps de confectionner. Quel dommage… Ses motivations n’étaient certes pas aussi basses que l’appât du gain mais le petit marché qu’il développait était bien loin de s’étendre au-delà des frontières du pays, et il se demandait sérieusement s’il se relèverait d’un tel déracinement. De l’autre côté de la porte, il entendait les garçons arriver petit à petit et se mettre à l’aise dans la pièce principale ; ils étaient toujours un peu azimutés après le week-end, des anecdotes plein la besace, et il était courant que même ceux qui n’avaient pas été mandés ce jour-là passent faire un tour, juste histoire de « traîner » comme le disaient ces jeunes citadins fainéants. Il ne pourrait pas se planquer dans son antre indéfiniment… Aussi décida-t-il de les rejoindre. Octavian et Simon étaient avachis sur l’un des canapés unis, en plein palabres, et Morten était en train de jouer avec un drap de couleur qui avait été tendu récemment pour une séance photos.
- Hé les gars, r’gardez : Chris Crocker ! lança-t-il avant de se placer devant le pan de tissu, d’en agripper dramatiquement deux pleines poignées et de décomposer son visage dans une pathétique grimace de désespoir absolu et de sanglots. LAISSEZ BRITNEY SPEARS TRANQUILLE !! C’EST UN ETRE HUMAIN, SERIEUX !!
LJ et Jeremy, non loin de lui, se pissèrent de rire. Bagwell fut au regret d’interrompre la petite fête par un sifflement bref.
- Bonjour tout le monde. Je vois que vous êtes tous là, ça tombe très bien, j’ai à vous causer.
Simon et Octavian reprirent forme pour faire un peu de place aux autres, qui prirent d’assaut leur canapé, l’un s’installant à califourchon sur le bras. Le couturier chopa une chaise à portée et l’enfourcha lestement, appuyant ses avant-bras sur le dossier.
- Oh ! Tu vas nous faire un striptease ? demanda spontanément Jeremy sans prendre la peine de réfléchir à ce qu’il disait.
LJ fronça un sourcil surpris dans sa direction et T-bag le foudroya d’un regard rôdé par la prison qui signifiait « n’oublie pas notre accord ». Le garçon se rembrunit légèrement.
- J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer.
Cette fois, le couturier ne détailla pas la manière dont son confrère criminel s’était fait écharper dans un établissement douteux, ni la visite du FBI à son domicile. Il y fit simplement référence par un grave « accident dans la famille » qui faisait taire d’avance les indignations. Il doubla son explication en évoquant aussi pudiquement des soucis avec la législation fédérale ; après tout, il était aisé de laisser entendre que le jeune âge du benjamin, licite depuis peu seulement, avait éveillé les soupçons… Il l’avait assez prévenu, même si c’était avec la plus lamentable complaisance…
- Et c’est pourquoi je pars m’installer en Europe… à la fin de la semaine.
Theodore considéra ses employés d’un œil circonspect. Il s’était imaginé plusieurs scénarii suivant le dévoilement du pot-aux-roses. Dans le premier, Octavian se levait et le giflait d’importance, très noblement, puis les accusations courroucées fusaient de toutes part. « Comment oses-tu nous laisser en plan comme ça ? Minable ! » S’ensuivait une curée des plus pénibles où il se voyait reprocher de ne jamais les avoir pris au sérieux, certains balançant dans leur rage les tabourets à travers la pièce. Dans le second, leurs grands yeux frappés par le choc s’embuaient de larmes et ils venaient bientôt tous le serrer dans leurs bras en se désolant de sa perte. « Teddy, non, ne pars pas, on a besoin de toi, Teddy ! » Tant et si bien qu’il en ressentait lui-même un pincement d’émotion, même s’il le cachait bien. Dans le troisième, l’un des ados lui répliquait simplement « Parce que tu crois qu’on va te laisser partir ? », puis ils se jetaient littéralement sur lui pour lui arracher ses vêtements, laissant vaciller la chaise désormais orpheline pour le renverser au sol et l’envahir voluptueusement de leurs petites mains, de leurs bouches innocentes et du doux étau de leurs cuisses filiformes. Theodore se serait parfaitement accommodé de la dernière possibilité. Néanmoins, rien de la sorte de ne se produisit. Les garçons restèrent silencieux un moment, comme craignant de comprendre.
- Tu t’en vas ? Mais… pour combien de temps ? demanda Jeremy, qui ne connaissait que trop la réponse.
- Je ne compte pas revenir de sitôt, confirma-t-il en douceur avant de rentrer sa lèvre inférieure à l’intérieur de sa bouche.
- Mais et nous ? souleva Morten.
- J’ai bien peur que notre collaboration s’arrête ici.
- Mais tu peux pas faire ça ! se récria-t-il. Du jour au lendemain, comme ça, ça se fait pas !
- Je sais. Et la soudaineté de la chose doit justement vous prouver que c’est inévitable. Croyez-moi, si j’avais eu envie de me transplanter là-bas, j’aurais pris le temps de bien organiser tout ça. Là, comme vous voyez, je vais être obligé de tout plaquer en catastrophe, tout simplement parce que j’ai pas le choix.
C’était logique, mais ça n’en restait pas moins difficile à accepter.
- Mais comment ça se fait, qu’est-ce qui se passe exactement ? voulut savoir Octavian.
- C’est compliqué et délicat, avoua honnêtement le meurtrier. Je peux pas vous donner les détails. Sachez seulement que j’ai le couteau sous la gorge et que s’il y avait eu la moindre possibilité d’éviter ça, je l’aurais saisie sans hésiter.
- Mais c’est trop facile de t’en tirer comme ça ! rouscailla Jeremy en se levant. On bosse pour toi, nous, tu peux pas nous foutre un beau matin à la porte en nous disant simplement que t’as pas le choix !
- Les faits décident pour moi, objecta T-bag en décroisant les bras pour écarter des mains impuissantes. Il va sans dire que vous aurez tout votre argent de poche de ce mois-ci, ainsi qu’une petite indemnité en compensation.
- C’est pas qu’une question de fric, répondit le garçon aux longs cheveux. Tu sais bien qu’aucun de nous ne vit dessus, de toute façon…
- Moi si, signala Simon. Du moins ça me dispense d’être emmerdé par mes parents en attendant d’avoir cette putain de licence…
Jeremy se sentit un peu con, mais il poursuivit tout de même.
- Bon raison de plus. Mais y a aussi le métier, j’aime ce boulot, moi ! Même si c’est pas mon but ultime dans la vie, j’aurais bien aimé faire ma petite carrière et là… tu nous balances dans la nature.
Bagwell le considéra par en-dessous.
- Toi… toi tu n’as pas à t’en faire pour ta carrière, et tu le sais.
Il le fixa quelques instants de plus, pour s’assurer que l’affaire était entendue, puis il reporta son attention sur les autres.
- LJ, j’ai cru comprendre que ce n’était pas un problème pour toi…
- Tu étais au courant, toi ? lui demanda au passage Octavian, un peu outré.
- C’est moi qui l’ai amené, se contenta de répondre l’aîné sans en dévoiler plus que nécessaire.
Il avait appris de la cavale l’intérêt de ne pas parler trop quand on était dans une situation précaire ; T-bag lui en fut reconnaissant.
- Simon, si tu veux te trouver une nouvelle boîte, tu peux le faire dès maintenant et tu as tout le bagage qui faut pour ça, affirma-t-il fermement.
- Tu disais que j’étais trop infantile pour de la mode adulte, marmonna l’intéressé.
- Parce que je voulais te garder pour moi, jeune serin ! répliqua le couturier. Je vais pas laisser les petites perles que j’ai débusquées et élevées moi-même me filer entre les doigts à la première velléité, qu’est-ce que tu crois ? Sans rancune, c’est la loi de la jungle dans ce milieu…
Interloqué, le jeune homme ne sut pas vraiment comment il aurait dû accueillir cette révélation. Theodore était de toute façon déjà passé aux derniers cas.
- Restent Octavian et Morten… Mes agneaux, je crains qu’en ce qui vous concerne il faille attendre un peu… ou alors mettre le grappin sur une griffe qui fasse aussi les ados mâles mais, je serai honnête, c’est rarement un boulot à long terme.
Le plus jeune avait l’air parfaitement décontenancé, comme s’il peinait à se faire à l’idée.
- Cela dit, reprit Bagwell, il ne faut pas se laisser abattre. Il nous reste une semaine pour finir ce qu’on avait en cours.
Il se leva de sa chaise en balançant inutilement sa jambe par-dessus le dossier.
- Je vous laisse un moment pour digérer. Je suis désolé que ce soit aussi brusque, vraiment. LJ, si tu veux bien me suivre, j’ai des photos de toi à faire, tu te rappelles ?
Le jeunot acquiesça, puis se leva après gratifié Morten d’une tape encourageante dans le dos. T-bag s’attarda un instant, comme pris de remords.
- C’est assez dur à avaler pour moi aussi, vous savez. Vous allez tous me manquer, mine de rien.
Il brisa là, ne souhaitant pas voir le petit emo éclater en sanglots.


Pendant ce temps, Abruzzi était parvenu à bon port et avait été accueilli par Nino Schibetta lui-même, ami de la famille de Tony Soprano et meneur du petit gang mafieux du coin, évidemment sous la coupe de Naples. Il avait amené son fils et son neveu pour l’escorter jusqu’à la petite ville d’Avellino. John avait ainsi fait la connaissance de Peter, un jeune freluquet plutôt pâlot pour la région, aux cheveux gominés et aux grands yeux sombres, et de Mark-Antony, un gaillard un peu plus âgé et visiblement plus épanoui, bien fait, le teint hâlé et le sourire toujours au coin des lèvres, avec une sourde goguenardise qui lui rappelait un peu celle de Theodore. Tous maîtrisaient un anglais plus ou moins parfait, comme le requéraient les affaires dans ce foutu monde de plus en plus mondialisé. Nino s’offrait très obligeamment de l’héberger, lui et sa famille, jusqu’à ce qu’ils trouvent un logement définitif. « Prenez votre temps, la maison est immense et il y a déjà huit personnes qui y vivent. On ne verra pas la différence ! » lui avait-il assuré avec un petit côté m’as-tu-vu tout italien. Lorsqu’ils étaient arrivés, Abruzzi avait pris toute la mesure de ses dires. La demeure des Schibetta était, en effet, plus que spacieuse. Ce n’était ni plus ni moins qu’une villa ! Alors que Peter et Mark-Antony sortaient ses bagages du coffre – respect des aînés oblige – une vieille dame encore bien robuste se précipita à sa rencontre pour le saluer en italien.
- Salve, salve ! Mi chiamo Marta ! se présenta-t-elle, une main sur la poitrine.
- Mia madre, précisa Nino.
Schibetta était plus vieux que lui et Abruzzi était étonné de voir qu’il avait une mère encore aussi en forme. Elle devait l’avoir eu très tôt, comme il était courant à cette époque et en ces lieux. Il laissa la vénérable dame lui faire la bise rituelle puis la salua à son tour très poliment, en inclinant solennellement la tête.
- John. Piacere di conoscerti.
Elle parut ravie et le prit aussitôt par le bras pour l’entraîner à l’intérieur.
- Benvenuto John, benvenuto…
Le mafioso sourit. Une chose était sûre : il se sentait bien accueilli au pays. Il espérait simplement que son italien courant n’avait pas trop perdu faute d’un usage entretenu. Lorsqu’il passa la porte d’entrée, deux autres femmes vinrent le saluer. Schibetta commença par lui présenter sa femme Rosalia, une brune aux paupières un peu lourdes.
- Come sta ? lui demanda-t-elle avec un sourire courtois.
- Bene, grazie.
Une jeune rouquine qui détonnait au milieu de toutes ces têtes brunes – si l’on exceptait le chignon blanc de la matriarche – s’avança enfin.
- Bonjour. Je suis ravie de votre venue, on va pouvoir parler un peu anglais, je suis Irlandaise de souche !
Oui, si tant est qu’on arrive à se comprendre dans la même langue… songea le mafieux en entendant le fort accent, bien différent du parler américain et a fortiori des sonorités traînantes et avalées de son Alabamien.
- Je m’appelle Lucy, se présenta-t-elle.
- Enchanté de vous connaître.
- Lucy est ma nièce par alliance, lui expliqua Nino.
- Oh, vous êtes donc la femme de Mark-Antony, c’est ça ? demanda Abruzzi, fier d’avoir suivi.
Il sentit un instant de gêne passer furtivement avant qu’elle ne réponde :
- Non, j’étais l’épouse de Giordano, le frère cadet de Marc-Antony, Dieu ait son âme.
- Je suis vraiment désolé, dit John, réellement mortifié.
- C’était il y a près de six ans, déjà… Ne vous en faites pas, c’était la déduction logique à faire, sourit-elle un peu tristement.
A peine arrivé il avait déjà fait un couac, et il n’avait même pas encore évoqué Theodore… Par chance, deux enfants leurs déboulèrent dans les pattes à ce moment-là, une fille poursuivie par un plus petit garçon, tous deux aussi roux que celle qui devait indubitablement être leur mère. Il détendirent immédiatement l’atmosphère.
- Ah, vous tombez bien, vous ! Dites bonjour à Oncle Johnny. Il nous vient tout droit d’Amérique ! les apostropha Lucy, toujours en anglais.
Les mioches cessèrent docilement leur jeu pour un instant, levant le nez vers ce grand étranger venu d’un pays lointain.
- Voilà mes deux bouts de chou : Abigail et Gamaliel.
Abruzzi adressa un petit signe attendri aux enfants, qui répondirent timidement, le garçon se retranchant dans les jambes de sa mère.
- C’est très joli, complimenta-t-il poliment. Ca sonne très… gaélique.
- En fait, c’est plutôt juif… chuchota-t-elle faussement, comme s’il s’agissait d’une sorte d’effronterie au sein d’une famille italienne bien catholique.
- C’est super que vous ayez des gosses ! J’en ai trois qui vont bientôt débarquer, si Dieu le veut bien, ça leur fera des copains.
- Vous allez nous raconter tout ça, l’approuva-t-elle tandis que Marta reprenait son bras.


