L’enfer
12/10/08
Sur les personnages imposés : Dexter & Doakes
Sur le thème imposé : L’enfer
Cela faisait cinq jours que James Doakes vivait l’enfer, enfermé dans cette cage. Cinq jours qu’il essayait d’entrer réellement en contact avec Dexter Morgan sous ses nouveaux traits : celui d’un démon macabre qui avait expédié ad patres plusieurs dizaines de personnes. Il avait tout essayé pour le raisonner : le mépris sarcastique, la menace, la culpabilisation, l’exposé rationnel et calculé. Mais on ne raisonnait pas quelqu’un comme Dexter Morgan. Un individu qui en était arrivé à accoucher lui-même de tout un cimetière marin avait depuis longtemps dépassé le cap de la raison, pensait Doakes. Le comble était de présenter l’acte comme héroïque, comme le châtiment des pêcheurs rendu par un justicier rédempteur.
- Qu’est-ce que tu crois, Morgan ? Que c’est à toi de rendre le jugement dernier des habitants d’cette ville ? lui lança-t-il, les mains accrochées au grillage.
- Loin de là, je vous assure… répondit l’intéressé en sortant des affaires d’un grand sac poubelle.
- Alors pourquoi ?
- Pour une pure raison pratique, sans vouloir contrarier Kant.
- T’es un vrai cinglé, Morgan, tu sais ça ? Tu crois que ce que tu fais nous aide dans notre travail pour protéger Miami ?
- Huh à vrai dire, oui. Je passe derrière vous, nettoyer ce qui vous a échappé, et essayer de faire pencher la balance dans le sens d’une diminution du nombre de meurtres.
- On a des prisons pour ça. Et si certains criminels doivent passer entre les mailles de la justice, c’est très déplorable, mais c’est comme ça. Ca ne justifie pas tes boucheries. On fait ce qu’on peut ici, mec. Et que ceux qui restent aillent au diable. L’enfer reconnaîtra les siens.
- L’enfer ?
Dexter le considérait avec un sourire en coin un peu bluffé.
- L’enfer c’est trop facile, James. Est-ce qu’il est admissible de jeter quelques unes de ses ordures en pleine nature, sans personne pour s’assurer de ce qu’elles vont devenir ?
Le sergent fulminait. Les psychopathes et leur art de s’en tirer par des métaphores morales complètement boiteuses…
- On parle d’être humains, là, Morgan.
- Je sais. La Bible aussi lorsqu’elle parle de tortures éternelles, de chair calcinée, de démembrements et de rats dans le sexe.
Doakes resta muet derrière sa grille.
- Ah, il faut savoir sergent : ou l’enfer auquel vous faites allusion est un enfantillage qui ne prête pas à conséquences et donc ne résout rien, ou il est une réalité de l’au-delà bien plus barbare que mes petites exécutions sommaires. J’imagine qu’on ne pourra jamais être sûrs… C’est pourquoi je préfère ma propre solution.
Le flic eut un hoquet de mépris.
- Une solution ? A savoir ?
- L’enfer sur terre, répondit Dexter en quittant la cabane avec un clin d’œil sans malice.