C’est toujours vert
Il crèche à Hobbitebourg,
Un p’tit bled ordinaire,
A Cul-de-sac le jour,
La nuit au Dragon Vert,
L’est truffé de pièces d’or
Qu’il entass’ dans son trou,
S’ennuie comm’un rat mort
Dans ce monde de mous.
Il rêve d’Elfes et de Nains
Et de grandes aventures,
Calé dans ses coussins
Dans un bien-être sûr,
Il se sent étranger
Dans sa vie personnelle…
Il habite quelque part dans un trou bien classe,
Mais il vit null’ part, y a jamais rien qui s’passe,
Pour lui la Comté c’est toujours vert
Comm’ sa porte ronde, un’ collin’ d’herbe…
Il a just’ trent’-trois ans,
Un oncl’ qu’a mis les boues,
Pas d’ami, p’us d’parents,
Et pis quoi ? Un beau trou ?
Y a bien qu’son bel anneau
Qui lui cause pas d’soucis,
Encore que ces temps-ci
Il lui crée bien des maux :
Il s’lève pour aller l’voir,
Parfois en pleine nuit,
C’est juste histoire de savoir
S’il est toujours chez lui…
C’est un cadeau d’Bilbon,
Clair qu’il était bien bon…
Il habite quelque part dans un trou bien classe,
Mais il vit null’ part, y a jamais rien qui s’passe,
Pour lui la Comté c’est toujours creux
Mêm’ si au fond d’ses yeux y a un p’tit coin d’ciel bleu…
Il glande tous les jours,
C’est un p’tit aristo,
Et son semblant d’humour
Est trop fin pour les autres.
Les soirs d’fête c’est l’enfer
Quand tous ces péquenots
Viennent remplir leurs gosiers
Et noyer leurs cerveaux
De quinze litres de bière,
De monceaux de bidoche,
Laissant les bonnes manières
Au fin fond de leurs poches.
Ce spectacle l’écœure
Alors il pense à tonton
Qui s’est fait voyageur
Et lui trouve des raisons…
Il habite quelque part dans un trou bien classe,
Mais il vit null’ part, y a jamais rien qui s’passe,
Entre les bouquins en haut d’la ch’minée,
Et les cartes au mur qui le font trop rêver…
Il a bien ses p’tit’ joies
A défaut du bonheur :
Quand il regarde Sam
S’occuper d’ses choux-fleur
C’est plutôt surprenant
Mais son ennui se barre,
Son ventr’ se tord autant
Qu’après une orgie d’lard.
Y a pas d’doute c’est l’amour
En tout cas ça y r’ssemble…
Jamais dit au grand jour
Rien qu’d’y penser il tremble :
Chez cette bande de rats
Vaut mieux marcher bien droit…
Il habite quelque part dans un trou bien classe,
Mais il vit null’ part, y a jamais rien qui s’passe,
Rien que ses sentiments sont à eux seuls pervers
Ses histoires d’amour sont tout’ imaginaires…
Chez lui c’est du parquet
Mais faut mettre les patins :
Dehors c’t’assez crotté
Faut qu’dedans ça soit bien !
Ca pue le vieux Tobby
Mais ça on n’y peut rien :
C’est sa port’ de sortie
Vers des mondes lointains.
Lui il dit qu’en tous cas
Il aim’ bien les humains,
Sa réput’ est plus bas
Que le caleçon d’un Nain
De l’avis général
C’est un « original »…
Il habite quelque part dans un trou bien classe,
Mais il vit null’ part, y a jamais rien qui s’passe,
Pour lui la Comté c’est toujours vert
Comm’ la cape qui l’attend à la patère…