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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyLun 1 Fév - 20:33

- Joli, LJ… très joli…
T-bag savait d’avance qu’il allait se retrouver en plein dilemme. Le concept de cette photo était plutôt celui d’un campus étudiant estival, aussi le jeune Burrows se trouvait-il allongé dans l’herbe, sur le ventre, les yeux normalement rivé sur bouquin – on ne pouvait pas en voir le titre, mais il avait pris soin d’empiler à-côté quelques autres livres aux tranches subtilement visibles et où l’on pouvait distinguer du Nabokov, du Sade et du Twain pêle-mêle. LJ avait pourtant de si jolies mirettes dans cette lumière naturelle que Theodore l’avait arrêté alors qu’il jetait un œil dans sa direction et avait pris quelques clichés, qui promettaient de le mettre au supplice une fois qu’il aurait à sélectionner la prise définitive. Certes, il était un peu facile de miser sur les yeux, mais T-bag avait toujours été une inconditionnelle victime des regards bleus. Peut-être étaient-ce ses propres iris brun pisseux qui lui avaient donné une fascination pour ces couleurs vives et claires, ou le fait que les larmes y miroitaient si bien… Les yeux d’LJ n’étaient pas vraiment bleus comme ceux de Maytag, cela dit, mais bien plutôt aigue-marine comme ceux de John, même si cette même couleur recelaient chez eux des tonalités bien différentes. Celle d’LJ avait la pétulance de la jeunesse, qu’il savait teinter d’une innocence tout à fait crédible en dépit de toutes les turpitudes par lesquelles il était passé. Celle de John était glaciale de toutes ces années de crime organisé, ou badine quand il était d’humeur joueuse. Le contraste entre le flegme sourdement menaçant du truand et cette étincelle gamine chaque fois qu’il s’amusait de quelque chose – le plus souvent de Theodore lui-même – avait quelque chose de surprenant.
- A quoi tu penses ? lui demanda soudain LJ avec un sourire de jeune con.
- Mais à toi bien sûr, répliqua mielleusement Bagwell.
- Menteur… le nargua-t-il. Tu as ton petit air mélancolique de quand Abruzzi est hors de portée, je le reconnais bien…
- Tais-toi donc, petit, le rabroua le pédophile sans réelle méchanceté. Tiens, au lieu de pérorer, couvre-toi un peu, on ne voudrait pas être indécents.
Il se leva et tira lui-même doucement sur la chemise très studieuse mais trempée qu’LJ avait sur le dos, afin d’en recouvrir complètement son shorty blanc aux fines coutures noires qui soulignaient innocemment les courbes du garçon. Et qu’on n’aille pas lui dire que les étudiants avaient l’habitude de porter des pantalons ! Il avait vu des loupiots lézarder torse-poils et en shorts lors de ses petites balades estivales sur le campus de la fac, et c’était tout juste si leurs petites copines ne se retrouvaient pas en soutif. La jeunesse urbaine n’avait plus aucune pudeur et après, lorsque l’ombre s’allongeait, elle se plaignait quand on la violait sur un quelconque mémorial universitaire dédié à Abraham Lincoln ! Il reprit son gros appareil-photo-ne-jouez-pas-avec-ça-coûte-les-yeux-de-la-tête.
- Croise-moi ces bras par terre, ne cache pas tes jolies joues… N’oublie pas ce que dit le Dr Lecter : c’est ce qu’il y a de meilleur à croquer ! lui rappela le sociopathe avec le ton enjoué qu’on utilise pour convaincre un enfant de boire son huile de foie de morue.
- Tu me fous la chair de poule quand on prend des photos, parfois…
Un rire sourd et obscène s’échappa de la gorge de T-bag.
- Mais tu aimes avoir la chair de poule, pas vrai LJ… ?
Le jeunot n’avait pas grand chose à répondre à cela. Il nota que le meurtrier n’avait toujours pas repris de cliché et que son regard vagabondait à présent sur son corps frêle avec ce qu’on ne pouvait définitivement pas qualifier de professionnalisme. Bagwell couva bientôt avec adoration la petite croupe rebondie de Junior, qui était probablement plus indécente dans ce shorty et sous cette chemise stricte collée à sa peau qu’elle ne l’aurait été toute nue. LJ réprima le frisson ambigu que cette concupiscence à peine retenue titillait inéluctablement chez lui et brisa le silence par une remarque taquine :
- Tu sais, t’as de la chance que je sois pas une fille, sinon les féministes de la NOW t’accuseraient d’exhibition-dissimulation complaisante.
- Justement, je ne fais que rééquilibrer les comptes, expliqua le couturier d’un ton docte. Et je te signale que je paye de ma personne : tu crois que j’avais pas tous les jeunes gars de Fox River après moi pendant l’émeute, quand j’avais le tee-shirt trempé par le verre d’eau d’un garde-chiourme et que ça ne ressemblait à plus rien de décent ?
- Honnêtement, j’ai du mal à le croire…
- Ben t’as raison. Mais c’est pas gentil, tu aurais pu me donner le bénéfice du doute.
- Oh mais à-côté de ça je sais que tu peux déchaîner les foules sans même le mouiller, ton tee-shirt ! précisa le jeune Burrows pour le consoler.
- Oui, tout dépend du public, je suppose… Enfin toujours est-il que, moi, je prône l’élévation de tous au rang d’objets sexuels : femmes et hommes.
- … et enfants…
T-bag haussa les épaules.
- Ma foi, tu sais que je suis pas sectaire…
- Les noirs aussi, alors ? demanda LJ pour le contrarier.
- Les noirs, c’est pas pareil. S’il y a au moins une chose que je ne suis pas, c’est zoophile.
- Oh ! émit le jeune homme, outré et blasé tout à la fois.
- Allons, reprenons le travail, veux-tu ?
« Et quel travail… » songea Theodore avec une honte parfaitement savourée.


Abruzzi, lui, se trouvait dans une posture beaucoup moins plaisante. Il était attablé avec ses hôtes autour d’un café, et Nino venait de lui réclamer en italien :
- Alors, John, parle-nous un peu de ta famille !
- Comme je le disais à Lucy, j’ai donc trois gosses… trois garçons… de la vraie graine de canaille, déjà ! commença par répondre le gangster avec un sourire fiérot.
- De quels âges ? lui demanda la jeune irlandaise en adoptant elle aussi la langue familiale.
- Dino a huit ans, c’est mon aîné… C’est un peu dur pour lui de déménager, parce que ça va lui faire un chagrin d’amour, mais je suis sûr qu’il aimera le pays.
Des exclamations d’attendrissement faussement éploré se firent entendre autour de la table.
- Il est très sociable, il devrait pas avoir de mal à se refaire des amis, à commencer par vos petits, poursuivit-il en donnant un petit coup de tête en direction de Lucy. Jimmy, en revanche, est un peu sauvage, ça va lui faire drôle d’être catapulter loin de tout ce qu’il connaît. Mais c’est un gamin très marrant, il faut juste apprendre à le connaître.
- Je suis sûr que mamie saura l’apprivoiser à coups de tartes aux abricots, lança Mark-Antony, le pied appuyé sur la chaise vide à-côté de lui.
Marta approuva sa gageure, se réjouissant d’avance d’avoir de nouveaux bambins à la maison.
- Voilà donc pour Jimmy, qui a sept ans, et le plus jeune, Caligula, en a cinq. Il est pas bien haut mais il a déjà un caractère bien trempé. Dans le sens où il peut être un peu buté, parfois, mais globalement c’est une crème. C’est peut-être le moins timide des trois, en fait.
- Trois bambini… Félicitations, John, tu as du courage, déclara Schibetta Senior en lui levant sa tasse de café.
- Et votre femme, comment est-elle ? lui demanda Rosalia, tout sourire.
« Maigrichonne mais assez musclée à la poitrine, avec un bouc, un vocabulaire ampoulé garni de jurons blasphématoires et une fâcheuse tendance à enculer tout ce qui porte un cartable » fut la réponse qui vint spontanément à l’esprit de John, mais il se garda heureusement de la balancer telle quelle.
- Eh bien, je n’ai comme… pas vraiment de femme.
- Oh ? Tu as divorcé et tu t’es installé avec ta régulière ? Y a pas de problème, John, le monde change, on comprend… s’empressa de lui assurer Nino avec l’intime satisfaction de mettre son invité à l’aise grâce à son libéralisme.
- C’est un peu plus compliqué que ça, commença Abruzzi.
Il excellait dans l’art de masquer la pression qu’il subissait dans une situation de tension extrême, mais l’aveu qu’il s’apprêtait à faire était tellement pesant qu’un instant il fut tenté de ne rien dire du tout, de prétendre que sa tendre épouse était morte et enterrée et que son cousin avait accepté de l’aider avec les mômes. Puis aussitôt il entendit le ton railleur de T-bag lui lancer « Ca alors, moi qui croyait que la nature t’avait pourvu d’un semblant de couilles ! », puis il l’imagina lui claquer la fesse devant tout le monde, comme ça, sans crier gare. Il en était bien capable. L’ex-parrain s’empressa de se ressaisir et déclara tout simplement :
- C’est sans doute un peu délicat pour vous, et si ça remet en cause le fait qu’on puisse rester dans cette maison, sachez que je comprends tout à fait, mais je vis avec un homme, maintenant.
Un long silence perplexe suivit ses dires. John s’efforça de scruter franchement les regards, prouvant par là qu’il n’en demeurait pas moins un mur qu’on n’abattait pas si facilement, en dépit des points faibles qu’on pouvait lui trouver.
- Qu’est-ce que tu veux dire, « tu vis avec un homme » ? T’as tourné pédé ou quoi ? lança Schibetta sur le ton de la rigolade, comme pour dissiper un malentendu dans la bonne humeur.
- Eh bien j’imagine que ça dépend de ta définition de la chose, Nino, répondit simplement Abruzzi en conservant son sang-froid. Si pour toi « être pédé » c’est ne s’intéresser qu’aux hommes, non, je ne le suis pas. Si pour toi « être pédé » c’est avoir une relation avec un autre homme, oui, je le suis.
Un silence plus bref resta suspendu l’espace d’un instant, puis tout fusa très vite.
- OH-HO ! éclata jovialement Mark-Antony avec ce qui ressemblait à de l’admiration bluffée.
- Putain, on nage en plein délire… marmonna Peter.
- Nino, qu’est-ce que John veut dire ? Est-ce que c’est l’usage, maintenant, en Amérique ? demanda Marta, étonnamment pleine de bonne volonté, à ce qu’il semblait.
- John… balbutia simplement Schibetta sur un ton de reproche ennuyé en désignant vaguement sa mère de la main, l’air aux abois.
- Mais enfin qu’est-ce que c’est que ces histoires ? se rebiffa Rosalia.
- Moi ça ne me dérange pas, deux hommes ensemble, John. Ca ne fait de mal à personne, n’est-ce pas ? Mais, cet homme, il élève aussi vos enfants ? Parce que je n’ai rien contre les homosexuels, chacun fait ce qu’il veut chez soi, mais je ne pense pas que ça soit bien, pour deux personnes du même sexe, de faire comme s’ils étaient des parents. Un enfant a le droit d’avoir un papa et une maman, vous ne croyez pas ? Pour avoir un modèle des deux sexes… acheva la jeune veuve.

Et de toutes les premières réactions, celle-là était sans doute le clou.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyJeu 4 Mar - 13:59

Camarades de jeux

Partie 1

A présent retourné à l’intérieur de la « Cahute », Theodore était en train d’ajuster sur Morten un ensemble qu’il devait finir avant de partir. Le garçon était étrangement peu loquace. Assis sur un tabouret, il laissait le couturier lui tourner autour sur son propre siège à roulettes, sans piper mot. Il avait rarement joué le rôle de « mannequin » aussi fidèlement. Un marqueur à textile sur l’oreille, des épingles plein la bouche, T-bag se concentrait sur sa tâche, qui consistait à ramener des bandes de tissu noir dans le dos de Morten pour refermer l’insolite tee-shirt hybride qu’il était en train de confectionner. Jeremy vint fouiner à leurs côtés, bien qu’il sût que l’« artiste » n’aimait pas cela. Simon était parti, Octavian récriminait dehors sur l’épaule d’LJ, et il avait eu envie de voir comment cette nouvelle affaire évoluait. Teddy fit pourtant preuve d’une indulgence inhabituelle, s’écartant légèrement pour lui montrer le travail, gardant deux lanières de toile pincées entre les doigts.
- Qu’est-ce que t’en penses ?
- Original… Oui, ça a d’la classe. Mais t’ajustes vraiment ça au plus près. A lui, ça lui fait un très beau dos, mais t’as pas peur que les petits gothiques torturés qui bouffent toute la journée devant « Twilight » ou en écoutant Marilyn Manson ça les fasse ressembler à des grosses paupiettes ?
Morten se laissa aller à glousser légèrement, accompagné par Bagwell.
- C’est de la responsabilité de chacun de renoncer à des choses susceptibles de porter les tassements adipeux au sommet de leur art, pas la mienne. Je suis créateur de mode, bon Dieu, pas marchand de parachutes !
Les deux adolescents rirent à leur tour. Il accrocha son épingle.
- A part ça, je me tâte toujours pour la fermeture : boucle ou bouton…
- Si tu veux mon avis, toute une rangée de boucles, comme ça, ça fera vachement sado-maso.
- C’est goth, ducon ! s’exclama gentiment Bjorksen.
Le sudiste fit pour sa part observer tout en marquant la bande d’étoffe :
- Peut-être mais au moins ce serait réglable, et tu n’aurais plus à geindre pour défendre la cause des petits dépressifs boulimiques.
- Le truc c’est que des boutons… vas-y pour les accrocher toi-même. Pourquoi pas des agrafes ? suggéra Jeremy.
T-bag parut choqué au plus haut point, les yeux écarquillés.
- Ce n’est pas un damné soutif élaboré, mon garçon !
- Oh, excuse-moi bien… se repentit le jeunot en levant une main apaisante.
- Non, un petit bouton rouge, ce sera parfait. Du reste, c’est tout à fait faisable de boutonner quelque chose dans son dos, du moment que ça ne dépasse pas les omoplates et que la finition est bonne, ce à quoi je mets un point d’honneur.
- Je te fais confiance.
- Grand merci. Allez, ouste maintenant, laisse-nous finir.

Lorsqu’il eut terminé de prendre tous ses repères, Theodore retira les épingles et annonça :
- Fini pour aujourd’hui. Je vais me mettre dessus de manière intensive et ça devrait être prêt demain en fin d’après-midi. Tu peux te rhabiller, petit.
- Okay, répondit simplement Morten.
D’une impulsion, Bagwell s’expédia près d’un grand pupitre dont il ouvrit le couvercle pour jeter un premier coup d’œil aux boîtes de boutons qu’il avait en réserve pour ses prototypes. La voix du jeune garçon s’éleva à nouveau, anxieuse et penaude.
- Ca a quelque chose à voir avec moi, le fait que tu doives t’en aller ?
Le couturier leva les yeux de sa fouille ; Morten s’apprêtait à renfiler son tee-shirt et les prunelles de T-bag parcoururent naturellement la chair juvénile exposée avant que le tissu ne voile à nouveau l’illicite spectacle.
- Non, mon garçon, ce n’est pas à cause de toi, lui assura-t-il.
Laisser planer le doute était une chose, mentir allègrement en était une autre.
- C’est tellement soudain, t’es sûr que c’est pas New-York qui a…
- J’en suis sûr.
L’ex-taulard se projeta à nouveau vers le petit emo et il poursuivit :
- Tu sais, j’aimerais pouvoir te dire que t’engager est la seule chose illégale que j’aie fait dans ma vie mais…
Il hésita, mordillant sa lèvre et échappant une ou deux moues spasmodiques.
- … mes gamins, comme tu t’en doutes, c’est pas une cigogne qui me les a apportés. Et comme on ne peut pas les pondre nous-mêmes, ça pose tout un tas de questions… La plus misérable pécore venue peut avoir des gosses avec la bénédiction de tout le monde, sans même s’emmerder avec le gugus qui va avec mais risque aussi de lui piquer son chômage pour aller le boire au troquet du coin ; il y aurait un tollé à décorner les bœufs si quelqu’un songeait à remettre en cause le droit d’avoir des enfants pour les junkies, les immigrés ou les pauvres qui ne peuvent pas les assumer et obligent la société à le faire à leur place ! Toute cette engeance-là, elle peut y aller, y a pas de problème ! Mais sitôt que la nature ne t’a pas fourni, comme dirait Sade, « le vagin au fond duquel faire éclore un peu de morve », si tu n’en as pas loué un dans les règles de l’art, avec une bague en toc, eh bien tu es baisé, mon petit ! Pour la justice de ce pays, mes propres mômes ne sont pas à moi.
- Oh, Teddy… Bien sûr que ce sont les tiens, et ça ne fait pas de toi un criminel ! s’émut Morten en enveloppant d’un geste protecteur la tête du meurtrier pédophile multirécidiviste, qui se retint de ronronner au contact de la poitrine gracile du préado, dont il sentait les battements de cœur à travers le tee-shirt.
- Enfin, tout cela pour dire que tu n’es pas le seul péché mignon que je garde par devers moi, conclut-il en ornant sa voix d’une subtile nuance d’embarras.
- Bon, ça me console un peu… même si ça va être dur de ne plus avoir ce boulot, déplora Bjorksen en le relâchant.
- Tu t’en sortiras… lança Theodore avec désinvolture. Tu es un petit gars très débrouillard, je te connais…
Morten soupira. Certes, on lui avait souvent dit qu’il était débrouillard, et à la vérité sa capacité de résilience arrangeait beaucoup de monde. Il avait un tempérament émotif mais, contrairement à ceux qui doublaient cela de passivité et de victimisation, il s’en servait pour parvenir à ses fins, quitte à faire des esclandres parfois. Et quand un orphelin se mettait à hoqueter des sanglots incontrôlables dans un bureau administratif de son collège, même une secrétaire scolaire tendait à faire quelques efforts pour se montrer arrangeante. La communauté devait certes s’occuper spécialement de lui, mais elle ne se sentait pas obligée de le porter à bouts de bras comme elle le faisait avec des personnalités plus démunies ; cela lui semblait quelque peu injuste, parfois. On lui faisait sans doute un brin trop confiance pour se tirer des mauvais pas qu’un garçon de treize ans dépourvu de tutelle parentale était susceptible de rencontrer.
- A demain, alors, lança-t-il en attrapant son sac à dos.
- C’est ça, à demain mon garçon, merci beaucoup ! lui répondit T-bag en récupérant le vêtement en cours de conception.


John était toujours à la table familiale sous le feu des questions, dans lesquelles on sentait étrangement un intérêt plus accru qu’au début. Certains membres de l’assemblée comme Rosalia et Peter semblaient tout simplement ne pas se faire à l’idée, comme figés dans l’attente d’un dévoilement de la mascarade. Les autres, à peine moins ébahis, cherchaient activement des explications.
- Mais… c’est qui ce type, John ? voulut savoir Schibetta, repassant à l’anglais, comme pour préserver les chastes oreilles de sa madre.
- Un autre ex-taulard.
- Oh… Vous… vous êtes rencontrés en prison, alors ?
- En effet.
- Vous étiez en manque et vous avez compensé comme vous pouviez… Ca compte pas en prison, pas vrai ? Le truc c’est que, maintenant que vous êtes sortis de la cabane, vous avez l’impression d’avoir créé un lien et de ne plus pouvoir vivre de relation normale avec les autres, quelque chose comme ça ? échafauda le mafioso en mobilisant toutes ses compétences en psychologie.
- A vrai dire, non. Pour ta gouverne, en prison, j’ai parfaitement su me tenir. C’est une fois évadés qu’on a commencé à… tu vois… gérer en commun la frustration à laquelle tu faisais allusion. A Fox River, on passait notre temps à se bouffer le nez… ce qu’on fait toujours à moindre échelle, note bien… expliqua pudiquement Abruzzi.
- Mais enfin ça n’a pas de sens ! Quand vous étiez coincés ensemble, vous vous avoiniez le museau, et quand vous avez pris le maquis, vous n’avez rien trouvé de mieux que de… faire ça ? C’est parfaitement absurde ! protesta Nino.
John soupira intérieurement. Comment faire comprendre à l’archétype du macho italien les subtilités de la tension sexuelle de vieux mâles dominants mal résolue ?
- Quelque part, non… Au ballon j’avais mes visites conjugales et lui il avait ses mignons. En cavale la promiscuité était plus grande, dans les faits.
- Pourquoi tu t’es pas payée une fille à la sauvette ? Vous étiez à ce point planqués en rase campagne ? demanda Mark-Antony.
Abruzzi haussa lentement les épaules, dodelinant la tête.
- Pas de fric à jeter par les fenêtres surtout. Vous n’imagineriez pas ce qu’on a fait pour gagner notre croûte, à la frontière… Enfin bref, j’ai quand même fait ce que j’ai pu.
Dans ce fameux bar, il se souvenait avoir embrassé à corps perdu une petite jeune contre une poignée de billets – qu’elle lui avait donnée pour ça ! Peu après, Gueule-d’Ange lui avait lancé avec le sarcasme pince-sans-rire qu’il lui réservait : « tu essayais d’exhumer ton hétérosexualité, là-dedans, John ? ». Il avait dû énormément prendre sur lui pour ne pas lui abîmer son parfait minois et compromettre par là-même une partie de leur recette. Abruzzi avait toujours su garder son sang-froid quand il s’agissait de gérer des revenus…
- … Je vois… mais maintenant, tu peux avoir toutes les femmes que tu veux, John ! insista Schibetta, comme s’il avait eu affaire à quelqu’un d’un peu lent.
Le mafieux faillit lui répondre qu’il ne l’avait pas attendu pour s’amuser avec la petite hôtesse pendant le vol, mais il songea que cela ne risquait que de discréditer Theodore avant même qu’il n’arrive. Il avait là affaire à un homme qui entretenait probablement une demi-douzaine de maîtresses et révérait la mère de son enfant comme la madone, mais il savait que l’aveu d’un seul batifolage avec une personne de la gent féminine serait à ses yeux une preuve de l’artificialité et de la faiblesse de cette relation invertie. Il se contenta de sourire calmement.
- Maintenant je ne peux plus me passer de cet enfant de salaud.

Le silence se fit un moment et, sur les instances de Marta, Mark-Antony se mit à lui traduire l’essentiel de la conversation à mi-voix.
- … Pourquoi ? demanda finalement Nino, abasourdi. C’est pas parce que tu t’es fait un compagnon irremplaçable que tu es obligé de te mettre en ménage avec ! Réfléchis, John, ça ne tient pas debout : quelqu’un qui a préféré le café toute sa vie ne va pas passer au thé du jour au lendemain en atteignant la cinquantaine !
Abruzzi lui sut gré de ne pas lui avoir servi les huitres et les escargots de Spartacus mais, quelque part, la métaphore du thé n’était, à son insu, que trop appropriée…
- Il faut croire que je suis de ces vieux singes à qui on peut apprendre à faire la grimace…
Il retrouvait dans la sincère incompréhension de Schibetta ses propres certitudes du début. Et encore, il était persuadé que les choses auraient pu être relativement plus simples s’il lui avait ramené un type comme le Bleu, tout en élégance, en visage de poupée et en courbes parfaites. Il n’aurait eu qu’à sortir de la voiture en costume, ôter une paire de ray-ban pour révéler son regard d’acier à couper le souffle, et déclarer avec un sourire tout en amabilité et en retenue mélangées : « Michael Scofield, ingénieur en génie civil. Enchanté de vous connaître ». La petite Abigail aurait couru à sa rencontre pour être soulevée dans un éclat de rire cristallin et Nino se serait tourné vers son confrère mafieux pour lui déclarer solennellement « je comprends, John », tandis que Rosalia se serait évanouie sur le pas de la porte. Aucune chance que la familia ne soit attendrie par la grâce et la délicatesse d’un T-bag, en revanche… Il l’imaginait débarquer dans un jean élimé et une chemise à carreaux délavée ouverte, ôter un Stetson et l’agiter en lançant : « salutations d’Amérique, ritals de mon cœur ! ». Une grosse santiag s’écraserait alors sur la petite fontaine à chérubins style Renaissance du jardin et il ferait tournoyer un lasso avec un puissant « YEEEHA ! » d’exaltation, lasso qui irait bien vite se refermer autour des collants blancs de la petite Abigail, lui faisant pousser un bref couinement de surprise comme elle serait fauchée et tirée par à-coups jusqu’à un Theodore appréciateur.
- Et qu’est-ce qu’il avait fait pour atterrir en taule, celui-là ? demanda Nino sur un ton où perçait une certaine résignation.
Abruzzi chassa prestement de ses pensées le Bagwell aux grolles boueuses et au Colt 45 planté à l’arrière d’un pantalon puant le bétail.
- Meurtre au premier degré, comme nous tous, vecchio, ne mentit-il qu’à moitié.
S’il y avait bien une situation où l’omission était nécessaire, c’était celle-là. « Jamais de la vie », comme disaient les mômes, il ne pourrait préciser que ce qui lui avait valu le premier degré n’était pas la préméditation, comme eux, mais les sévices sexuels sur mineurs…
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyJeu 4 Mar - 14:04

- Nous voilà ! proclama T-bag en passant la porte d’entrée avec LJ.
Il s’attendait à voir une flopée de gamins accourir à lui. Il était convenu que Lincoln irait les chercher à la sortie de l’école et ils devaient être rentrés depuis un moment, à présent. Il n’entendit cependant qu’un brouhaha qui venait du salon. Intrigué, il alla voir de quoi il retournait, et découvrit avec stupeur les deux frères à quatre pattes sur le tapis, chevauchés par Jimmy et Dino qui croisaient ardemment le fer… ou plutôt le plastique des bouteilles d’eau minérale vides avec lesquelles ils se battaient.
- Qu’eeest-ce que je vois là ? Je vous laisse un moment entre frangins et ça tourne au pugilat ? lança Theodore en se coulant nonchalamment contre le chambranle.
- Papa ! s’exclama Caligula en venant lui tirer la jambe de pantalon. Tu viens jouer avec nous, sitoplait ?
- On t’attendait pour avoir un troisième cheval, lui indiqua Scofield avec un sourire moqueur.
- Tu sais que je ne peux pas refuser une invite de ta part quand tu es à quatre pattes, mon joli, lui répliqua T-bag avec un clin d’œil et tout en retirant sa veste avec juste ce qu’il fallait de suggestion dans le geste.
Gugul exulta et s’empressa d’aller chercher sa propre bouteille en plastique.
- Le dernier en selle a gagné, lui expliqua Dino, fièrement juché sur Michael. Toi tu as le droit de bousculer les autres chevaux pour déstabiliser le cavalier.
- Mais la règle c’est que tu dois garder les deux mains au sol, compléta Lincoln en le considérant avec insistance.
- Ca a l’air fort convivial, votre affaire, déclara Bagwell en s’installant à son tour sur le tapis, remuant le derrière comme un jeune chien joueur prêt à l’attaque, jusqu’à ce qu’il soit pris d’assaut par le bambin de cinq ans avec un peu trop d’enthousiasme. Ouch ! Non, pas les cheveux de Papa, gamin, regarde Junior et Dino, ils sont bien obligés de se débrouiller autrement !

Caligula s’agrippa au col de son tee-shirt et, sous le regard plein d’intérêt d’LJ, les trois ex-taulards et les trois mioches se jetèrent dans joyeuse mêlée, les bouteilles d’Evian s’entrechoquant dans un imbroglio qui éclatait en tous sens. Michael et Lincoln, bloqués épaule contre épaule, tentaient tous deux de se repousser et T-bag vint y mettre son grain de sel, tandis que les garnements redoublaient de passes. Chacun encourageait son cavalier avec des conseils plus ou moins pertinents mais qui contribuaient à l’exaltation sonore ambiante.
- Tiens-toi prêt, Gugul, je vais nous faire gagner, l’avertit son père en changeant de position pour l’amener à affronter Dino en attaquant sa monture tête-bêche.
Et au milieu du joyeux raffut, on entendit soudain Scofield pousser un cri plus rageur que les autres et ruer brusquement comme une bête de rodéo, ce qui fit perdre l’équilibre à son cavalier, que Caligula put achever d’un coup de bouteille déterminé.
- T-bag ! grogna hargneusement l’ingénieur.
L’ancien chef suprématiste lui lança un regard innocent, comme s’il ne venait pas à l’instant de prendre une grande bouchée de sa fesse droite à travers son pantalon, et d’en aimer chaque seconde.
- C’est pas régule, ce que tu fais !
- Je n’ai pas décollé mes pognes du sol ! protesta Theodore, l’outrage faisant partir sa voix dans les aigus.
Il vit Burrows le fixer d’un regard furibond sous ses robustes arcades sourcilières, puis sa grande main se mettre à racler le tapis.
- Oh… Du calme, le Déluge, bébé à bord… tenta le sociopathe.
- Chuis pas un bébé ! clama aussitôt Caligula avec véhémence.
- Jimmy, tu es prêt ? demanda simplement Lincoln.
- Fin prêt ! répondit Junior, cramponné à son col.
Burrows se mit à charger Bagwell tête baissée. Voyant cela, Gugul décida que le plus sage à faire était sans doute de quitter le navire et hurla « A L’ABORDAAAGE ! » en se jetant sur son frère au moment où le crâne massif percutait son père et l’envoyait bouler un peu plus loin. Le pauvre Lincoln le sentit passer dans son dos, heureusement d’une solidité à toute épreuve. Les deux garçons churent tous les deux et continuèrent à s’asséner des coups de bouteilles plastique une fois à terre.
- T’as perdu ! affirmait le benjamin.
- Peut-être mais t’as pas gagné non-plus, demi-portion ! répliquait le cadet.
- Ben plus que Dino.
- Pasque toi et Papa vous avez triché, ça compte pas ! bouda l’aîné.
- Match nul, déclara LJ pour mettre fin au problème. C’était un sacré spectacle, les gars, je vous remercie. C’est le genre de chose qu’il faut voir une fois dans sa vie.
Les galopins hésitèrent entre la fierté fringante et les bougonnements d’insatisfaction.
- Allez, tournée de smoothies, annonça le jeune homme pour achever de les contenter.
La fratrie approuva et se leva pour accompagner LJ à la cuisine, lequel jeta quelques coups d’œil méfiants à Jimmy Jr par-dessus son épaule.
- Les gave pas trop, on ne va pas tarder à manger ! se chargea de lui rappeler Grand Frère en partant à leur suite pour superviser cette débauche de purée de fruits.

Michael lâcha un souffle amusé et déclara :
- J’aime décidément beaucoup vos rejetons, je dois dire. Par certains côté on a l’impression d’avoir affaire à des petits bouts de vous, en moins vindicatifs, mais par d’autres on ne vous retrouve pas tout à fait. Tu savais que Jimmy faisait des choses très artistiques avec des scoubidous ? Des assemblages incroyables que je serais proprement incapable de reproduire ! Franchement, d’où il a pu tirer ça, entre vous deux ?
En l’absence de réponse, il se tourna vers la forme inanimée de l’Alabamien, abandonnée contre un placard design.
- Tu vas bien ? demanda-t-il, un sourire dans la voix, en s’approchant de lui.
T-bag porta mollement un revers de main à son front et entrouvrit les paupières avec une confusion exagérée.
- Est-ce que je suis au paradis ? demanda-t-il à la vue de Michael à son chevet.
- Parce que tu crois sérieusement que c’est là où tu vas aller ? répliqua l’intéressé.
- Eh bien, tu sais… Comme disait notre cher Huckleberry Finn : « un endroit où tout ce qu’on a à faire, c’est déambuler une harpe à la main et chanter encore et encore pour l’éternité, ça m’dit pas grand-chose ».
- Tu cites Huckleberry Finn, maintenant ? s’étonna Scofield en s’installant à plat ventre, les bras croisés. Tu sais que c’était un vil libérateur de noirs ?
- Tu rigoles ? Il ne trahit pas Jim parce qu’il s’y est attaché mais il est rongé par la culpabilité tout au long du bouquin. Même à la fin il ne décide pas d’aller le délivrer parce qu’il a conclu que c’était la bonne chose à faire, il se résigne définitivement à aller en enfer, justement, et quand Tom Sawyer se propose de l’aider, Huck dit qu’il « baisse considérablement dans son estime » ! Le petit sait que ce qu’il fait est mal.
- Peut-être mais, dans ce cas, reste qu’il sacrifie son âme pour Jim. Il a quelque chose de sublime, ce geste : le jeune garçon blanc et pur acceptant les tourments éternels pour le salut d’un esclave noir dont la vie terrestre vaut moins que rien…
- Il le fait uniquement parce qu’il en vient à considérer à la fin que Jim est « blanc à l’intérieur ». C’est le plus beau compliment dont il le gratifie à travers tout le bouquin. Ca veut bien dire ce que ça veut dire…
- Et ça t’est même pas venu à l’idée que ça pouvait être un moyen ironique de montrer l’absurdité de l’association systématique du bien au blanc ?
- Fouchtre non ! Si c’est ironique pour quelqu’un, ça ne peut être que l’auteur… et encore, pas sûr. Moi, tout ce que je sais, c’est que le personnage d’Huck Finn était bien loin d’être le négrophile convaincu qu’on voudrait nous faire croire !
Michael soupira.
- J’ai peur de ne pas être assez qualifié en littérature pour t’offrir une contrepartie digne de ce nom. Mon truc ça a toujours été les sciences…
Theodore s’étira voluptueusement sur le sol.
- C’est bien la seule chose que m’aura fournie mon paternel, la lecture… même si ce livre-là, pour le coup, il l’avait mis en pièces sous prétexte qu’il s’agissait de « conneries libérales ». Pauvre loque arriérée… Il avait pas la queue d’une idée de ce dont il parlait…
T-bag tourna la tête en voyant Lincoln jeter un œil par l’encadrement de la porte, sans doute pour s’assurer qu’il n’avait pas déjà menotté Gueule-d’Ange à son mobilier moderne de très bon goût et profité de ce que son frère buvait son jus de fruit pour le déshonorer sournoisement.
- Ca va, l’Déluge ? lui lança-t-il, narquois.
- Ca ira mieux quand je t’aurai à l’œil… répliqua Burrows en tendant vers lui un doigt menaçant.
- Oh si tu savais tout ce qu’on fait dès que tu as le dos tourné… dit-il avant de faire claquer ses babines de manière obscène.
- On discutait littérature, Linc, expliqua un Michael tout aussi moqueur mais moins provocateur.
- C’est ça, mon joli, c’est exactement ce qu’on faisait, confirma-t-il excessivement.
Lincoln partit en maugréant des choses sur ce « putain de pédophile », l’ « inconscience » et le fait qu’ « il ne faudrait pas venir se plaindre ». Scofield en rit tendrement tout en aidant Bagwell à se relever.
- Je te préviens, t’as pas intérêt à toucher encore à un poil de mes fesses… pas devant lui, en tout cas, l’avertit Michael en prenant le chemin de la cuisine.
- Je me demande vraiment comment je dois le prendre, répondit T-bag en pétrissant aussitôt nonchalamment les rondeurs de l’ingénieur, qui repoussa machinalement son bras.


Morten débarrassa son assiette et grimpa dans sa chambre. Sur le chemin, le petit Miguel l’apostropha.
- Hé, mec, tu descends faire un billard ? Eric et Zayn y sont d’jà.
Le petit Miguel était un gamin de son âge, mais qui ne l’avait pas encore suivi en taille ; Morten aimait d’ordinaire sa compagnie. Ce soir, cependant, il se sentait davantage d’humeur à aller s’échouer sur son lit, seul, pour y mourir à moitié en écoutant Mylène Farmer. Il y avait des jours comme ça, où le naturel revenait au galop…
- La prochaine fois, mon pote, là j’ai des trucs à faire, répondit-il aimablement avant de reprendre l’ascension de l’escalier.
Il ouvrit sa piaule et posa son sac à dos. « Quelle misère… » songea-t-il en retrouvant cet espace dans lequel il commençait à se sentir franchement à l’étroit, au bout de deux ans. Le petit pécule qu’il s’était fait en bossant pour Teddy lui avait permis d’y apporter de sensibles améliorations, cela dit : une petite télé, un mini-frigo – parce qu’une collectivité de mineurs de sexe masculin était le royaume de la rapine et de la crasse, quand on pouvait déguster sans danger une glace à la vanille sur la lunette des toilettes du foyer de filles, juste en face – et une pure chaîne hi-fi qu’il devait le plus souvent écouter un casque sur les oreilles, pour ne pas déranger la tranquillité de ses congénères. Il mit son CD de Mylène Farmer et s’installa pour pouvoir se morfondre à son aise.

Nager dans les eaux troubles
Des lendemains…
Attendre ici la fin.
Flotter dans l’air trop lourd
Du presque rien…
A qui tendre la main ?
Si je… dois tomber de haut
Que la chute soit lente…
Je n’ai… trouvé le repos
Que dans l’indifférence…
Pourtant, je voudrais retrouver l’innocence…
Mais rien n’a de sens…
Et rien ne va.


Un importun frappa à la porte et le préado ôta son casque en soupirant qu’on vienne ainsi troubler sa dérive vers la phase végétative. Une surveillante se tenait derrière la porte.
- Morten, c’est bien toi que j’ai vu entrer avec une fille, tout à l’heure ? demanda-t-elle.
- Ca m’étonnerait… grinça l’emo manqué.
- Dans ce cas ça t’ennuie pas que je vérifie ?
Le jeune garçon leva les yeux au ciel et entrouvrit un peu plus la porte de son antre. Les filles étaient autorisées dans les salles communes, jusqu’à une certaine heure, mais pas dans les chambres, Dieu merci. Comme la garde-chiourme poussait le zèle jusqu’à contrôler le dessous de son lit, un soudain accès d’angoisse et de révolte accumulées lui fit s’exclamer :
- Oh, pour l’amour du ciel, regardez autour de vous ! Si je me tapais quelqu’un dans ce clapier, vous ne le sauriez même pas !
Parmi la faune cosmopolite qui avait élu domicile sur ses murs, en effet, en plus de sa chanteuse frenchie de prédilection plus ou moins dénudée, on trouvait surtout, pour le patriotisme, Viggo Mortensen pataugeant dans un marigot quelconque ou encore, pour la bannière étoilée, Bruce Willis en noir et blanc, lardé du genre de cicatrices qui ne suscite pas la répulsion et somptueusement vêtu d’un marcel taché de cambouis et de deux holsters. La pionne le considéra comme s’il venait de lui faire boire de la vinaigrette.
- Je t’ai à l’œil, mon petit, laissa-t-elle entendre en s’esquivant de la pièce.
Bjorksen claqua la porte derrière elle et se jeta sur son lit pour remettre ses écouteurs.

… Je suis d’une généra-tion désenchantée…

Il les rejeta aussitôt d’un geste excédé et se donna une bonne taloche mentale, chose qui lui arrivait très rarement aussi vite. Il se redressa en position assise, la tête appuyée contre le mur et se mit cette fois à réfléchir.


C’était bientôt l’heure du coucher pour les bambini et Dino surprit Theodore en venant se glisser discrètement auprès de lui alors qu’il discutait avec les trois larrons de la maison ; il chercha sa main pour s’en saisir et l’entraîner à l’écart.
- Qu’est-ce qu’y a, p’tit bonhomme ?
Il avait l’air assez fébrile mais prit bien soin de vérifier qu’il n’y avait personne alentours avant de lui annoncer :
- Becky m’a embrassé.
Un sourire niais lui grimpa jusqu’aux oreilles. Un rictus sucré ne tarda pas à se former aussi sur les lèvres de son papa, découvrant ses dents et un petit bout de sa langue tandis qu’il s’accroupissait près de lui.
- Voyez-vous cela ?
- Ouaip’.
- Comment tu t’y es pris, champion ?
Le garçon remuait, timide et fier comme un coquelet.
- Ben je lui ai dit que j’allais partir, et elle a été triste aussi. Mais elle m’a dit qu’e’m’oublierait pas. Moi j’lui ai dit que j’lui écrirais. Elle m’a fait un p’tit câlin pis elle m’a embrassé.
Le sociopathe fronça les sourcils d’attendrissement en entendant le récit.
- Aaaawww, c’est trognon… Sur la bouche ?
Dino s’empressa de lui plaquer les deux mains sur la sienne, comme s’il venait de sortir une énormité.
- Arrêêête ! s’exclama-t-il en regardant anxieusement autour d’eux. Non, pas sur la bouche. … mais pas vraiment sur la joue non-plus.
T-bag continua de sourire derrière les deux menottes du galopin.
- Entre les deux, voilà ! lâcha ce dernier en le libérant.
- C’était comment ? s’empressa de demander son père.
- J’ai eu chaud tout partout, pire que quand Melle H m’interroge, mais en agréable cette fois.
- Hm hm, ça c’est ma terreur ! le congratula le sudiste en lui donnant deux lourdes claques sur la tempe avant de l’attraper pour le soulever dans les airs et le retourner joyeusement dans tous les sens. Haut comme trois pommes et déjà un vrai p’tit séducteur, hein ? Ca ne m’étonne pas, tu as de qui tenir après tout !
- Tu veux dire Papa Johnny ? demanda le petit en gloussant d’être ainsi roulé sur lui-même, jeté sur une épaule, puis amené à faire une galipette dans le vide, le tout sans effort.
- Oh, tu sais, les savants de nos jours accordent bien plus d’importance à l’acquis qu’à l’inné. Il faut pas croire que tout se joue avant la naissance, ce serait du déterminisme.
Dino s’ébattit encore quelques instants, évacuant la surexcitation de la nouvelle, puis il s’accrocha au cou de Theodore et lui demanda avec un soudain sérieux très affecté, qui dissimulait mal le triomphe.
- T’es pas trop jaloux ?
L’ancien chef aryen considéra le môme en fronçant un sourcil déconcerté.
- A toi, elle t’a pas fait de bisou, souligna l’enfant.
- Oh ! Oh, si, je suis très jaloux, mais tu sais ce qu’on dit : « le cœur a ses raisons que la raison de connaît pas ». J’imagine que c’est sur toi que la donzelle a jeté son dévolu, il va bien falloir que je me fasse à cette disgrâce.
Dino rosit de plaisir, inconscient de la légère pique que sous-entendait la citation, volontairement trop implicite pour le petit garçon qu’il était, et resserra ses bras autour de son cou pour lui offrir un câlin de consolation sans rancune.
- C’est follement bien, mon grand, tu peux être fier de toi, conclut Bagwell le serrant contre lui en retour.
- Mais tu le dis pas à Jimmy et à Caligula, hein ? Y sont trop p’tits pour comprendre ça, précisa instamment l’aîné.
- Je sais garder une bouche cousue, parole de scout, lui assura son papa sans lui préciser qu’il l’avait déjà fait littéralement en représailles à l’égard de certains détenus qui l’ouvraient un peu trop.

T-bag laissa son fiston s’enfuir pour rejoindre ses frères dans leur grande chambre, empli d’orgueil paternel. Il prit mentalement note de l’exploit pour la compétition tacite qui se jouerait inéluctablement entre Abruzzi et lui sur l’âge auquel Jimmy Junior et Dino décrocheraient leur premier baiser, leur première fois, leur première voie de fait, leur première victime, etc. Au train où allaient les choses, cependant, il craignait de voir l’aîné caracoler après les jupons quand le cadet en serait encore à se faire fondre le nougat dans des chaussettes en étant parfaitement satisfait de la situation… Peut-être devrait-il veiller à l’avenir à éveiller un peu plus Junior à l’intérêt de ses semblables.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyJeu 4 Mar - 14:07

Camarades de jeux

Partie 2

Plus tard, alors qu’il s’installait lui-même pour la nuit, il reçut un nouvel appel d’Abruzzi, auquel il répondit allègrement.
- Mister Mafia !
- Sergent Sodomie, lui répliqua une voix encore basse et embrumée.
- Alors, bien implanté en terre natale ?
- Pas mal. Je suis chez cet ami de la famille dont je t’avais parlé.
- Tu as une petite voix, quelle heure il est là-bas ?
- Le matin, je me réveille là. Je suis encore un peu sans-dessus-dessous avec le décalage mais il faut que je me force, de toute façon.
- Ca se passe bien ?
- … Oui… Je crois que la famille n’a pas encore décidé si elle me garderait encore sous son toit une fois que tu m’auras rejoint mais… pour l’instant c’est au poil.
- Tu leur as déjà dit que tu te vautrais dans le péché sodomitique ? s’étonna Bagwell.
- Affirmatif, répondit Abruzzi avec une trace de fierté dans la voix.
L’Alabamien haussa les sourcils et une moue d’admiration exagérée déforma ses babines.
- Bigre, moi qui croyais que je serais l’homme de main dévoué et qu’on jouerait aux lycéens en chaleur dans les coins sombres de la maison parentale, je me suis bien fourvoyé !
- Les seuls hommes de main qui marchent comme toi sont les cowboys qui ont oublié qu’ils n’étaient plus à cheval…
Le sudiste ignora royalement la remarque.
- Et ils ont bien pris le fait que tu aies viré ta cuti ?
- Plus ou moins. Je crois qu’ils ont tenu un grand conseil hier soir, quand je suis allé me coucher, pour savoir si oui ou non c’était mal. Je crois que ce qui leur pose problème, en particulier, c’est les mômes qu’on a fait pousser pour les élever ensemble. C’est pas très catholique, comme démarche.
- Ces gens… D’abord ils nous empêchent de tourner en rond parce qu’on baise sans procréer, et une fois qu’on procrée, ils font encore leurs mal-baisés ! Ils savent vraiment pas ce qu’ils veulent… constata T-bag, les yeux rivés sur ses ongles.
- Je te tiendrai au courant des résultats mais, s’ils acceptent, tu voudras quand même bien faire ce que tu peux pour faire bonne impression ? demanda un Abruzzi désabusé.
- Pour un peu je croirais que tu ne me fais pas confiance, sourit son comparse.
- Ils ont deux magnifiques enfants à la maison.
- Ah ? Garçons ou filles ?
- Les deux.
- Quel âge ?
- Entre six et huit, peut-être neuf.
- Hm…
- …
- … Ben c’est bien : les mômes auront des petits camarades de jeu !
- T’espères sérieusement me faire croire que c’est ce qui t’est venu à l’esprit ?
- C’est ce que tu entendais par « faire bonne impression », non ?
- Tu m’as eu. Continue dans cette voie… Mais c’est pas pour jouer à « bonjour la petite fleur » avec la gamine, par derrière.
- Oh, comme c’est mignon, cette façon de le dire ! s’extasia ingénument le sociopathe.
- Ouais, ben en attendant je t’étripe si j’ai vent de la moindre bavure, et crois-moi je veillerai au grain.
- Tu sais que j’adore quand tu uses de vaines menaces à mon endroit, Johnny-boy…
- Hé. Je ne déconne pas. La cambrousse italienne grouille de scouts. Mais on ne badine pas avec la famille, déclara gravement le mafioso.
- J’en prends bonne note…
L’ex-parrain lâcha un soupir de lassitude.
- Tu sais, aussi cinglé que ça puisse paraître, je réalise que ça me fait bizarre d’être tout seul au pieu. On s’habitue, l’air de rien, même après s’être fadé des mois de taule…
L’ancien chef aryen étira un sourire.
- Pense à moi qui n’ai jamais fait l’expérience d’un paddock vide, même en cabane.
- Oh oui, tout le monde sait quel don juan tu étais, T-bag… répliqua le mafieux, sarcastique.
- Je te taquine, Johnny-boy, moi aussi j’aimerais trouver ta viande dans les parages en me réveillant le matin.
Le plus cocasse dans cette histoire était qu’ils ne se réveillaient presque jamais en même temps, et qu’Abruzzi était souvent amené à se retourner et repousser les mordillements de Bagwell en maugréant des « fous-moi la paix, satyre », tandis que ce dernier lui allongeait parfois sèchement la main sur la figure en grognant des « arrête tes grimaces, je pionce, bon sang ». Avec un tout petit peu de recul, ils n’en demeuraient pas moins silencieusement contents d’être importunés au réveil. Le truand ne sut trop quoi répondre et biaisa le sujet.
- Tu as pu la voir ?
- J’ai pu. Elle marche.
- Vraiment ?
- Tu la connais, elle a fait sa rétive pour la forme mais ma langue de velours a fini par la convaincre.
- Tu parles au figuré, j’imagine.
- … C’est que ton esprit deviendrait aussi mal tourné que le mien… ou alors c’est la nostalgie de ladite langue de velours ? émit le sudiste d’un ton léger.
- Arrête, Theodore, c’est le matin, j’ai déjà un chapiteau à déplanter.
- Aw, et on ne voudrait pas pour cela souiller les draps de cette bonne maison, n’est-ce pas ?
- Teddy… l’avertit l’ex-parrain.
- Dans ce cas tu ferais effectivement mieux de ne pas penser à cette langue de velours autrement qu’en tant que métonymie, parce qu’au sens propre je ne te raconte pas les dégâts que ça pourrait faire, si tant est qu’on puisse qualifier ça de propre…
- « Mais ma religion ! mais mon Etat ! » protesta l’Italien avec une fausseté toute assumée.
T-bag lâcha un rire sourd et salace.


Plus tard, LJ entendit frapper à la porte de sa chambre. Il alla ouvrir pour trouver un Theodore coulé contre le chambranle, ses doigts tapotant nerveusement son menton, l’autre main plantée dans la poche. Le jeune homme le considéra et leva des sourcils interrogateurs.
- T’aurais pas un bon bouquin ? demanda-t-il.
- Bien sûr… répondit Lincoln Junior en le laissant entrer.
Il lui désigna la bibliothèque et lança simplement :
- Jette un œil et sers-toi.
L’Alabamien se mit à déambuler nonchalamment devant les étagères. LJ se laissa retomber sur son lit avec son propre livre et le regarda faire, le sourcil froncé et un sourire amusé en coin.
- Mark Twain… On en parlait pas plus tard que tout à l’heure avec ton bel oncle, déclara-t-il au bout d’un moment en s’emparant d’un ouvrage.
- Tu m’en diras tant.
- Oh, Laclos, en voilà un bon auteur ! On pourra dire ce qu’on voudra mais ces bouffeurs de grenouille s’y entendent pour la littérature érotique de haute pointure.
- J’imagine.
- Qu’est-ce que tu lis, toi ? demanda-t-il alors en le rejoignant pour jeter un œil à son bouquin.
Le sourire ironique du jeune Burrows s’accentua avant qu’il ne réponde :
- Howard Zinn, « Histoire populaire des Etats-Unis ».
T-bag s’installa naturellement à-côté de lui et se mit à lire par-dessus son épaule.
- Je te savais pas si passionné d’Histoire… observa-t-il.
- Oh, détrompe-toi, l’Histoire m’intéresse beaucoup ! Ca nous aide à comprendre toutes les erreurs que nous avons faites dans le passé, comme les Droits Civiques…
- Pfff…
Bagwell sourit de sa contrariété de jeune intellectuel gauchiste et entoura ses épaules avec ce qu’il essayait de faire passer pour de la camaraderie sans rancune.
- T-bag, prends un bouquin et tire-toi, on va pas coucher là, répliqua LJ.
- Ton père et ton oncle sont encore en train de jouer à la balancelle là en bas, je préfère leur laisser le temps de finir. Ca me gêne d’être le témoin auditif de leurs ébats !
- Dit l’homme qui se targue d’avoir été le premier témoin oculaire de leurs découvertes fraternelles.
- Je jubilais de mes prédictions, c’est tout. … Bon, d’accord, le spectacle était assez jubilatoire lui aussi, pour un pauvre ex-taulard en manque coincé dans un bain de tension hormonale avec une bande de clampins de son espèce, du moins.
Junior esquissa un sourire, compatissant cette fois.
- Je me sentais bien seul, tu sais, c’était affreusement triste… conta Theodore. A cette époque Johnny-boy piquait sa crise comme une pisseuse de seize ans chaque fois que je voulais jouer… Heureusement que ton bel oncle était d’un tempérament un peu plus ouvert aux autres.
A ces mots, des souvenirs plus que perturbants revinrent à l’esprit d’LJ. Il tâcha de se concentrer sur le New Deal de Roosevelt.

Un petit moment plus tard, cependant, son attention fut à nouveau troublée par des caresses légères dans ses cheveux.
- T-bag… grogna-t-il en réalisant que le prédateur d’enfants était en train de humer discrètement ses mèches châtain avec une béatitude apparente.
- Hm ? se contenta de répondre l’intéressé en descendant contre son oreille.
- Arrête de me r’niffler !
Le sociopathe se glissa alors subrepticement dans le creux de son cou pour caresser la veine d’une langue chaude avant de mordre la peau délicate. LJ prit une brusque inspiration subjuguée et catastrophée ; il se mit en tête de remuer, jusqu’à ce que la main de Bagwell ne se mette à parcourir résolument son corps par-dessus son tee-shirt, de la poitrine jusqu’au bas du ventre. Il lâcha son livre, qui dégringola sur le côté, et saisit en hâte le poignet. Son souffle s’étrangla un peu malgré lui et il protesta :
- Arrête ! Arrête ça tout de suite !
La voix rocailleuse de T-bag lui répondit à l’oreille :
- Mmmh continue, y a rien qui m’échauffe plus qu’un garçon qui dit non…
- N… T-bag ! l’avertit LJ, plus véhément que réellement effrayé.
La main qui reposait jusqu’alors sur son épaule vint cajoler son cou et l’arrête de sa mâchoire tandis que l’autre, cessant de lutter contre la prise qui la retenait, reprit de la hauteur, mais sous son tee-shirt cette fois. La paume câlina tendrement son ventre tandis que Theodore s’en reprenait passionnément à la chair de sa gorge. Junior suffoquait ; ses tentatives pour éloigner son ancien compagnon de cavale manquaient un peu de sincérité et ne réussissaient qu’à le pousser à se rapprocher de lui. Le jeune homme sentit bientôt le tissu rugueux du jean frôler le coton de son caleçon sur sa hanche.
- Bon CA SUFFIT ! cingla-t-il. Tu calmes tout de suite tes ardeurs ou j’appelle mon père !
L’Alabamien cessa et haussa des sourcils surpris.
- Depuis quand tu es devenu si prude, petit ? T’appelais pas ton père quand t’avais quinze ans et que tu fuguais en douce de la tente familiale pour venir nous rendre une petite visite vespérale…
- Ouais eh bien… comme tu dis, j’avais quinze ans… répondit LJ en retirant la main désormais inerte de sous son tee-shirt. J’étais un malheureux ado « coincé dans un bain de tension hormonale » !
- Oh, et à présent que te voilà dans ta petite vie étriquée d’étudiant en droit, l’andropause te guette, c’est ça ?
- Ecoute, je suis désolé mais certains d’entre nous dépassent la puberté.
- Oui… Je vois que tu es à la limite de la flétrissure, persiffla T-bag avec un regard de biais vers le renflement du caleçon.
- C’est pas le problème. Tu peux pas te pointer ici, profiter des faiblesses que tu connais, et ensuite exiger, sous prétexte que je ne suis pas en bois, que je te soulage du manque que tu accumules à nouveau. C’est trop facile ! décréta Lincoln Junior en croisant les bras.
- Mais si tu en as envie toi aussi ? Ca ne peut être que dans l’intérêt général ! Et tu m’as l’air d’en avoir très envie, LJ… argua Bagwell en caressant doucement le haut de sa cuisse pour se rapprocher du panier à friandises.
Le jouvenceau, cependant, éloigna à temps la main d’une claque sèche.
- On n’est plus en cavale. Je bosse pour toi, maintenant, y a une certaine éthique à respecter, pour l’amour du ciel !
- Une éthique, mon garçon…
- Débarrasse-moi le plancher, T-bag !
L’intéressé le fixa avec une fugitive moue suivie d’un mordillement de lèvre, comme s’il hésitait. LJ ne dit rien. Après quelques instants, le pédophile finit par battre en retraite avec un soupir de mauvais poil.
- Tu sais, tu es un sacré petit ingrat, mon garçon. Quand tu étais dans le besoin, moi j’étais toujours là pour donner de ma personne !
- Oui, j’imagine à quel point ça a dû te coûter… dit le jeune Burrows en ramassant son livre.
- D’abord j’étais le salopard de l’équipe, après l’homme-objet de service… J’en ai marre de la tyrannie de cette bande de saintes-nitouches, moi ! râla T-bag d’une voix forte avant de claquer la porte derrière lui.
LJ laissa sa tête retomber contre le mur et relâcha une profonde expiration. Puis, lorsque le bruit des pas dans l’escalier cessa, il se releva et gagna furtivement sa salle de bain.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyJeu 4 Mar - 14:09

Lorsqu’il passa devant la chambre des enfants pour rejoindre son canapé, bougon, Theodore entendit la porte s’ouvrir et deux petites têtes émergèrent de la pièce.
- Papa ? demanda une petite voix.
Le maniaque sexuel frustré se radoucit immédiatement et vint s’accroupir devant les deux petites formes serrées l’une près de l’autre.
- Ben alors, qu’est-ce qu’il y a, les mômes ?
Ses deux cadets vinrent s’accrocher à son cou.
- On arrive pas à dormir ! se plaignit Jimmy.
- Aw, dans un beau lit pareil ? Comment ça se fait ? s’enquit Bagwell en leur frottant gentiment le dos.
- Je suis inquiet, déclara formellement Caligula. Je veux voir Papa…
- Aaaaww, mais y a pas de raison de s’inquiéter, mon Gugul, vous le reverrez bientôt ! lui assura-t-il avant de se tourner vers James Junior. Toi aussi tu te fais de la bile, gamin ?
- Non, moi j’ai juste pas sommeil. Et je m’ennuie, répondit-il en frottant sa joue sur les cheveux duveteux de son papa.
- Bon, alors voilà ce qu’on va faire : toi tu vas rester avec moi un petit moment, dit-il au benjamin. Et toi, Jimmy, si tu t’ennuies, tu n’as qu’à aller jouer avec LJ, il n’est pas encore couché.
- D’accord, acquiesça tout de go le garçonnet en prenant le chemin de l’escalier.
T-bag le regarda partir avec un sourire qui réussissait le prodige d’être à la fois mesquin et tendre. Puis il attrapa Caligula.
- Allez viens, toi.
Il souleva le bambin et le ramena avec lui dans le salon. Lorsqu’il entra dans la pièce, il commença par longer le mur en tapant régulièrement dessus de sa main libre et en claironnant :
- J’AI UN ENFANT AVEC MOI ! ATTENTION ENFANT ! Y A UN ENFANT ICI DANS CETTE PIECE !
- Pourquoi tu fais ça, Papa ?
- T’occupe, bout d’chou.

De l’autre côté de la cloison, Lincoln et Michael froncèrent un sourcil.
- L’enfoiré, je parie qu’il est allé réveillé ces pauvres gosses exprès.
- Ne fais pas l’enfant, Lincoln, tout ce que tu as à faire c’est d’être un peu plus silencieux…
Burrows répondit par un grognement contrarié.
- Allons, on sait tous que tu en rajoutes juste pour le faire bisquer, tu ne brames jamais si fort d’habitude, s’amusa tendrement Gueule-d’Ange en se penchant pour mordiller son oreille.
Le Déluge dut bien admettre qu’il était toujours la voix de la raison, même lorsqu’il remuait ses hanches sublimes contre le giron de son grand frère d’une manière aussi indécemment voluptueuse.

Les mesures de précaution étant prises, à la satisfaction particulière de T-bag, le suprématiste blanc ramena convenablement son petit dernier contre lui pour qu’il puisse poser ses mèches légèrement bouclées dans le creux de son épaule et passer un bras autour de son cou.
- Là, bonhomme… Papa Teddy est là… Papa Johnny va bien, il est juste aux prises avec une famille catholique mais, le connaissant, il s’en sortira.
- C’est quoi un catholique, Papa ? demanda l’enfant.
- Une personne qui, parce qu’elle croit en Dieu, voudrait ne pas laisser les autres faire ce qu’ils veulent de leurs zizis, mais croit pourtant qu’on peut se dédouaner de tout en allant le raconter à un curé.
- Ben ! C’est n’importe quoi : c’est ton zizi, tu fais ce que tu veux avec, comme tu nous as toujours dit, hein Papa ?
- Ca c’est sûr, et ne laisse jamais un prêtre catholique te dire le contraire, surtout, tu m’entends ? insista le pédophile.
- Un prêtre c’est comme un curé, c’est un monsieur qui porte une robe, comme on a vu, hein ?
- Hm-hm, acquiesça Theodore en le berçant légèrement par petites secousses.
- Mais « se dédouaner », ça veut dire quoi ?
- Ca veut dire ne pas prendre ses responsabilités. Par exemple, si tu soulèves la jupe d’une fille, tu vas le raconter au curé, et c’est comme si tu ne l’avais jamais fait. Pratique, hein ?
- Mais c’est super, je veux êt’ un catholique, moi !
- Ne dis pas de bêtise, on ne devient pas un homme en étant catholique. Quand on a soulevé la jupe d’une fille, il faut le clamer haut et fort et en être fier, déclara solennellement Theodore.
- Mais Papa Johnny, c’est un catholique, lui ?
- Il croit qu’il l’est parce qu’il porte cette petite croix à la mords-moi-le-nœud autour du cou, mais il ne respecte strictement aucune des règles qu’on doit suivre pour en être. C’est du flan, tout ça, Dieu merci d’ailleurs, si j’ose dire !
- Mais ceux qu’il est avec, là-bas, y risquent de lui en vouloir, alors.
- Te fais pas de mauvais sang, p’tit bout. Ton père s’en est tiré quand je lui ai tranché la gorge en prison, tu te rappelles ? Il survivra aux sermons d’une bande de cul-bénits… lui assura T-bag.
Caligula hocha la tête sur son épaule, confiant ; il frictionna à nouveau son petit dos pour le tranquilliser et déclara :
- On l’appellera tous ensemble demain, c’est promis. Mais pour ce soir, finies les questions de spiritualité. Il est de temps de dormir.
Le bambin se blottit étroitement contre la chaleur du tee-shirt et se laissa bercer par le rythme lent de la chanson que T-bag se mit à fredonner et dont les notes basses vibraient dans sa poitrine.
- ‘Sun went down… ‘Stars came out… and I could heeear the wind blowin’… Mexican girl, walkin’ daaawn the Tucson street… destination nowhere… Gone long gone… Are you lost, radio girl ? Gone long gone… Are you looost, radio girl ?


Jimmy Jr vit de la lumière sourdre sous le seuil de la porte de la salle bain. Il voulut entrer, mais constata que la porte était cette fois dûment verrouillée. Il poussa un soupir déçu, et tendit l’oreille. Il n’entendit que le bruissement d’une respiration profonde, pas celui de l’eau qui coule. Dommage. Il se rabattit alors sur la chambre, certes vide, mais tout de même digne d’intérêt. Il grimpa sur le lit et s’amusa à rebondir dessus un moment, puis ouvrit le livre qui reposait dans un coin.
- « dé-lé-tère »… lut-il avec curiosité sur la page.

LJ, pour sa part, était tranquillement en train de se débarrasser de l’énième nœud de tension libidinale qu’on lui avait infligé en dépit de toute sa bonne volonté. Les souvenirs renfloués par ce pervers de T-bag l’avaient empêché de se remettre le nez dans son bouquin et la tête dans les déboires des victimes de la Dépression de 29. Comment était-il censé se sentir réellement concerné par les vices intrinsèques du système capitaliste quand on lui avait obligeamment rappelé cette nuit de stupre absolu où, de guerre lasse, il avait laissé sa concupiscence et son inconscience de tout jeune freluquet le précipiter sous la tente d’un mafioso et d’un pédophile qui passaient la moitié du temps à s’écharper et l’autre à se monter dessus ? Ce qui devait arriver était arrivé : il avait fini presto dans leur sac de couchage, commun depuis un bout de temps déjà, il en était sûr, à laisser son tee-shirt se retrousser et son caleçon couler sans opposer la moindre résistance. Au départ Bagwell avait voulu prendre la main, le plaquant au sol et le recouvrant de son torse nu pour pouvoir prendre tout à loisir possession de lui, mais Abruzzi l’avait vertement bousculé. « Qu’est-ce que t’as à râler, encore ? Ca t’intéresse pas les garçons, non ? » lui avait sifflé Theodore au visage. « Il est hors de question que tu t’en arroges plus que moi, Teddy. » avait répliqué John hargneusement. « Ecrase, tu es un véritable boucher, tu saurais pas t’y prendre… » « Je suis un boucher quand j’ai affaire à quelqu’un qui me supplie pire que si sa vie en dépendait, et je sais de quoi je parle. » « Heu, les gars, je peux vous laisser seuls si vous vou… » « Toi la ferme, petit. Maintenant que t’es là, tu y restes ! » T-bag l’avait attiré à lui et Abruzzi l’avait rattrapé par les hanches, si bien qu’il avait eu l’impression d’être un doudou entre les pattes de deux sales gosses. Il avait fini serré comme une sardine entre les deux comparses et avait cru bon d’émettre l’une de ses remarques préférées à cet âge : « vous êtes totalement immatures, les gars ». Le mafieux était resté coi mais le sociopathe avait ricané de bon cœur. « C’est ce qu’on va voir… » avait-il conclu en se léchant la lippe avant de s’attaquer à son cou en suçant et en mordillant la peau juste à l’endroit où battait le pouls. Ce souvenir ravivé un instant plus tôt par la sournoiserie de Theodore, dont il gardait une légère trace, lui donna quelques sueurs tandis qu’il continuait à se livrer au joie de l’onanisme. La brûlure humide de sa langue dans le creux de son cou, la barbe de six jours d’Abruzzi rugueuse sur sa nuque, la main de T-bag qui guide la main étrangement précautionneuse de John sur son torse fluet… LJ étrangla un léger gémissement. Les doigts de Bagwell qui laissent ceux d’Abruzzi agacer doucement sa poitrine d’adolescent pour glisser lestement sur son flan, puis sur sa croupe, en appréciant la fine courbure. Les lèvres et les dents de T-bag qui rencontrent l’haleine plus distante du mafioso sur la jointure sensible de son épaule et de son cou, la bouche d’Abruzzi qui se fait brusquement plus féroce et assaille celle du sociopathe. Ce baiser incongru qui gronde juste sous ses yeux fascinés, tandis que la main sur son buste saisit brutalement l’épaule de Bagwell pour le retenir tout près, et que l’autre quitte l’arrière de sa cuisse pour aller se refermer ailleurs, à en croire les frôlements languides du poignet près de ses fesses… LJ poursuivit son ouvrage un peu plus fermement, la bouche entrouverte sur un souffle chevrotant. La tension que T-bag aspire entre ses dents et qui grésille à son oreille, lorsque John suit le mouvement et baisse le caleçon de son complice, ne laissant là pour tout rempart que sa grande pogne de mafieux couvrant son sexe pour le masser délicatement. La voix rauque d’Abruzzi qui y succède, lui suggérant de l’aider à faire gémir ce prétendu grand psychopathe. « Va te faire foutre, Mister Mafia » en réplique, puis un hoquet incrédule lorsque ses doigts, après avoir suivi le dos de la main de John, se risquent à caresser tout doucement les deux orphelines abandonnées. Les halètements profonds de Bagwell dans le silence de la tente, qui finissent par se muer en un reproche de déloyauté à l’encontre des deux complices. Le ricanement de requin d’Abruzzi lorsqu’il annonce « Et voilà un Teddy qui commence déjà à être tout mouillé ! Le gosse avait raison : tu es « totalement immature »… ». Un ordre essoufflé : « Le gosse… Fais goûter au gosse, il l’a bien mérité »… Le souvenir de tous ces sons lui montait à la tête, ainsi que toutes les turpitudes qui avaient suivi et lui avaient affolé les sens. Les phalanges du mafioso que Theodore retire de son érection spumescente et lui présente, perlées d’une larme de suc. L’odeur puis le goût de la souillure, âcres dans les faits, capiteux dans le feu de l’action. Son désir qui lui grimpe aux reins, attisé par le grognement sourd qui ronronne dans la gorge de John et surtout par ce regard forcené dont T-bag le dévore en susurrant de son timbre traînant « vas-y, mon garçon, c’est très bien… ». La sensation des doigts juteux qu’il voudrait lui fourrer plus loin dans le bec et que l’ex-parrain, mine de rien, retient. L’accès de fièvre qui s’empare alors de Bagwell comme il saisit sa cuisse et force son bassin tout contre le sien. Le sexe dur, chaud et poisseux contre le sien. La paume qui glisse furieusement sur l’une de ses fesses, bientôt rejointe par sa jumelle comme T-bag l’empoigne pour de bon. Sa chair juvénile pétrie et ouverte comme un abricot… L’excitation embarrassée mais tellement irrésistible de cette position vulnérable, tandis que les reins du sociopathe assaillent son bas-ventre de manière un peu éperdue. L’intervention d’Abruzzi qui enjoint Theodore de se calmer puis prend les choses en main… et les manie fort bien ensemble. Le cri un peu désespéré qu’il lui arrache et qui vient se mêler aux grognements à peine retenus de l’Alabamien. Et une ardeur silencieusement attendue qui point entre ses rondeurs garçonnières toujours offertes par T-bag, en humecte le creux, en menace le cœur avant de passer outre et de les rejoindre dans leurs joyeuses et impures frictions… LJ lâcha un geignement submergé et s’abandonna enfin, se soulageant de ces préoccupations avaient fortement tendance à obnubiler une fois qu’elles avaient de planter leur tente dans l’esprit… et ailleurs.

Il se reculotta gaiement et regagna sa chambre, fin prêt pour un bon dodo. Il rangea son livre sur la table de chevet et se mit au lit. Quelle ne fut pas sa surprise, en se retournant, de tomber sur une petite boule de chaleur blottie à-côté de lui. Il hurla d’abord par réflexe et alluma sa lampe de chevet, pour trouver un petit Jimmy tranquillement installé dans son pyjama rouge à girafes jaunes. Son hurlement se mua en une plainte résignée.
- Qu’est-ce que tu fous là, toi ? aboya-t-il sous le coup de l’émotion.
- Ben rien. Je dormais pas et Papa m’a dit que tu dormais pas non-plus alors… Je m’suis dit qu’on pourrait jouer, répondit simplement le petit garçon.
« L’enfoiré… » songea LJ avant de répliquer :
- Oui eh bien je ne suis pas d’humeur à jouer, moi, je veux dormir.
- Je peux dormir avec toi ?
- Non, retourne dormir avec tes frères. Allez, ouste !
Jimmy le dévisagea de ses grands yeux bruns pendant un moment avant de lancer, comme une fleur :
- Tu veux bien me remontrer ton zizi si je te montre le mien ?
Epouvanté, Lincoln Junior s’empressa de répondre :
- Mais enfin, Jimmy, ça se fait pas !
Il se sentit aussitôt bien hypocrite, lui qui s’était frotté à ses parents avec aussi peu d’équivoque que s’il avait porté un tee-shirt « Je suis un ado en rut et j’ai besoin qu’on me touche »…
- Pourquoi ? demanda ingénument l’autre Junior.
- Ton père t’a jamais appris cette comptine ? « Mooon corps c’est mooon corps, ce n’est pas le tieeen ! » entonna le jeune homme. « Tuuu as ton corps donc ne touche pas au mien ! »
James le considérait à présent avec air à la fois dubitatif et vaguement navré.
- … Non, j’imagine que non… se résigna LJ, se sentant à présent assez con.
- … Mais si je te montre le mien, on partage ! C’est bien d’partager ! insista l’enfant.
Lincoln Junior dut se jeter littéralement sur le pantalon de pyjama rouge à girafes jaunes pour empêcher le gosse de le baisser tout naturellement.
- Nooon… ! Ecoute, Jimmy, ton zizi ne m’intéresse pas ! Alors retourne faire dodo dans ta chambre, tu m’entends ? asséna-t-il fermement.
A ces mots, il lut le choc et l’incompréhension dans les yeux du petit bonhomme, qui ne tardèrent pas à se remplir de larmes.
- Oh, non, allons… ne pleure pas, le supplia LJ.
Les lèvres se crispèrent aussitôt vers le bas et un reniflement piteux se fit entendre. Désemparé, le jeunot songea tout d’abord à le ramener à son père, puis il imagina le chérubin lui confier ses malheurs et T-bag, outré, s’exclamer : « qu’est-ce qui te prend de castrer le gamin comme ça ? C’est pas bon pour son développement ! » En désespoir de cause, il lâcha :
- Bon, c’est d’accord, tu peux rester dormir vers moi mais à une condition ! Tu gardes ton pantalon et tu fais pas le mariole. Je veux pouvoir passer une bonne nuit…
Jimmy retrouva le sourire et acquiesça avidement. Après l’avoir jaugé une dernière fois du regard, le jeune Burrows éteignit la lumière.
- Bonne nuit, LJ !
- Dors bien, Jimmy.
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MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMer 6 Fév - 20:32

(Ne faites pas attention à moi... Puisque la Lanterne brûle à nouveau, je me suis dit que je ferais aussi bien de compléter les fics que j'avais commencé à y mettre... Et puis, Pinec, si les bagatelles peu avouables de ce vieux pervers de T-bag te réjouissent toujours, ça t'égayera peut-être ^___^)

Être en position de négocier

Abruzzi s’enfilait les meilleures olives qu’il avait goûtées depuis longtemps, sur la terrasse du patio, tout en écoutant avec attention les termes de l’accord que son hôte lui présentait sans avoir l’air d’y toucher. Nino semblait avant tout embarrassé par la situation. Le simple fait de donner à son hospitalité des allures de négociations le chiffonnait au plus haut point. Il ne pouvait pourtant pas se permettre d’accueillir n’importe quelle foire sous son toit et celui de la mère de ses enfants, n’est-ce pas ? Peter et Mark-Antony l’encadraient mais ne faisaient guère qu’acquiescer ou dodeliner de la tête autour de la conversation.
- I tui bambini non sono un problema per noi, John… Rosalia è lieto deli ricevere. Ama i sui pronipoti, è contenta che possono avere amici a casa. I tui ragazzi possono stare tutto il tempo che ci vuole, va bene ?
Abruzzi inclina la tête.
- A proposito di quello tizio… Che tipo è, hm ? demanda Shibetta.
- Che cosa vuoi dire con « che tipo », Nino ? l’interrogea à son tour John en faisant tourner son cure-dent au coin de sa bouche.
- Non so, John… E un frocio? E… stravagante o… ?
Abruzzi s’accorda un sourire amusé, mais en gardant la retenue qui convenait malgré tout. Il répondit en repassant automatiquement à l’anglais, qui lui était plus naturel :
- Je ne me mêle pas aux tapettes…
Il fit grâce à Theodore de sa main légère pour la bonne impression et reprit :
- Extravagant… ça dépend de ce que tu entends par là, j’imagine. Il vient du sud profond et, aux Etats-Unis, le sud profond c’est comme en Italie : que des consanguins et des va-nu-pieds sans le sou.
Nino sourit.
- Il a gardé un côté un peu rustre, quoi, résuma John d’un air dégagé.
- Mieux vaut un homme rustre qu’une folle, pas vrai ? déclara Shibetta en avalant le fond de son verre de chianti.
- Il est du genre raciste… avec les noirs. En taule, chez nous, tu es avec eux ou contre eux, tu comprends ?
L’Italien reçut la nouvelle avec un simple geste évasif.
- Il est aussi un peu cavalier avec les femmes mais je saurai le tenir. Et il ne manquera de respect à personne dans ta maison, fais-moi confiance ! lui assura l’ancien boss de Chicago.
- Caspita, John, mais tu me parles d’un homme normal, là ! s’exclama Nino, toujours aussi incrédule.
Certes, Abruzzi n’avait pas été de toute bonne foi dans ses mises en garde. Présenter la rustrerie et la cavalerie comme les défauts de Bagwell, c’était un peu comme se dire perfectionniste à un entretien d’embauche. Aucun mensonge là-dedans ! Mais il glissait gentiment sous le tapis son manque cruel de galanterie au meurtre ou encore son aisance à entreprendre les jeunes garçons innocents. Il avait espoir d’en limiter l’incidence sur le cercle familial…
- Bon, reprit Nino. Voilà ce qu’on va faire : je n’ai pas d’objection à ce qu’il reste ici le temps que ça se tasse. Mais ce qui se passe entre vous, John, je te demande que ça reste entre vous. T’es pas un de mes gars, ça me concerne pas. Mais je veux pas en savoir plus, d’accord ?
Peter secoua la tête.
- Assolutamente, acquiesça Abruzzi.
- Je veux pas que mes p’tits-n’veux soient perturbés, tu comprends ?
- Les gosses causent, cela dit…
- Ces gosses, justement… à qui ils sont, exactement ? demanda le Napolitain en fronçant les sourcils.
- Il y a de lui et il y a de moi dans le lot, répondit-il évasivement.
- Bon. Pour les gosses, les tiens sont les tiens. Les siens sont les siens. E chiaro ?
Abruzzi le considéra alors, son œil bleu scrutant la marge de négociation.
- Y a pas le choix, John. Comment tu voudrais que je leur explique vos histoires, hein ? Ces petits vont à l’école catholique, pour l’amour du ciel.
- Il y en a un dont on n’est pas sûr… précisa-t-il laconiquement.
Nino expédia le problème sans se démonter et surtout sans chercher à comprendre.
- Ce sera le tien, dans le doute !
- Theodore n’acceptera jamais ça.
- Eh bien s’il n’est pas content, il s’arrangera autrement, hein ? répliqua Schibetta, soudain cassant.
John le laissa se calmer quelques instants, sans le lâcher du regard.
- Ils m’appellent tous Papa, Nino… On change pas ça.
Mark-Antony considéra le chef de famille. Au bout d’un moment, ce dernier finit par répondre :
- Vu le nombre de bonshommes qu’ils appellent Oncle, ils n’en sont plus à ça près… On leur expliquera qu’en Amérique c’est pareil, mais avec Papa pour la famille proche…
Abruzzi lui renvoyait cette fois un air dubitatif, si ce n’est vaguement navré.
- Elle a quel âge, ta petite-nièce ?
- Neuf ans, pourquoi ?
John s’appliqua à mettre son noyau dans la coupelle et hocha la tête sans mot dire. Son silence était toutefois évocateur.
- C’est Lucy qui me le demande, John. Mais je ne me cache pas derrière elle, je suis responsable de ces petits.
« Sale mick », pensa l’Américain en son for intérieur.
- Je comprends son point de vue, acquiesça-t-il cependant.
Après tout, l’hospitalité des Schibetta ne leur était pas due dans de telles conditions, loin s’en fallait. Cela, Abruzzi le gardait bien à l’esprit. Quelques instants après, Nino reprit :
- Rosalia vous préparera donc vos chambres : per te, per i tui bambini, e per lui. Va bene ?
En relevant les yeux vers lui, John constata qu’il cherchait instamment son regard. Il le soutint longuement, essayant de ne pas grincer des dents, puis inclina finalement la tête.
- Va bene.


Le pot de départ de Bagwell fut discret et un peu amer. Il fit tout de même cadeau d’un cubi de bière à ses garçons pour leur remonter le moral, lui qui était d’ordinaire très regardant sur leur consommation d’alcool lorsqu’ils étaient en déplacement. Ils trinquèrent entre trois canapés et quelques poufs à la cahute. Il donna ses ultimes recommandations, puis tâcha d’alléger un peu l’ambiance. Les minets finirent par prendre congé ; quelques soupirs attristés furent lâchés mais personne n’en vint aux larmes, ce qui froissa sans doute quelque peu T-bag en son for intérieur. LJ lui proposa de revenir le chercher en soirée. Theodore avait encore pas mal d’ouvrage sur le métier ; il finirait de travailler seul les deux prochains jours, le temps que le patrimoine familial soit en sûreté, les affaires expédiées, les papiers préparés et la logistique du voyage prise en charge. Alors qu’il se laissait tomber dans son fauteuil, cependant, il entendit un grattement penaud réclamer l’entrée de son bureau.
- Oui ? répondit-il, curieux.
Morten se faufila à l’intérieur et le considéra de ses yeux torturés de petit gothique manqué.
- Je peux te parler ? demanda-t-il.
- Sûr, petit, viens là ! dit le couturier avec une joyeuse commisération toute prête à dispenser le supplément de consolation dont le benjamin aurait besoin.
Celui-ci posa son sac à dos par terre.
- Je peux te parler sérieusement, pour une fois ? répliqua-t-il en remontant l’une de ses longues chaussettes à damier d’un geste anxieux.
Bagwell acquiesça, la main sur son bureau, avant de s’enquérir sur un ton qui n’était pas tout à fait dupe :
- Qu’est-ce qu’il y a ?
Morten barguigna quelques instants puis finit par prendre place directement sur les genoux de Theodore, y grimpant doucement à califourchon pour déclarer :
- Ca va me faire triste de ne plus revoir tes gamins.
T-bag l’avait regardé faire, mi-stupéfait mi-catastrophé mais se gardant bien de le montrer. Dieu savait que Morten aimait à le mener par le bout du nez en paradant un peu plus que de raison au moment choisi mais Teddy n’avait jamais eu le droit d’y mettre la patte. Il n’avait jamais senti ces petites cuisses encore filiformes, avait à peine imaginé les sentir un jour ouvertes contre les siennes. Le gosse devait avoir une furieuse intention de parler affaire pour lui monter dessus de la sorte…
- … D’accord… finit-il par répondre sans bouger. Je te propose de les voir quand tu veux d’ici dimanche, voire le jour du départ.
- Tu les prends avec toi pour partir, donc ?
- Bien sûr.
- Non seulement je veux vous accompagner au départ mais je veux partir avec vous, décréta Bjorksen.

Le pédophile le considéra, franchement perplexe cette fois. Il n’y avait que de la gravité résolue dans les yeux noisettes cernés de noir.
- Pourquoi Diable voudrais-tu faire une chose pareille ?
- Qu’est-ce que je vais devenir, moi, si tu me laisses là ? Encore cinq ans coincé dans neuf mètres carrés au milieu de la faune, m’endetter à vie pour me payer deux-trois années d’études pour avoir un boulot décent, et bosser au McDo pour assurer le tout-venant ? Non merci !
- Il faudra bien que tu fasses des études, mon trésor. Faut avoir un sacré talent pour s’en sortir sans diplôme dans ce monde urbain pourri. Et puis t’auras des bourses, grâce à l’Etat-Providence que les démocrates se sont tués à nous imposer…
- Tu parles que je vais ramer avec ça…
Le filou. Il appréciait les bonnes choses, avait de la suite dans les idées, et savait se débrouiller, trois qualités qui faisaient de redoutables jeunes loups bien armés pour tirer le maximum de leur donne de départ, aussi maigre fût-elle. Passé le choc de la doléance, T-bag oblitéra l’excitation que lui procurait la perspective pourtant bien incertaine et entreprit de presser un peu le citron.
- Mais tu as une vie, ici, enfin !
Morten haussa les épaules.
- Oui. Et j’en aurai une autre en Europe.
Après un hoquet de rire un peu haut, Theodore lui répliqua :
- Ne parle pas comme si tu y étais déjà, bonhomme, c’est loin d’être aussi simple !
Et en cela il disait la vérité.
- Qu’est-ce qui t’empêche de m’emmener?
A ce moment-là, le garçon se rapprocha légèrement, inquisiteur. Ses guiboles glissèrent brièvement sur le pantalon de Bagwell et son tendre derrière quitta la dureté de ses genoux pour trouver une assise plus confortable un peu plus haut sur ses cuisses.
- Eh bien, pour commencer, dois-je te rappeler que pour l’heure tu es la propriété des Etats-Unis d’Amérique ? répondit le sudiste en dissimulant mal sa convoitise, la main sagement à plat sur le bureau.
- Où t’as lu que j’étais une propriété ? rétorqua le préado, franchement goguenard.
- Au hasard : dans le code pénal.
- Alors là, je me marre. Le code pénal, je m’assois dessus ; et j’ai pas l’impression que c’est ce qui t’arrête de manière générale, lança-t-il avec un sourire connivent.
- Je veux dire par là que ça pose des complications. Je ne peux pas t’embarquer comme ça.

Il y eut un silence. A nouveau Morten sembla hésiter et dévisagea le sociopathe comme pour se faire comprendre tacitement. Les yeux toujours levés sur lui, T-bag haussa les sourcils. Le garçon se laissa alors tomber sur son épaule, comme pour éviter son regard, et demanda :
- Teddy, tes gamins, ils voyagent comment ?
Bagwell ne put réprimer un sourire. Il n’était vraiment pas si con, le salopiot. Restait à savoir si sa perspicacité suffirait à les conduire quelque part. Son silence momentané encouragea Morten, qui se redressa finalement. Il sentit les cuisses qui l’enserraient gentiment se tendre contre les siennes. Les petites fesses du garnement pressèrent à nouveau sa chair, toutes rondes et toutes menues. Le souffle de T-bag se raccourcit légèrement et, pour différer sa réponse, il risqua un regard à son giron en appréhendant déjà l’état des lieux. L’étroit damier noir et blanc des longues chaussettes tirait l’œil et rejaillissait dans les bretelles qui assuraient le short noir. Un lambeau de peau laiteuse émergeait entre eux, à mi-cuisse, et Theodore regretta de ne pas en sentir la chaleur sous son futal. Rien ne lui échappait des pressions et des imperceptibles frottements de tissus lorsque le garçon remuait, mais sans les nuances du coton, de la toile dure ou de la chair. L’emprise des jambes encore frêles se referma sur lui l’espace d’un instant, dans un geste impatient qui voulait faire avancer la monture et s’arroger gain de cause.
- Allez, Teddy, prends-moi avec vous, s’il te plaît ! Je m’incrusterai pas, c’est promis, je sais gérer… J’ai du fric. Tout se passera bien !
Morten sentit la main de Bagwell courir sur sa chaussette avant même de l’avoir vu quitter le bureau. Il sursauta brusquement. Lorsqu’elle s’aventura délicatement sur sa peau, il la stoppa aussitôt par réflexe.
- Hé, non ! Pas ça !
Theodore inclina la tête.
- Petit, t’as vu où tu es ? Drôle de position pour jouer la brigade des frontières personnelles…
- Oui mais toi tu t’es déshabillé pour de l’argent au Nouveau-Mexique, c’est pas ça qui va te faire peur. Moi on me touche pas, pour le moment, asséna l’inconscient garçonnet en balayant sa main.
- « Pour le moment » impliquant que si je veux entrer en lice quand il sera temps, il faut que je t’emmène avec moi, c’est bien ça ? badina le sociopathe avec un sourire ironique.
Morten rajusta le haut de sa chaussette et se contenta de répondre :
- Une chose est sûre : si je reste ici, c’est clair que tu peux faire une croix dessus !
« Tiens donc » aurait volontiers répondu T-bag, tout sourire. Il s’amusait tout à fait de la situation mais il ne fallait pas trop pousser ce genre de petit jeu avec lui, sous peine de le voir soudain transgresser les règles sans prévenir. Il savait que tout le monde avait déserté le bâtiment et cette seule pensée constituait une tentation difficile à outrepasser. Ils étaient seuls. Morten sur lui, à faire joujou et à lui agiter une carotte sous le nez sans se rendre compte qu’il n’avait qu’à tendre le bras pour la prendre. Il se voyait très bien poursuivre ses caresses à l’intérieur des cuissots chauds, le saisir et le faire glisser au bout de ses flâneries, sur la butte bien dure qu’il avait fait pousser là, juste pour voir la tête qu’il ferait. Et ces frêles guiboles étreindraient sans doute beaucoup mieux les siennes une fois renversées sur un bureau, le damier plissé aux chevilles. Il se redressa, profitant de la manœuvre pour faire rebondir le môme sur ses genoux, sans le quitter des yeux. Il n’avait qu’à plier la jambe pour saisir la lame dans sa botte, en cas de besoin.
- Donc… reprit Morten, soudain légèrement mal à l’aise. Si je continue à bosser pour toi, je pourrai me trouver un coin et rien demander à personne. Ca va le faire. De toute façon je peux pas rester encore cinq ans au foyer, je te jure, je vais péter une durite là-dedans !
L’ex-taulard le lorgna un moment.
- C’est pas de la tarte de fabriquer des faux comme ça… Et c’est pas de mon ressort comme t’imagines. T’as tes papiers sur toi ?
- Dans mon sac, acquiesça Bjorksen en se levant pour retourner vers l’entrée.
Il les tendit à Bagwell en restant debout, cette fois. Ce dernier soupira.
- Je sais vraiment pas si ça va être faisable, petit…
- Tu veux bien faire ton possible, malgré tout ? le pria Morten.
- J’essaierai, abdiqua T-bag.
- Merci, Teddy. Merci, j’apprécie.
- J’ai dit que j’essaierais alors ne te monte pas le bourrichon ! l’avertit l’Alabamien. Allez file, maintenant. J’ai du pain sur la planche !
Le préado attrapa son sac et quitta les lieux, le pas un peu plus léger. Theodore resta un moment hagard puis, tel Madame Bovary, il s’exclama pour lui-même avec une incrédulité non-feinte :
- Comme j’ai été sage…
Il pressa d’une main l’arrête de son nez et de l’autre son entrejambe, puis il lâcha un lourd soupir. Un simple constat s’éleva dans la solitude de son bureau.
- Seigneur Tout-Puissant j’ai besoin de baiser quelqu’un.
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Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 Empty
MessageSujet: Re: Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses   Ne réponds pas à ton père, et autres vignettes honteuses - Page 3 EmptyMer 6 Fév - 20:36

Lorsque LJ vint le chercher en fin de journée, il avait abattu un boulot incroyable.
- Je te préviens, ce soir, c’est l’Déluge qui se colle à la tambouille, parce que je suis lessivé… sans compter que j’ai encore une jolie partie de marchandage qui m’attend, du genre pas piquée des hannetons… déclara le sudiste avec une nervosité assez inhabituelle.
- Ca risque pas : il va traîner je-ne-sais-quel tripot avec ses potes… Il rentrera pas tard mais pour la bouffe c’est mort, prédit Junior. Et puis, ça faisait partie du marché, la cuisine !
T-bag sortit de la cahute en soupirant et verrouilla l’entrée.
- Ca va, ça va…
- Un peu tendu du goupillon, à ce que je vois, observa LJ en lui donnant son casque. Morten t’a fait des misères, tout à l’heure ?
- Cet enfant est un bourreau.
- J’en doute pas, sourit Junior.
- Le petit veut venir avec nous, figure-toi, dit Bagwell en enfilant les gants de moto.
- Sérieux ?
- Comme je te le dis.
LJ marqua un temps d’arrêt avant d’enfiler son casque.
- Hé ben, il s’est vraiment attaché.
- Il ménage son train de vie présent et futur…
- C’est ce qu’il t’a dit ?
- Quoi, tu penses qu’il traverserait l’océan juste pour mes beaux yeux ? demanda T-bag avec un sourire sardonique.
- Pour tes beaux yeux sans doute pas… mais tu es tout ce qu’il a vu d’une famille depuis un sacré bout de temps. Il s’accroche, pour ce que ça vaut, je pense… C’est normal.
- Comment ça « pour ce que ça vaut » ? répliqua le sociopathe, vexé.
LJ enfourcha sa bécane et demanda :
- Tu vas faire quoi, du coup ?
- Ca, c’est avec Abruzzi que ça va se négocier… répondit Theodore en s’installant derrière lui, les bras languides autour de sa taille.
- Bonne chance, lui souhaita le jeune Burrows avant de baisser sa visière.


T-bag s’était installé sur le canapé où il avait été relégué. Les enfants n’étaient pas encore rentrés d’un petit tour avec Michael et il profita du calme de la maison pour passer son coup de fil.
- Teddy ?
- John, salut… Comment ça se passe, là-bas ?
- Pas trop mal… On se faisait une petite partie de poker bon-enfant avec les gars, autour d’une petite liqueur… Nino t’accepte officiellement dans sa maison, au fait !
- Trop d’honneur ! Comment t’as réussi à le convaincre ?
- Je lui ai assuré que tu ne te baladerais pas en mettant la main au cul de tout le monde.
- Je serai donc sélectif. John, j’aurais… une faveur à te demander. Du genre qui risque de me coûter cher mais je suis prêt à payer la note.
- Dis toujours.
- Aujourd’hui Morten est venu me dire que les gosses allaient beaucoup lui manquer et qu’il avait du mal à se faire à ce soudain départ… Il m’a dit à quel point ce serait dur pour lui de continuer encore des années sans rien voir d’autre que les bancs de l’école et le foyer et…
- Oooooh Theodore : non.
- C’est pas fair-play, ce que je lui fais, John ! Du jour au lendemain je le prive du travail où il s’épanouissait. Je le balance dans la nature, où il est tout seul, et je lui dis de se débrouiller ! De grandir dans sa cage à lapin et d’essayer de se faire une place dans ce monde, sans personne pour le soutenir !
- De grands Américains se sont construits comme ça…
- Eh ben, mettons les gosses à l’Assistance tout de suite, dans ce cas…
- D’accord, c’est pas facile, j’imagine bien. Mais il a survécu jusque là avant toi, Teddy, il survivra après.
- Pourquoi tu lui refuses d’emblée ton aide, comme ça ?
- Je ne lui refuse pas mon aide, j’aime bien ce gamin ! Je suis prêt à lui envoyer une petite enveloppe raisonnable pour ses étrennes et son anniversaire. Et libre à lui de déménager quand il sera majeur.
- C’est maintenant que ce petit a besoin de notre aide. Aussi choquant que cela puisse vous paraître, à toi et à tes accointances mafieuses, on ne peut pas tout régler avec des enveloppes !
- Chaque faux papier d’identité est un risque de plus qu’on prend. Pour toi, et pour les gosses. C’est non.
- Oh enfin, ne m’la fais pas : tes gars sont des experts, non ?
- Tout ne dépend pas que d’eux. Un garde de sécurité suspicieux qui le reconnaît après avoir vu sa petite gueule sur une affiche, qui se demande ce que fout un ado au milieu d’une marmaille qui ne lui ressemble absolument pas, qui le cuisine un peu trop… vous êtes tous gaulés. C’est un risque de trop pour ce qui est en jeu.
- Il est orphelin, John…
- C’est ça : fais-moi pleurer sur les orphelins maintenant… après avoir brisé des dizaines de familles.

A ce moment-là, la fratrie rentra de sa promenade, accompagnée de Michael. Jimmy Junior accourut, une petite boîte dans les mains, et lança avec véhémence :
- Papa !
- Une seconde, champion, Papa est au téléphone, l’arrêta Bagwell en levant une main devant lui. John, ne lui fais pas payer ce que tu peux me reprocher. Dis-toi bien que tu ne fais pas ça pour moi mais pour lui.
- Ben tiens, pourquoi ai-je la curieuse impression que tu es tout de même considérablement intéressé dans cette affaire ?
- Peut-être parce que je n’ai pas l’habitude de me décarcasser par charité chrétienne, et je n’aurai pas le front de nier que je me suis entiché de ce gamin. Mais c’est de sa vie dont il s’agit. Moi, des muscadins comme lui, je pourrai en avoir autant que je veux sur ton Vieux Continent de païens, et des moins farouches. Alors ne t’imagine pas que je te demanderais une chose pareille juste dans l’espoir de m’escagasser le sucre d’orge !
- Papa !
- Je veux bien te croire, Teddy. Et je compatis avec le petit s’il est à ce point mal dans ses baskets qu’il est prêt à se transplanter de l’autre côté du globe avec nous. Mais je ne peux pas te mettre en péril pour ça, sans parler des garçons.
T-bag lâcha un hoquet incrédule.
- Espèce de rital condescendant ! Tu t’adresses pas à ta putain de bourgeoise, là, capisce ?
- Papa !
- La ferme, Jimmy !
- Theodore, te passe pas sur le gamin ! Et surveille ton langage !
- Si tu tirais pas les ficelles, John, je te jure… Ca se passera pas comme ça, là-bas, je t’aurai prévenu ! J’ai pas besoin de me faire mettre sur tous les plans en permanence !
- A ce propos…
- PAPA !!
- LA FERME, JUNIOR !
La baffe partit, entraînant le fracas de la petite boîte en plastique sur le sol. Une longue plainte monta de la gorge de Jimmy, qui s’enfuit en courant. T-bag finit par balancer violemment son téléphone sur le coussin opposé du canapé.

Michael fit bientôt irruption dans la pièce.
- Qu’est-ce qui se passe ici ?
Bagwell le regarda par en-dessous sans mot dire.
- Ne me fais pas ton air mauvais, ça ne prend plus. Qu’est-ce que tu as fait à Jimmy ? Il voulait te montrer le couple de lucanes qu’il a attrapé.
Theodore remarqua alors les deux gros insectes aux mandibules disproportionnées en escapade sur le sol.
- Tu mets le pied dessus et je te préviens, je te casse encore le genou à la barre de fer. Je pense que tu n’en gardes pas un très doux souvenir…
Scofield avait raison.
- Ce serait pourtant le meilleur service que je pourrais rendre à ces bestioles, répondit-il. Jimmy prévoit probablement de leur arracher les pattes, de toute façon…
- Je veillerai à lui faire voir autre chose de la vie que les mutilations d’animaux, affirma Gueule-d’Ange. Maintenant vas t’excuser.
Bagwell haussa les sourcils.
- On voit que tu n’as jamais dû élever d’enfant en bas-âge, toi…


La soirée se passa dans une triste ambiance. Michael retrouva Jimmy Jr roulé en boule sous le blouson de LJ, en train d’en sucer anxieusement une manche. Il tenta de le consoler comme il pouvait, faisant pratiquement le mea culpa de son père, mais le bambin resta maussade. Il finit par grimper jusqu’à la chambre de LJ, non sans lancer au passage un regard noir à Theodore, et alla se lover contre sa jambe droite sans rien demander, le pouce fermement enfoncé dans la bouche. L’étudiant se contenta de continuer son travail comme si de rien n’était… Bagwell s’acquitta de sa corvée de cuisine mais demeura des plus bougons pendant tout le repas, sous le regard de Jimmy qui ne le lâchait pas plus que l’œil d’Abel. Seuls Dino et Caligula continuèrent de jouer tranquillement, assez peu perméables à la tension qui flottait bas sur les convives. Plus tard, alors que Theodore débarrassait la table, Michael se proposa gentiment pour lire la petite histoire du soir. LJ remonta dans sa chambre pour finir de repasser son cours. Au bout d’une demi-heure, la porte s’ouvrit et Jimmy Jr se glissa à nouveau à l’intérieur pour aller se pelotonner dans son lit.
Le jeune homme se crispa.
- Ah mais non, Jimmy, tu peux pas venir squatter ma piaule tous les soirs ! s’exclama-t-il en veillant à conserver un ton aussi gentil que possible.
- Je veux dormir avec toi ! déclara l’enfant.
- Oui mais moi j’ai envie d’avoir mon lit à moi ce soir, expliqua l’étudiant.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est mon lit, et que tu en as un à toi en-bas.
- Mais j’ai plus de place ici.
- J’en ai besoin, de cette place. Allez allez, file !
- Pourquoi t’en as besoin ?

LJ se résigna finalement à sortir le petit garçon par les aisselles et, en dépit de ses virulentes protestations, à le redescendre jusqu’à la chambre des enfants, où il refusa évidemment de rester, tant et si bien que ce que LJ craignait arriva : Bagwell intervint et gourmanda à sa façon le pauvre Jimmy qui lui en voulait encore amèrement pour la claque précédente. Lincoln Junior battit en retraite dans le salon, préférant ne pas assister à la leçon. Il entendit quelques glapissements furibonds et des petits coups étouffés, bientôt éteints par les mots de T-bag qui frappaient en cadence rapide. Un claquement de porte finit par conclure la dispute et l’Alabamien reparut, à bout de nerfs.
- Désolé, j’ai… j’ai vraiment pas su le gérer autrement… regretta LJ, resté debout.
- Non mais t’inquiète pas, va… C’est pas comme si c’était la première fois qu’il piquait une crise, celui-là, répondit-il en s’affalant sur le canapé.
- Il voulait encore dormir chez moi mais… ça devient un peu pot-de-colle, là, je pense qu’il faut lui donner une limite…
- Je comprends. Les garçons ont besoin de leur intimité, pas vrai ? suggéra le pédophile en se fendant tout de même d’un rictus polisson.
- Qu’est-ce que tu lui as dit pour le faire rester avec ses frères ? demanda le jeune Burrows, curieux.
- Que s’il continuait comme ça, on allait le laisser là et partir sans lui, répondit Theodore en retirant ses chaussures.
- Mais c’est horrible !
- Le petit doit savoir ce qu’il veut…
Il établit à nouveau son camp dans le canapé, balançant certains coussins, en installant d’autres… LJ vint s’asseoir sur un coin disponible.
- C’est pas une sinécure, hein, d’élever des mômes ? meubla-t-il.
- Ca, tu peux le dire… vraiment une tâche ingrate, conclut le sudiste en enlevant sa chemise avant de s’étaler de tout son long sur son duvet.
- Tu veux taper le carton en te remontant avec un bon vieux rock ? lui proposa Junior.
- Très franchement, mon garçon, je n’ai même plus l’énergie pour ça aujourd’hui… répondit T-bag, maussade.
- Tu veux te mater un film ?
- Nah… je suis pas trop d’humeur. Plus tôt je pioncerai, mieux ça vaudra pour tout le monde.
- Oh allez, faut pas te coucher sur toute cette merde… insista LJ.
- Tu veux dire sur le superbe canapé design de Gueule-d’Ange aussi chic que les joyaux de la couronne et aussi douillet que le latex d’une capote ?
Le neveu se contenta d’un sourire indulgent. Finalement, il répondit :
- C’est vrai que c’est pas ce qu’il y a de mieux pour un sommeil réparateur… Allez, viens, on va te mettre dans un vrai lit.
Sur ce, il se leva, et Bagwell le regarda un instant comme s’il n’osait pas comprendre. Lorsque LJ quitta la pièce comme si de rien n’était, cependant, il envoya valser son duvet par-dessus les moulins et bondit désespérément à sa suite. Il le rattrapa dans le couloir et le saisit d’un bras par derrière pour le ramener contre lui.
- Je suis confondu, dit-il à voix basse avec un étonnement affecté. Tu viens de virer le pauvre Jimmy de ton paddock et maintenant tu m’invites ? Ca n’a pas de sens…
Le garçon gigota un peu entre ses bras pour la forme mais rétorqua :
- Ouais, eh ben… Je doute que Jimmy soit déjà en mesure de me donner ce dont j’ai besoin ce soir.
La gorge de T-bag vibra d’un ricanement bas.
- On dirait qu’on est moins propre sur soi que l’autre jour, hm ?
Sa langue darda brièvement sous son oreille et le jeune homme tressaillit avant de pouvoir articuler :
- Je m’en tiens à mes principes. T’es plus mon patron depuis tout à l’heure, pas vrai ?
- Une famille vertueuse… admira gravement le sociopathe en caressant légèrement le garçon par-dessus son tee-shirt. Et de quoi exactement as-tu besoin ce soir, LJ ?
Junior se remit à avancer pas à pas, dans l’espoir d’atteindre un lieu plus isolé avant de lâcher quelque son inopportun.
- De la même chose que toi, il me semblait… enfin… l’énergie en plus.
Bagwell brusqua alors son avancée jusqu’à la rambarde de l’escalier. LJ se retrouva penché sans merci sur le garde-fou, une saillie impitoyable au creux du derrière.
- Rien que de te sentir quand tu es dans cet état me fait méchamment remonter la sève, petit, méfie-toi… lui susurra-t-il dans le creux de l’oreille. Tu feras moins le malin quand je t’aurai baissé le futal et que je te monterai comme au bon vieux temps, quand je me chargeais de te débourrer un peu plus que ton premier coup…
Les jambes de LJ se mirent à flageoler et son souffle s’étrangla brièvement dans sa gorge.
- J’ai fait du chemin depuis mes quinze ans, je vais t’en remontrer ! tenta-t-il.
- Ca a tout juste plus de vingt piges et ça cause déjà comme un homme, ma parole, répondit simplement T-bag en glissant une main entre ses cuisses et en caressant sans pudeur l’entrejambe pleine du garçon.
LJ fut traversé d’un spasme et dut se mordre franchement le poignet pour ne pas faire de bruit. Après quelques trémolos, il remonta à l’assaut.
- Tu cherches encore à te faire jouir sur les doigts, T-bag ?
- Je te conseille de garder ça pour plus tard, garçonnet, le temps que je te baise jusqu’à l’os et que je te laisse pour mort, lui susurra consciencieusement Bagwell.

A cet instant, alors que Junior s’apprêtait à tourner de l’œil d’anticipation, la porte d’entrée s’ouvrit juste devant eux et Lincoln Sr apparut, accompagné de la lumière blafarde du porche. Profondément absorbé par son trousseau de clés, Burrows déclara :
- Je n’ai rien entendu. Je n’ai rien vu. Vous avez trois secondes avant que je revienne à moi.
LJ et T-bag se carapatèrent en toute hâte en haut des escaliers.
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